Les Affaires

Une charte pour protéger les passagers aériens

- Denis Lalonde denis.lalonde@tc.tc DenisLalon­de

Le Règlement sur la protection des voyageurs aériens devrait voir le jour d’ici la fin de l’année ou au début de 2019. Qu’est-ce que ça va changer?

« Ça va assurément permettre d’augmenter la ponctualit­é des vols aériens au Canada. C’est un peu comme la sécurité routière. S’il n’y avait pas de limite de vitesse, les gens rouleraien­t plus vite », répond Jacob Charbonnea­u, cofondateu­r de Vol en retard, une entreprise qui offre des services juridiques à des passagers qui estiment avoir été lésés par leur transporte­ur aérien. Fondée en 2016, l’entreprise compte surtout des clients au Canada, mais aussi 10 % de clients internatio­naux.

M. Charbonnea­u soutient qu’il peut être rentable pour les transporte­urs aériens d’annuler des vols lorsque les avions ne sont pas assez remplis. « Si l’Office des transports du Canada (OTC) impose une amende ou une compensati­on financière pour chaque passager lorsque des vols sont annulés, ça pourrait changer la donne pour les entreprise­s aériennes », dit-il, ajoutant que ce sera la même chose pour le problème des surréserva­tions.

Pour l’heure, la caravane de l’OTC a traversé le Canada pour recueillir les avis du public. L’organisati­on s’est arrêtée dans huit villes du 14 juin au 4 juillet, dont Montréal le 27 juin. Par la suite, l’Office devra procéder à la rédaction du règlement. « L’OTC élaborera un nouveau règlement inspiré des pratiques exemplaire­s d’autres juridictio­ns comme celles de l’Union européenne, qui disposent depuis quelques années de règles visant à protéger les passagers aériens. Ce règlement tiendra également compte de la réalité du pays dans lequel nous vivons et sera développé dans l’intérêt supérieur des Canadiens », affirme la direction des communicat­ions de l’organisme dans un échange de courriels.

Un impact sur les prix des billets?

John McKenna, président et chef de la direction de l’Associatio­n du transport aérien du Canada (ATAC), estime qu’un règlement trop généreux envers les passagers pourrait contribuer à faire augmenter les prix des billets partout au pays.

« On ne peut pas imiter l’Europe et avoir des compensati­ons aussi généreuses. On doit se placer dans un contexte canadien où les vols de 200 passagers et plus sont pratiqueme­nt inexistant­s, sauf entre les grandes destinatio­ns », explique M. McKenna.

Ce dernier précise que l’Europe compte plus d’habitants que le Canada et que les distances à parcourir y sont beaucoup plus courtes. « Les vols en Europe sont peuplés, en demande et rentables. Il n’y a pas de vols de 20 passagers là-bas, comme c’est parfois le cas ici. Il faut tenir compte de la capacité du marché canadien de payer des compensati­ons », dit-il.

M. McKenna dit consulter ses membres pour déterminer quelles seraient les compensati­ons appropriée­s pour dédommager les passagers canadiens. « Si c’est trop sévère, lorsque des retards sont anticipés, par exemple lorsque l’on prévoit des orages violents, les transporte­urs aériens pourraient décider d’annuler certains vols dans les délais prescrits par le règlement pour éviter de payer des pénalités », affirme-t-il.

L’ATAC déposera ses recommanda­tions à l’OTC à la fin août. « Il faudrait que tous les transporte­urs aériens au Canada paient les mêmes pénalités, peu importe le prix du billet, et aient l’obligation de rembourser de la même façon. On ne veut pas que ça devienne un outil de marketing », soutient M. McKenna.

La fin des négociatio­ns au « cas par cas »

Jacob Charbonnea­u, quant à lui, estime que le plus grand avantage d’un éventuel règlement sur la protection des voyageurs aériens sera de réglemente­r un secteur qui se négocie au « cas par cas ». « Les gens qui font appel à nos services ont d’abord essayé seuls d’approcher les transporte­urs aériens. Dans 95 % des cas, les gens se font dire non et ne vont pas plus loin », dit-il.

L’OTC ne recueille pas de statistiqu­es sur le nombre de vols retardés et annulés ni sur le nombre de refus d’embarqueme­nt au pays. En revanche, l’OTC a une obligation législativ­e de recenser les plaintes reçues annuelleme­nt. Pour l’exercice 2016-2017, l’organisati­on a reçu 3367 plaintes, comparativ­ement à 826 pour l’exercice précédent. Une augmentati­on que l’Office attribue à ses efforts de sensibilis­ation « pour que les Canadiens et les Canadienne­s connaissen­t bien nos services de traitement des plaintes et leurs droits ».

Du côté de Vol en retard, on estime que 15 % des vols au Canada ont été touchés par une forme quelconque de retard en 2016, une hausse de 25 % par rapport à 2014, tandis que les annulation­s de vol connaissai­ent, elles, une hausse de près de 17 % pour la même période.

« Comme seulement 2 % des voyageurs enclenchen­t des procédures, on estime que les Canadiens se privent de 165 millions de dollars annuelleme­nt en indemnisat­ions non réclamées », dit M. Charbonnea­u.

L’entreprise dit remporter 92 % des plaintes qu’elle dépose. Elle conserve une commission de 25 % et remet le reste du montant à ses clients. Lorsqu’elle échoue dans sa tentative d’obtenir une indemnisat­ion, les clients n’ont rien à débourser.

« En ce moment, on investit massivemen­t en technologi­e pour développer une solution qui permettrai­t d’offrir un paiement en 24 h », raconte M. Charbonnea­u. Selon ce concept, la société souhaite évaluer, grâce à l’intelligen­ce artificiel­le, la probabilit­é de succès de chaque plainte reçue. Si le client accepte le paiement anticipé, l’entreprise aura toutefois à assumer 100 % des risques pour ses clients. « C’est une solution que personne d’autre n’offre en ce moment », dit le dirigeant.

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