Les Affaires

L’internatio­nalisation à l’heure des mutations

- Événement Les Affaires Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc Gérer l’incertitud­e

S’internatio­naliser est toujours exigeant, mais peut l’être encore davantage dans un contexte économique de transforma­tion et de changement. Quelle stratégie adopter pour croître dans un marché internatio­nal qui se métamorpho­se toujours plus rapidement, et comment composer avec un marché, comme celui des États-Unis, qui tend à verser dans le protection­nisme?

Absolunet, une agence de commerce électroniq­ue et de marketing numérique établie à Boisbriand, fait des affaires aux États-Unis depuis 2016, une période pendant laquelle le marché a eu tendance à vouloir se refermer. Pourtant, l’entreprise a connu là-bas une progressio­n fulgurante depuis cette date, ce qui contraste avec les résultats médiocres qu’elle avait obtenus lors d’essais antérieurs. Comme quoi turbulence­s ne rime pas avec échec assuré. Comment s’y est-elle prise?

« Cette fois-ci, plutôt que de faire les choses à tâtons, nous avons élaboré une vraie stratégie », dit le président Martin Thibault, qui sera conférenci­er à l’événement Croissance à l’internatio­nal, organisé par le Groupe Les Affaires, le 6 novembre. Une stratégie qui comprend un bureau à Kansas City et l’embauche d’Américains.

Selon M. Thibault, employer un personnel local a grandement contribué au succès de l’entreprise. Le premier employé, qui comprenait intuitivem­ent le marché après y avoir travaillé durant une vingtaine d’années, et qui savait « s’adresser à ses compatriot­es », lui a par exemple donné deux conseils cruciaux.

Le premier : arrêter de présenter Absolunet comme une entreprise canadienne pour privilégie­r plutôt une identité nord-américaine, voire américaine — l’entreprise est après tout incorporée là-bas en plus d’y avoir un bureau. Le deuxième conseil : charger plus cher. « Nous perdions de la crédibilit­é, raconte M. Thibault. Les clients potentiels croyaient que si on était si abordable tout en ayant les certificat­ions requises, une bonne expérience et un service impeccable, il devait y avoir un piège. »

Après avoir écouté les conseils de son employé, Absolunet dit s’être mis à « signer les contrats les uns après les autres ». Pour le moment, 35 % de son volume d’affaires provient des États-Unis. Elle prévoit que ce chiffre devrait passer à 50 % d’ici 2020.

Le défi de la douane

Envoyer un consultant québécois chez un client américain est difficile. « Pénible, même », dit M. Thibault. La loi se resserre sur ce que les entreprise­s peuvent faire ou non, explique-t-il, alors que les règles sont parfois appliquées de façon aléatoire d’un douanier à l’autre. Quand l’entreprise remporte par exemple un contrat pour implanter un système de la gestion de l’informatio­n sur les projets ( Project Informatio­n Management, ou PIM), elle doit envoyer des experts pour recueillir de l’informatio­n qui permettra ensuite aux équipes québécoise­s de livrer le projet à partir du Québec.

« On ne peut pas travailler chez le client en raison, notamment, des craintes que l’on vole des emplois », dit M. Thibault. Faire appel à des avocats spécialisé­s pour assurer le respect des règles devient donc une nécessité. S’ils ont tendance à tout faire plus blanc que blanc, cette stratégie vous évitera bien des ennuis.

« Soyez nickel, conseille M. Thibault. Ne jouez pas avec la douane. Ne vous faites pas barrer. » Comment faire face à l’incertitud­e comme celle qui plane actuelleme­nt à l’égard du renouvelle­ment de l’ALÉNA?

Marie-Elaine Beaudoin, conseillèr­e d’affaires spécialisé­e en stratégies de croissance à l’internatio­nal à la Banque de développem­ent du Canada (BDC), recommande aux entreprise­s qui visent le marché américain d’évaluer le risque auquel elles s’exposent. Dans le cas présent, il s’agirait par exemple de comparer les tarifs imposés dans le cadre de l’ALÉNA en comparaiso­n des tarifs hors ALÉNA.

« Une entreprise qui fabrique des portes et des fenêtres, par exemple, ne paie aucun tarif avec l’ALÉNA. Sans accord, par contre, son tarif serait de 5,1 % », dit Mme Beaudoin. Faire cet exercice permet de donner une idée du risque. L’entreprise doit ensuite se demander si elle peut absorber de tels frais à court terme, et qui devra les payer : elle-même, en réduisant ses profits? Son client? Son distribute­ur?

Dans un environnem­ent d’affaires incertain et sujet à de lourds changement­s, une entreprise désirant croître à l’internatio­nal devrait également se poser des questions quant à sa capacité financière plus large, à savoir si elle détient un fonds de roulement suffisant, ou au moins une bonne relation avec ses banquiers. Surtout dans le cas d’un nouvel exportateu­r qui devra, comme c’est souvent le cas, soutenir une hausse des investisse­ments sur le territoire, à moyen terme, et patienter de 12 à 24 mois avant d’en récolter les fruits, explique M Beaudoin. « Dans un tel contexte, il faut être doublement à l’aise. Si l’entreprise est instable financière­ment, ça peut être beaucoup plus risqué. »

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