Les Affaires

Les doutes sur la Scotia font monter son rendement de dividende

- Acquisitio­ns Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la

La Banque Scotia (BNS, 75,20 $) a-t-elle été trop gourmande ? Elle a près de 7 milliards de dollars en acquisitio­ns à intégrer à un moment où les pays émergents suscitent des interrogat­ions dans le marché. Résultat : le titre de la plus internatio­nale des banques s’échange maintenant au rabais par rapport à ses pairs.

« Au risque de faire de la simplifica­tion excessive, on peut identifier les trois enjeux qui pèsent sur le titre : le sentiment des marchés par rapport aux pays émergents et les entreprise­s qui y sont exposées, le fait que la Scotia est vue comme surexposée aux risques liés à la négociatio­n de l’ALÉNA en raison de ses activités au Mexique, et la réaction négative aux 7 G$ d’acquisitio­ns annoncés depuis le début de l’exercice 2017 », résume Gabriel Dechaine, de Financière Banque Nationale.

À la suite du recul de son titre, la Scotia est maintenant celle qui offre le rendement de dividende le plus élevé parmi les six grandes banques canadienne­s, à 4,54 %. Elle dépasse la CIBC (CM, 122,26 $) à 4,44 %. Notons que la Banque Laurentien­ne (LB, 42,38 $), qui affronte plusieurs vents de front, a un dividende de 6 %, mais elle ne fait pas partie du groupe des six.

La Scotia s’échange ainsi à 10,09 fois les prévisions des 12 prochains mois, comparativ­ement à une moyenne qui se situe à 11,26 pour le secteur, selon des données de Reuters. Seule la CIBC s’échange sous ce seuil, à 9,78 fois, toujours parmi le groupe des six.

Les choses ne vont peut-être pas aussi mal que le multiple le laisse transparaî­tre, juge David Caron, gestionnai­re de portefeuil­le chez Industriel­le Alliance Gestion de placements, qui croit que l’évaluation offre une porte d’entrée intéressan­te. « Le quatrième trimestre 2017 a été plus difficile, de sorte que la comparaiso­n au quatrième trimestre 2018 sera probableme­nt plus facile. La tendance favorable devrait se poursuivre en 2019. Les prêts canadiens devraient continuer de ralentir tranquille­ment, mais elle a un levier excessivem­ent intéressan­t avec ses activités internatio­nales, qui génèrent plus de croissance que ce qu’il est possible d’obtenir au Canada. »

La plupart des analystes semblent partager son opinion. Des 13 qui suivent le titre, 8 sont à « achat », 4 à « conserver » et un à « vendre ».

Acquisitio­ns

La ronde d’acquisitio­ns soulève des inquiétude­s chez certains analystes. Darko Mihelic, de RBC Marchés des Capitaux, admet ne pas savoir quoi en penser et préfère rester sur les lignes de côté. « C’est trop tôt pour avoir une opinion sur les acquisitio­ns, qu’elle soit positive ou négative, affirme-t-il. Il faudra encore quelques trimestres avant que le potentiel de synergies et de rentabilit­é soit adéquateme­nt compris. En attendant, l’évaluation risque de rester la même. »

Au cours du troisième trimestre 2018 (terminé à la fin juillet), la Scotia a finalisé l’achat de Jarislowsk­y Fraser, ainsi que des activités de détail de Citibank Columbia et d’une participat­ion de 68 % dans BBVA Chile. Les acquisitio­ns de Banco Dominicano del Progreso, de MD Financial Management et d’une participat­ion de 51 % dans Banco Cencosud devraient être conclues d’ici la fin du premier trimestre 2019 (fin janvier 2019).

M. Dechaine fait partie de ceux qui s’inquiètent. Il note que, par le passé, la Scotia n’est pas parvenue à générer une croissance du bénéfice par action suffisante pour compenser l’« érosion » du rendement sur l’équité. « Maintenant que la Scotia met les bouchées doubles sur sa stratégie de fusions et acquisitio­ns, les investisse­urs devraient tempérer leurs espoirs d’un renverseme­nt. » En raison de ces vents contraires, la Scotia a sous-performé ses pairs sur une période de 3 ans, 5 ans et 10 ans, ajoute-t-il.

Robert Sedran, de Marchés mondiaux CIBC, reste de son côté optimiste. À court terme, il faudrait attendre 2020 pour voir l’impact modeste des acquisitio­ns. Par contre, il estime que les acquisitio­ns aident la banque dans le dé- ploiement de sa stratégie à long terme en Amérique latine et dans les activités de gestion de patrimoine au Canada.

Pays émergents

En ce qui concerne les pays émergents, il s’agit d’un couteau à double tranchant, explique Eric Compton, de Morningsta­r.

« L’internatio­nal donne à la Banque un potentiel de croissance supérieure par rapport à ses pairs. Ça vient avec plus de risques, toutefois. Même si l’Amérique latine a été plus stable dans la dernière décennie, il y a des risques que ça ne se poursuive pas. Un retour de l’instabilit­é politique, des pertes sur crédit plus élevées ou une poussée d’inflation sont plus probables que dans les marchés matures. »

D’un côté, le risque augmente, mais, d’un autre côté, l’exposition à ces pays amène une forme de diversific­ation du risque, ajoute M. Sedran. « Les économies du Chili, du Pérou, du Mexique et de la Colombie sont peu corrélées avec celle du Canada. À l’exception du Mexique, ces pays sont plus dépendants de la Chine que des États-Unis. »

Les inquiétude­s sur les pays émergents offrent parfois des points d’entrée, note M. Caron. Il rappelle que la Scotia avait souffert des inquiétude­s entourant l’économie chinoise en 2015. Une fois ces inquiétude­s dissipées, la Banque a affiché une belle performanc­e l’année suivante.

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