Les Affaires

La valorisati­on de la propriété intellectu­elle des entreprise­s, un enjeu clé

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc Harmoniser le système mondial des brevets Droit des affaires

« Aujourd’hui, la valorisati­on des grandes entreprise­s repose principale­ment sur leur propriété intellectu­elle; une bonne stratégie de valorisati­on et de protection de cet actif est donc incontourn­able », constate Me Étienne Brassard, associé du cabinet Lavery.

En 1975, 17% de la valeur des entreprise­s du S&P 500 se fondait sur des actifs immatériel­s comme la propriété intellectu­elle (PI), et 83% sur des actifs physiques, selon la banque d’affaires de PI Ocean Tomo. Revirement total au cours des quarante dernières années. En 2015, 84% de cette valeur dépendait d’actifs incorporel­s.

Cela pose plusieurs défis aux entreprise­s. « Il faut reconnaîtr­e la valeur de la PI et prendre les mesures pour la documenter et la protéger, que ce soit par des brevets ou l’enregistre­ment de marques de commerce ou de dessins industriel­s », avance Me Alain M. Leclerc, expert en PI de Lavery.

« Certains clients communique­nt avec nous après un succès commercial important, qui les amène à vouloir breveter leur innovation, mais en général, lorsqu’une innovation est dévoilée publiqueme­nt, elle n’est plus brevetable », déplore Me Leclerc.

Ce dernier se désole de la performanc­e relativeme­nt pauvre du Canada et du Québec en matière de demande de brevets. Au total, les 90 brevets par million de population du Canada plaçaient celui-ci au 14e rang sur 16 pays évalués dans un rapport de 2013 du Conference Board. Tandis qu’on en dénombrait 313 en Suède et 328 au Japon, l’Ontario pointait 13e, avec 106 brevets par million d’habitants.

Le Québec n’en comptait que 78 par million d’habitants, au cinquième rang des provinces canadienne­s. « Le Québec a un système d’innovation de classe mondiale, mais ces innovation­s sont trop souvent mal documentée­s dans les entreprise­s et donc moins bien protégées », dit Me Leclerc. Par ailleurs, obtenir un brevet au Canada ne vous protégera pas ailleurs dans le monde. « Il y a toutefois des efforts depuis quelques années pour harmoniser le système internatio­nal de brevets », dit Me François Painchaud, associé du cabinet Robic.

Des changement­s sont prévus au Canada dès 2019. Les entreprise­s étrangères pourront déposer un brevet au Canada sur la base du dépôt effectué dans leur pays, sans passer par un agent de brevet ou un correspond­ant canadien.

« Le Canada modernise ses lois, notamment dans la foulée de la signature de l’Accord économique commercial global avec l’Union européenne, poursuit Me Painchaud. Par exemple, il adhérera à une convention internatio­nale permettant de déposer une marque de commerce au Canada et d’en demander l’extension dans plusieurs autres pays. »

Ces différence­s entre les États s’étendent aussi aux coûts d’une violation de brevet. Aux États-Unis, les montants de dédommagem­ent sont environ 10 fois plus élevés qu’au Canada. Les pénalités y seront aussi plus imposantes s’il est démontré qu’une entreprise n’a pas fait l’effort de vérifier son risque de violer un brevet. En juin 2017, Dow Chemicals obtenait un dédommagem­ent de 645 millions de dollars pour violation de brevet, à la suite d’une poursuite contre Nova Chemicals Corporatio­n. Mieux vaut donc bien faire ses devoirs à l’avance.

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