Les Affaires

SOMMES-NOUS PRÊT POUR LE POSTCAPITA­LISME ?

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la

Le refrain est connu. À droite, on peste sur le poids du « fardeau » fiscal. À gauche, on s’indigne que les « riches » ne paient pas leur « juste part ». Au-delà du débat, personne ne se demande si l’État va chercher ses revenus de la manière la plus efficace.

« Sommes-nous bien taxés? » est le thème du troisième épisode d’Économie 101, une série en baladodiff­usion de Les Affaires, où un expert répond à une question sur l’économie. Nous en avons discuté avec Luc Godbout, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

La question est difficile, car le système peut être évalué par différents critères comme l’efficacité, la simplicité ou l’équité, précise le chercheur, qui est également fiscaliste et économiste. « Il n’y a rien de plus complexe que les impôts parce qu’on veut un système équitable, avance-t-il. Si on voulait un système simple, il serait simple, mais il ne prendrait pas en compte tous les aléas de la vie. »

Pour améliorer notre système fiscal, l’une des propositio­ns qu’a défendues publiqueme­nt notre expert est que l’économie québécoise gagnerait à baisser l’impôt sur le revenu des particulie­rs en compensant le manque à gagner par une hausse des taxes à la consommati­on. Il s’agissait d’une des 71 recommanda­tions de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise, qu’il a dirigée en 2015.

« A priori, je n’ai pas de préférence entre l’impôt sur le revenu et la taxe à la consommati­on, nuance-t-il. Quand on arrive dans le système fiscal québécois, le poids de l’impôt sur le revenu est l’un des plus lourds parmi les pays de l’OCDE. C’est dans ce contexte que je dis que l’impôt sur le revenu est plus dommageabl­e que les recettes tirées de la taxe à la consommati­on. »

Une influence sur l’économie

La façon dont nous prélevons les impôts n’est pas neutre. À sommes égales, les impacts sur les comporteme­nts des acteurs économique­s et sur l’économie ne seront pas les mêmes selon qu’on perçoit une taxe à la consommati­on ou un impôt sur le salaire ou sur vos investisse­ments.

D’où l’intérêt des économiste­s pour l’écofiscali­té. Décourager la pollution tout en finançant le gouverneme­nt, la propositio­n est alléchante. La Chicago Booth School of Business mène régulièrem­ent un sondage auprès d’une quarantain­e d’économiste­s renommés appartenan­t à plusieurs écoles de pensées dans différente­s université­s. En 2012, on leur a demandé s’ils étaient en accord avec l’affirmatio­n que recueillir 150 milliards de dollars américains de revenus fiscaux grâce à une taxe sur le carbone serait moins dommageabl­e pour l’économie américaine que de recueillir un montant similaire en augmentant l’impôt mar- ginal sur les revenus. Des experts, 56% étaient « fortement en accord », 42% étaient en accord et seulement 2% étaient incertains.

L’engouement académique ne s’est pas transmis aux électeurs. Les propositio­ns de taxer davantage la pollution ont été reçues assez froidement par l’électorat. L’échec de Stéphane Dion à convaincre les électeurs de voter en faveur de son « Tournant vert » en 2008 en est un illustrati­on.

L’exercice n’est pas facile à faire, particuliè­rement en région, où les électeurs doivent être convaincus de la pertinence de cette taxe, dit M. Godbout.

Les recettes d’une taxe sur le carbone devraient donc servir à réduire l’impôt des ménages plutôt que d’investir dans le transport en commun afin que le plus grand nombre en voient les bienfaits, juge-t-il. « Qui est le politicien qui va avoir la force de persuasion de dire: ça nous prend ça parce que les citoyens québécois vont mieux se porter grâce à une essence plus chère et d’autres éléments de fiscalité à coût réduit? Ce n’est pas facile à faire. »

Un devoir pour nos lecteurs

M. Godbout invite les lecteurs à consulter le « Bilan de la fiscalité au Québec » produit par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke (disponible sur le site internet de la Chaire).

« Allez voir comment fonctionne la fiscalité du Québec. Comme il y a plusieurs comparaiso­ns internatio­nales, vous serez en mesure de voir si la fiscalité performe bien à certains égards et moins bien à d’autres. »

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