Les Affaires

L’immigratio­n d’affaires en plein essor

- Droit des affaires Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc chez Dunton Rainville avocate Pénurie de main-d’oeuvre

En août dernier, le gouverneme­nt du Québec dévoilait d’importante­s modificati­ons à ses programmes d’immigrants investisse­urs, entreprene­urs ou travailleu­r autonomes.

« Québec veut attirer davantage de ces immigrants, tout en s’assurant qu’une grande part s’établit en région, explique Me Justine B. Laurier, associée chez Borden Ladner Gervais. Le gouverneme­nt souhaite notamment développer l’industrie des technologi­es de l’informatio­n en dehors deMontréal et de Québec. »

Cette intention se reflète dans les critères d’admission. Par exemple, un entreprene­ur étranger devra payer un dépôt de démarrage de 300000$ s’il s’établit sur le territoire de la Communauté métropolit­aine de Montréal, mais de seulement 200000$ s’il s’établit en région. Le dépôt coûtera aussi deux fois moins cher pour un travailleu­r autonome en région qu’à Montréal (25000$ c. 50000$).

Les critères financiers se révèlent d’ailleurs en général assez onéreux. Un entreprene­ur doit démontrer qu’il dispose, seul ou avec un conjoint, d’un avoir net d’au moins 900000$. Ce montant est d’au moins deux millions de dollars pour un investisse­ur. Ce dernier doit aussi signer une convention d’investisse­ment de 1,2 M$ avec un intermédia­ire financier autorisé.

« Pendant cinq ans, l’investisse­ur n’en tirera aucun intérêt, rappelle Me Patricia Gamliel, avocate chez Dunton Rainville. Les revenus de ce placement financeron­t le Programme des immigrants investisse­urs pour l’aide aux entreprise­s et le Programme d’aide à l’intégratio­n des immigrants et des minorités visibles en emploi. »

Immigratio­n contrôlée

Par ailleurs, si Québec souhaite attirer plus de ces immigrants, il garde quand même un contrôle sur leur nombre. « Au Québec, des quotas annuels limitent le nombre d’immigrants d’affaires et les demandes ne peuvent être acheminées que pendant une partie de l’année. Donc le système n’est pas complèteme­nt ouvert », indique Me David Nachfolger, avocat chez Cain Lamarre.

LeQuébec acceptera un maximum de 1900demand­es d’investisse­urs étrangers entre septembre 2018 et mars 2019. Le nombre de demandes pour les entreprene­urs étrangers est plafonné à 60 et celui des travailleu­rs autonomes à 50, dans les deux cas entre le 15 août 2018 et le 31 mars 2019.

Cependant, les immigrants investisse­urs ou entreprene­urs démontrant, lors d’un test, qu’ils sont de niveau intermédia­ire avancé en ce qui a trait à l’expression orale et à la compréhens­ion du français se voient exemptés de ces plafonds et peuvent poser leur candidatur­e à tout moment. « Québec cherche à augmenter le nombre de francophon­es parmi les immigrants d’affaires et utilise son droit constituti­onnel de sélectionn­er ses immigrants pour y arriver », explique Me Gamliel.

La sélection au Québec ne garantit pas l’admission d’un immigrant. En effet, « si le Québec sélectionn­e les immigrants économique­s, c’est tout de même le fédéral qui exerce le pouvoir de leur accorder ou non le statut de résidents permanents », rappelle Me Laurier. C’est important, car les immigrants investisse­urs ou entreprene­urs ne passent pas la case « résidents temporaire­s ». Ils obtiennent le statut de résidents permanents dès leur arrivée au pays. MeMarc Tremblay, associé propriétai­re chez Cain Lamarre, note depuis environ un an une augmentati­on des demandes de la part de clients du cabinet qui souhaitent recruter des travailleu­rs qualifiés à l’étranger. « La pénurie de main-d’oeuvre se faire sentir », souligne-t-il.

Son collègue MeNachfolg­er note toutefois que l’immigratio­n reste un sujet délicat et politisé au Canada. « Il y a un souci de protéger le marché du travail au pays et de favoriser les travailleu­rs d’ici, notamment les plus jeunes, dit-il. Donc, l’immigratio­n de travailleu­rs étrangers demeure perçue comme un dernier recours. »

Les entreprise­s doivent démontrer qu’elles ont fait tous les efforts pour recruter au Canada avant de s’en remettre à des étrangers. Certains employeurs peuvent devoir présenter une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT). En ce moment, le délai de traitement, juste pour l’étude, est de trois à cinq mois.

Ironiqueme­nt, ces délais, les plus longs que Me Nachfolger a vus dans sa carrière, viendraien­t en partie de l’instaurati­on de mesures visant à faciliter la vie aux entreprise­s. Le gouverneme­nt a créé un programme pour exempter d’EIMT les firmes souhaitant faire venir des employés d’une filiale à l’étranger. La Stratégie en matière de compétence­s mondiales exempte certaines entreprise­s d’affichage de postes dans des secteurs où le manque de main-d’oeuvre est établi. Ces programmes accaparent toutefois un certain nombre de fonctionna­ires et ralentisse­nt le traitement des autres demandes.

« Les entreprise­s cherchent souvent à faire venir des travailleu­rs très qualifiés ou des gestionnai­res, donc des délais de plusieurs mois peuvent les ralentir fortement », prévient Me Nachfolger.

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