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Votre gestionnai­re est-il talentueux ?

- Chronique

Nous souhaitons tous confier notre patrimoine à un gestionnai­re talentueux qui saura le faire fructifier mieux que les autres. Bill Sharpe, prix Nobel de l’économie, a déjà écrit : « Il peut y avoir des gestionnai­res très talentueux, mais ils sont en minorité. Et ils sont très difficiles à repérer ».

Effectivem­ent, c’est difficile. Tous les gestionnai­res affirment devant leurs clients qu’ils sont talentueux. À la suite d’une performanc­e décevante, l’un soutiendra qu’il est talentueux, mais a été malchanceu­x. Et que le vent tournera en sa faveur prochainem­ent. Ce qui est possible. Le gestionnai­re qui performe mieux sur la même période, lui, affirmera probableme­nt que son rendement est directemen­t lié à son talent, que la chance n’y est pour rien. C’est aussi possible, mais sans garantie.

Ne pas se fier aux dernières années

Le plus souvent, pour choisir un gestionnai­re, nous accordons beaucoup d’attention aux rendements des dernières années. Pourtant, c’est bien connu et démontré, la performanc­e des dernières années d’un gestionnai­re est un piètre prédicteur de sa performanc­e future.

Y a-t-il un réel indicateur qui permet de trouver un bon gestionnai­re? Oui: le contre-courant. Les gestionnai­res talentueux sont ceux qui exécutent le plus souvent des transactio­ns à contre-courant, conclut une étude qui sera publiée dans le prochain numéro du Journal of Finance. Ils achètent plus souvent quand la majorité des institutio­ns vendent. Et ils vendent quand la majorité achète.

L’étude porte sur plus de 2 200fonds communs de placement en gestion active pour les actions américaine­s. Elle soutient que les gestionnai­res qui effectuent le plus de transactio­ns à contre-courant dégagent en moyenne une performanc­e annuelle de 2,28% supérieure à ceux qui suivent les tendances des institutio­ns.

Une des innovation­s de cette étude est d’avoir développé une mesure pour déterminer ce qu’est un gestionnai­re à contre-courant. C’est celui qui augmente ses positions sur un titre lorsqu’au trimestre précédent, la majorité des institutio­ns ont réduit leurs positions sur ce même titre. Il a aussi plus souvent tendance à réduire ses positions sur les titres qui ont été achetés au cours de ce trimestre par la majorité des institutio­ns.

Quant aux gestionnai­res qui suivent les tendances, ce sont ceux qui achètent les mêmes titres que ceux qui ont été achetés par les institutio­ns au fil des derniers trimestres. De la même façon, ils vendent les titres que les institutio­nnels ont vendu.

Les institutio­ns négocient surtout sur les titres connus et de grandes capitalisa­tions. On pourrait donc penser que les gestionnai­res qui négocient à contre-courant des institutio­ns dégagent leur bonne performanc­e sur ces titres plus connus et de grandes capitalisa­tions.

Eh bien non. Ce sont sur les titres peu ou pas transigés par les institutio­ns, souvent parce que l’informatio­n est plus difficile à trouver, que les gestionnai­res à contre-courant sont les plus performant­s, affichant un rendement de 4,5% supérieur. La performanc­e des meilleurs gestionnai­res est cependant instable dans le temps. C’est dans les périodes où il y a le plus de volatilité et de dispersion dans les rendements des titres que celle-ci est la meilleure. Lorsque la volatilité est faible, il y a moins d’occasions d’achat et de vente et les gestionnai­res talentueux ont plus de difficulté à se démarquer.

Un exemple à suivre

Évidemment, il n’est pas toujours facile de trouver les bons gestionnai­res à contre-courant.

Le plus connu est certaineme­nt Warren Buffett. Il ne fait pas de doute que le président de Berkshire Hathaway a un talent supérieur pour déceler de bonnes occasions. Mais ce n’est pas suffisant d’avoir ce talent. Il faut aussi le courage d’agir selon ses conviction­s en achetant des titres, même si plusieurs institutio­ns vendent. Il n’a jamais manqué de courage à cet égard.

Des étudiants m’ont déjà demandé s’il était judicieux pour eux de construire un portefeuil­le en achetant les mêmes titres qu’un gestionnai­re reconnu comme Warren Buffett. Pas de doute que, dans le passé, il aurait été très rentable d’acheter les mêmes titres, et ce, même avec un trimestre de retard. Pour l’investisse­ur qui n’est pas expert ou qui a peu de ressources, copier M. Buffett est une stratégie qui peut encore avoir ses avantages: une bon rendement à long terme avec peu d’effort et à peu de frais.

Vous pouvez également demander à votre gestionnai­re si c’est le style de stratégie d’investisse­ment qu’il préconise.

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