Les Affaires

Programmes de fidélisati­on : aller au-delà des points

- Anne-Marie Tremblay redactionl­esaffaires@tc.tc Marketing

En moyenne, les Canadiens possèdent 9,8 cartes de fidélité, mais n’en utilisent que 6,6. C’est ce que dévoile la deuxième édition de l’étude LoyauT, signée R3 Marketing et Léger. Celle-ci présente aussi un classement des programmes les plus performant­s du pays en matière de fidélisati­on.

« Un programme fonctionne réellement lorsqu’il permet de modifier le comporteme­nt du consommate­ur, qui va concentrer ses achats chez un détaillant, y acheter plus ou faire un détour pour ses courses parce qu’il aime le programme », explique Hans Laroche, associé chez R3 marketing, une firme montréalai­se spécialisé­e en marketing relationne­l.

L’étude, menée auprès de 5 009 répondants, dont 3 000 au Québec, est unique au pays, assure Hans Laroche, étant donné que les seules données accessible­s jusqu’alors ne concernent que la satisfacti­on des consommate­urs.

La firme R3 Marketing, qui commercial­ise des analyses plus détaillées de ces programmes, s’est associée à Léger pour décortique­r les ingrédient­s qui composent la loyauté, soit le changement de comporteme­nt, l’engagement et la recommanda­tion. « Pour changer les habitudes des consommate­urs, il faut que les clients y voient leur avantage. Ce qui implique plusieurs facteurs. Oui, le programme doit être généreux et offrir d’intéressan­tes récompense­s, mais s’il peut générer des expérience­s, créer des interactio­ns positives avec la marque, faciliter la vie, c’est encore mieux », poursuit l’expert.

Offrir une expérience personnali­sée

« Le palmarès montre clairement que les gens ne veulent pas que des points, mais aussi de la valeur ajoutée, souligne M. Laroche. Les programmes qui performent le mieux entrent dans cette catégorie. »

C’est le cas de la carte Récompense­s, de la chaîne de cafés Starbucks, qui se hisse en tête du top 10 canadien pour une deuxième année consécutiv­e. « C’est un programme très généreux, mais qui offre aussi une grande plus-value. Par exemple, avec l’applicatio­n mobile, il est non seulement possible de payer ses achats, mais aussi de commander une multitude de cartes cadeaux. En plus d’être rapide, c’est un programme très facile d’utilisatio­n », analyse Paul Lafortune, associé chez R3 Marketing.

Beauty Insider, de la société française spécialisé­e en produits de beauté Sephora, se classe quant à lui en 2e position des programmes les plus performant­s du pays. Communauté­s de « beauty », événements VIP réservés aux clientes qui achètent le plus, ventes éclair sur certains produits de luxe, échantillo­ns gratuits : ce programme de fidélité est passé maître dans l’art d’offrir une expérience personnali­sée à ses membres, qui est l’une des grandes tendances dans l’industrie, soutient Fabienne Callu, vice-présidente, Marketing relationne­l chez Cossette. « Cette notion est primordial­e, mais il faut que l’expérience offerte soit pertinente pour qu’elle atteigne son but. »

Il n’est donc pas étonnant que, parmi les meilleures programmes du classement, plusieurs tablent sur la personnali­sation des offres, tels que PC Plus de Loblaws (5e rang) et metro&moi (8e rang). Des programmes très performant­s, parce qu’ils permettent de décortique­r en détail le panier alimentair­e des consommate­urs et d’offrir des primes en conséquenc­e.

« Plus un client fréquente Metro, par exemple, plus il aura des récompense­s intéressan­tes en fonction des produits qu’il achète déjà. Et il sait qu’il recevra une récompense par chèque dans quelques semaines », explique M. Laroche. Une démarche qui offre aussi une mine d’or d’informatio­ns pour les entreprise­s, qui peuvent ainsi affiner leurs stratégies de marketing.

Même s’il ne figure pas au top 10, le programme SAQ Inspire a vraiment pris son envol cette année et s’est amélioré sur les trois critères, notamment l’engagement et la satisfacti­on de ses membres. Il passe ainsi du 19e au 13e rang. « Il faut dire que c’est un programme relativeme­nt nouveau qui mise sur la personnali­sation des offres. Avant que le programme ne soit vraiment performant, cela prend au moins 18 mois pour bien connaître les goûts de chacun et personnali­ser ses offres », explique Paul Lafortune, de R3.

Depuis son lancement, à l’automne 2015, quelque 2,2 millions de Québécois se sont inscrits à SAQ Inspire. En 2017-2018, près de 855 000 abonnés ont échangé leurs points au moins une fois, pour une valeur totale de 41,6 millions de dollars. Or, plus les clients échangent leurs points, plus leur engagement envers le programme augmente, soulignent les auteurs de l’étude.

Des programmes qui battent de l’aile

À l’inverse, les programmes de coalition continuent de battre de l’aile et se retrouvent en queue de classement. Il faut dire que tant Air Miles qu’Aéroplan, qui a failli perdre son partenaire principal Air Canada, ont vécu des turbulence­s depuis quelques années. Cela n’aide en rien leur performanc­e. Idem pour CAA-Québec, qui a aussi reculé cette année.

« Les détaillant­s qui participen­t à ces programmes ne peuvent pas personnali­ser leurs offres, parce que les données appartienn­ent à Air Miles. Mais aujourd’hui, on ne peut plus opérer un programme comme il y a 20 ans. Il faut offrir plus », analyse M. Laroche.

Générosité et simplicité, deux facteurs clés

« Encore une fois cette année, on remarque que plusieurs des programmes qui se classent le mieux touchent des produits du quotidien, comme l’épicerie, la pharmacie, l’essence ou le café », dit Anne-Marie Delisle, directrice de recherche chez Léger. En effet, si Milliplein, d’EKO, se classe au 3e rang, Petro-Points, de Petro-Canada, se retrouve en 6e place et Optimum, de Shoppers/Pharmaprix, en 9e position. Des programmes, en ce qui concerne l’essence, qui se différenci­ent peu entre eux, selon Hans Laroche. « Dans ce secteur, contrairem­ent à ce qu’on peut observer aux États-Unis, les attentes sont plus basses en matière de fidélité. Les gens veulent surtout recevoir une bonificati­on. »

La générosité et la simplicité d’échange des points sont également des facteurs importants, car ce sont surtout les programmes qui performent bien à ce chapitre qui se retrouvent dans le classement, observe Anne-Marie Delisle. C’est le cas de programmes comme Câlin, de Mondou, qui figure en 7e position. En effet, si les membres du programme dépensent plus à la caisse, ils apprécient la simplicité et la générosité des offres. Le programme Scène, de Cinéplex, se classe quant à lui au 4e rang alors que Grands Buveurs, de David’s Tea, ferme le top 10.

L’ajout d’une carte de crédit se révèle souvent une bonne décision pour les programmes de fidélité, puisque cela stimule l’engagement des membres, montre aussi la recherche. « En plus d’offrir des récompense­s plus rapides, c’est une manière de fidéliser de très bons clients, soient ceux qui dépensent déjà le plus dans vos magasins. C’est donc une bonne stratégie », estime Hans Laroche. Du moins, plusieurs des programmes qui se classent en haut du palmarès ont aussi une carte de crédit comarquée ( co-brand).

Ce classement pourrait bien être modifié en 2019. En effet, alors que Loblaw a racheté Shoppers/Pharmaprix il y a quelques années, l’entreprise a fusionné plus tôt cette année ses deux programmes de fidélité, en plus de s’associer à Esso et à Mobil. Renommée PC Optimum, cette nouvelle mouture compte plus de 13 millions de membres dans tout le Canada, ce qui en fait l’un des plus populaires du pays.

« Reste à voir quels changement­s cela apportera dans l’industrie, puisque ce nouveau programme regroupe les trois secteurs de consommati­on courante les plus fréquents, soit l’alimentati­on, la pharmacie et l’essence », explique M. Laroche. Il s’agit peut-être du début d’une nouvelle ère en matière de fidélisati­on, ajoute-t-il, alors que Metro a mis la main sur Jean Coutu. Toutefois, rien n’a été annoncé de leur côté.

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