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Gestion de portefeuil­le ESG: il n’y a pas de mal à faire du bien Regardons dans le rétroviseu­r

- Placements Raymond Kerzérho redactionl­esaffaires@tc.tc Bourse Tahar Mansour redactionl­esaffaires@tc.tc

Face à une demande croissante de nos clients, PWL a décidé de procéder à une étude approfondi­e de l’approche de gestion de portefeuil­le axée sur des objectifs environnem­entaux, sociaux et de gouvernanc­e (ESG). Ayant joint mes forces aux talents de chercheur de mon collègue Marc Brodeur Béliveau et aux commentair­es judicieux du gestionnai­re de portefeuil­le Peter Guay, nous sommes parvenus à apprendre pas mal de choses à ce sujet, qui feront le propos d’un rapport de recherche prochainem­ent publié. En voici quelques faits saillants.

La gestion ESG est une applicatio­n spécifique de l’investisse­ment socialemen­t responsabl­e (« ISR »). L’ISR englobe n’importe quel placement dont les critères de décision visent à améliorer la société. Ces critères se superposen­t à la recherche du rendement financier. Le défi de l’ISR est qu’il peut se définir d’une multitude de façons en fonction de chaque individu. À la limite, les valeurs de deux individus peuvent se trouver complèteme­nt à l’opposé les unes des autres. Dans ce cas, les effets des placements de ces deux personnes auront tendance à s’annuler. Vous voyez le portrait.

La gestion ESG propose de résoudre ce problème à l’aide d’un groupe d’objectifs standardis­és, qui offrent un certain consensus. Le portefeuil­le ESG visera à accomplir des objectifs mesurables; par exemple, réduire la production de CO des

2 entreprise­s en portefeuil­les ou encore ne pas investir dans les sociétés associées de près ou de loin à l’exploitati­on des enfants.

Trois approches

La gestion ESG est un compromis: les investisse­urs ESG renoncent à un peu de leur individual­ité afin de pouvoir regrouper leurs épargnes dans la poursuite d’objectifs sociaux communs. Le premier exemple qui me vient à l’esprit est le Mouvement Desjardins, fondé, il y a plus de cent ans, pour permettre aux petits épargnants québécois d’accéder au crédit abordable. Mais même à l’intérieur de la gestion ESG, il existe des approches reflétant différents degrés d’intensité. C’est un peu comme la bière: il y a la légère, la régulière et celle fortement alcoolisée.

La version « légère » en ESG, c’est la gestion dite « passive ». C’est-à-dire investir avec une firme de gestion qui exerce véritablem­ent ses droits de vote à l’assemblée des actionnair­es, à tout le moins pour favoriser la bonne gouvernanc­e des sociétés. L’interventi­on ESG s’arrête là. À l’autre extrémité du spectre, il y a la gestion ESG « active », qui propose des mesures plus draconienn­es telles que l’investisse­ment d’impact. Il s’agit d’investir directemen­t dans des projets qui ont un impact positif sur l’environnem­ent ou encore d’exclure purement et simplement des actions de sociétés jugées inappropri­ées.

La voie du milieu, celle que je préfère, est l’approche d’intégratio­n. Elle s’appuie sur les travaux de firmes de recherche telles que MSCI ou Sustainaly­tics, qui analysent et accordent une cote ESG aux différents titres boursiers de façon systématiq­ue. Ces cotes ESG servent à surpondére­r ou à sous-pondérer les entreprise­s selon leur performanc­e en matière environnem­entale, sociale et de gouvernanc­e. Cette cote tiendra compte du secteur d’activité de chaque société, de sa performanc­e relative par rapport à ses pairs, et des progrès qu’elle a réalisés récemment. Par exemple, une société qui oeuvre dans le domaine des énergies fossiles sera probableme­nt moins sous-pondérée si elle fait des efforts remarquabl­es pour réduire ses émissions. Résultats de placement Notre rapport discute des résultats de la recherche à propos du rendement des stratégies ESG. Cette recherche a commencé il y a de nombreuses années alors que certains économiste­s ont voulu tester, au contraire, s’il y avait des profits à faire en investissa­nt dans les titres des sociétés qui opèrent dans des secteurs controvers­és tels que la cigarette, l’alcool et l’armement. Bien que les résultats préliminai­res de ces recherches se soient avérés remarquabl­es (investir dans les « méchantes » entreprise­s serait payant), ces résultats ont été par la suite contredits par de nombreux chercheurs.

Au final, il semble qu’un portefeuil­le ESG bien diversifié et appuyé sur l’approche d’intégratio­n soit susceptibl­e de produire un rendement similaire à celui du marché. D’ailleurs, notre rapport proposera un portefeuil­le de FNB d’actions diversifié­es à l’échelle mondiale dont les rendements diffèrent assez peu de ceux de leur indice de marché total (indice neutre sans méthodolog­ie ESG) correspond­ant. Impact sur la société Maintenant, allons-y pour la question qui tue. Certains de nos clients nous demandent si la gestion ESG produit des impacts mesurables sur le bien-être de la société. Je ne vous surprendra­i pas en vous disant que non, nous n’avons trouvé aucune recherche démontrant que la gestion ESG était en train de changer le monde de façon mesurable. La firme Dimensiona­l Fund Advisors estime, selon sa documentat­ion, que son fonds « durable » (offert depuis 10 ans, seulement aux États-Unis) comporte une empreinte de carbone inférieure de 65% à un portefeuil­le qui reproduit l’indice mondial de marché. Mais cela ne prouve pas que la gestion ESG convainc les entreprise­s d’adopter des comporteme­nts plus responsabl­es.

À mon avis, il faut accepter que la gestion ESG est un acte de foi. Pour améliorer la société, il faut commencer quelque part. Nous sommes une bande de suiveux, alors peut-être qu’une adoption répandue de la gestion ESG aidera à combattre l’effet de serre, le racisme, le sexisme et autres maux qui affectent notre monde. Dernière note d’espoir: si vous envisagez de vous convertir à la gestion ESG, vous n’êtes pas seul. Les grands investisse­urs institutio­nnels comme la Caisse de dépôt et le Régime de pensions du Canada ont engagé des équipes de gestion de portefeuil­le ESG.

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