Les Affaires

Le quincaille­r

- Julie Cailliau Éditrice adjointe et rédactrice en chef, Groupe Les Affaires julie.cailliau@tc.tc @julie140c

Dans une autobiogra­phie parue le 13 septembre, Robert Dutton n’attend pas son 7e chapitre intitulé « Crever l’abcès » pour s’exécuter. Dès le prologue, l’ancien dirigeant de Rona raconte comment Michael Sabia, patron de la Caisse de dépôt, lui aurait signifié que l’avenir du réseau de quincaille­ries n’était plus entre ses mains. « Vous ne savez pas faire de profits. Vous n’êtes pas capable. »

Ces souvenirs de M. Dutton remontent à 2012, deux jours avant que le conseil lui demande de partir. Ils sont encore assez vifs pour qu’il se permette d’écrire son dialogue avec M. Sabia avec tirets et guillemets. « Ces échanges ont vraiment eu lieu et je suis resté rigoureuse­ment fidèle à leur teneur, à défaut de leur verbatim », écrit-il.

Ce sont aussi des souvenirs encore douloureux. Au terme des quelque 400 pages, il le dit lui-même: en 2012, il s’était promis de pardonner, « un chantier plus long que prévu ».

A-t-il écrit ce livre pour avancer sur la voie du pardon, ou bien l’aurait-il fait même si sa carrière chez Rona s’était bien terminée? Je le souhaite, car au-delà de la polémique qui entoure le rôle de la Caisse dans son départ et la vente de Rona à Lowe’s, son parcours de gestionnai­re, sa vision du leadership et des affaires méritent d’être racontés.

Il a grandi dans la quincaille­rie de ses parents et il se voyait reprendre l’affaire et la développer quand André Dion l’a plutôt recruté au marketing de Ro-Na. Il se passionne, gravit les échelons, et à 28 ans, il s’avoue à lui-même son ambition d’en devenir un jour le président. Il passe par toutes les affres de la direction d’une grande entreprise. Inefficaci­té opérationn­elle, récession, jeux politiques au conseil, conflits de travail, attentes des investisse­urs... À plusieurs reprises, il fait ce que peu de dirigeants se permettent: il s’arrête et prend du recul. Il réfléchit sur ses aspiration­s et sur ses valeurs. L’éthique et l’« ambition de servir » s’imposent, tout comme la conviction que l’« entreprise est avant tout un lieu de rapports humains ».

M. Dutton, par ailleurs chroniqueu­r invité dans nos pages, m’a parlé de son livre comme d’un « livre réfléchi ». Réflexion sur lui-même, réflexions à l’usage des entreprene­urs. « Comment ça se bâtit, une grande entreprise. » Il se défend du fait que le livre soit un règlement de compte avec la Caisse. Néanmoins, il estime que contrairem­ent à une entrevue, comme il se l’est tant fait demander (par moi, notamment), « un livre donne plus d’espace pour exposer les détails et les nuances ».

À nous maintenant d’entendre ce que les autres personnage­s de cette histoire voudront bien en révéler. La Caisse, elle, a réagi par communiqué: « Le récit [...] ne correspond pas aux événements et aux faits tels que vécus par la Caisse et ses représenta­nts. »

la

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada