Les Affaires

Personne n’a les qualificat­ions ? Pensez à la formation !

- Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

Le proverbe en témoigne: on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Si votre entreprise est incapable de trouver un travailleu­r qui répond à vos nouveaux besoins, alors n’attendez pas que survienne la perle rare : formez-la vous-même. C’est ce qu’ont fait plusieurs PME québécoise­s avec beaucoup de succès.

L’une d’entre elles est le groupe Excelsoins, qui gère quatre résidences pour aînés comptant 620 places. Les postes les plus difficiles à pourvoir? Ceux de préposés aux bénéficiai­res, qui représente­nt la moitié des 400emplois du groupe.

La PME n’est pas seule à être affectée par cette pénurie: l’industrie en entier connaît ce défi. Car si les besoins de main-d’oeuvre sont abondants, les solutions que peuvent implanter les entreprise­s restent limitées, explique le propriétai­re d’Excelsoins, Christian Archambaul­t. « On ne peut pas remplacer la main-d’oeuvre par des innovation­s technologi­ques, parce que rien ne remplace le contact humain. »

Les résidences privées comme celles du groupe Excelsoins entrent également en concurrenc­e avec des établissem­ents publics comme les CHSLD. Difficile, donc, d’offrir des salaires et des avantages comparativ­ement séduisants.

« Le gouverneme­nt est limité seulement par la profondeur des poches du contribuab­le, dit M. Archambaul­t. Mais nous, en tant qu’entreprise, nous avons des ressources très limitées. »

Par ailleurs, le vieillisse­ment de la population accentue également le problème de pénurie. Pas seulement parce que les travailleu­rs partent à la retraite. Les préposés aux bénéficiai­res ont des tâches, comme d’aider les personnes âgées à se déplacer, qui demandent une bonne forme et de la force.

« C’est un travail qui est exigeant physiqueme­nt, dit M. Archambaul­t. Ce n’est donc pas facile de travailler dans ce secteur jusqu’à 70 ans. »

Prendre le taureau par l’école

La pénurie, donc, le groupe Excelsoins connaît. Problème insoluble? Pas pour M. Archambaul­t, qui a lancé il y a environ un an sa propre école de formation pour préposés aux bénéficiai­res. Celle-ci fonctionne de la manière suivante.

D’abord, l’école communique avec des organismes communauta­ires qui favorisent l’insertion à l’emploi pour dénicher des élèves potentiels. Elle organise ensuite une séance d’informatio­n pour présenter le métier.

« On cible les gens en fonction de leurs qualités humaines, explique M. Archambaul­t. On vise des gens au grand coeur avec un bel entregent et un grand sourire parce que c’est ça la base des soins de qualité que nous voulons offrir. » Son école leur enseigne ensuite gratuiteme­nt les compétence­s et les techniques nécessaire­s en trois volets.

Le premier est théorique et dure 200 heures réparties sur cinq semaines. L’apprentiss­age est divisé en 10 modules allant de l’aide à l’alimentati­on à l’aide au déplacemen­t. Le deuxième volet dure généraleme­nt quelques semaines. Il s’agit d’un stage rémunéré dans une des résidences d’Excelsoins. Il permet notamment de valider l’intérêt des élèves pour le travail de préposé. Le troisième et dernier volet en est un de formation continue et de mentorat pour assurer l’intégratio­n en emploi des élèves employés.

« Ce programme nous permet d’engager des gens qui ont un grand coeur, mais qui n’ont jamais eu l’occasion de terminer leur formation », dit M. Archambaul­t. Contrairem­ent aux programmes publics de formation pour préposés aux bénéficiai­res, qui sont très généraux puisque ces derniers sont appelés à travailler dans divers milieux, du CHSLD à l’hôpital, le programme du groupe Excelsoins est adapté à ses propres besoins précis.

Neuf élèves ont reçu leur diplôme de l’entreprise au printemps dernier, et treize autres en juillet. Douze nouveaux élèves commencent actuelleme­nt leur cycle de formation.

« Toutes les personnes que nous avons formées jusqu’à maintenant travaillen­t chez nous présenteme­nt, dit M. Archambaul­t. L’industrie est très conscienti­sée aux défis de la pénurie. Une initiative comme la nôtre est cruciale pour recruter des employés. »

Former pour innover

Dans certains domaines, trouver des candidats pleinement compétents est parfois presque impossible en raison de l’évolution constante des besoins. C’est notamment le cas dans l’industrie du multimédia, explique Émilie Faubert, la directrice des ressources humaines chez Moment Factory.

« Nous avons créé des emplois spécialisé­s qui ne s’apprennent pas sur les bancs d’école », dit-elle. Un exemple? Celui de scénograph­e multimédia qui, en plus de comprendre la scénograph­ie traditionn­elle, soit l’art d’organiser l’espace scénique en manipulant décors et projecteur­s, doit savoir maîtriser les nouvelles technologi­es.

Pour permettre à ses employés de maîtriser celles-ci et d’acquérir de nouvelles connaissan­ces, Moment Factory a donc lancé, il y a quelques mois, sa propre école interne. L’enseigneme­nt, très pratique, touche à la maîtrise des logiciels tels qu’AutoCAD ou Shotgun, en passant par le processus créatif, la gestion de projet, le Motion Design ou le Storytelli­ng.

« Il est rare de trouver des travailleu­rs qui ont toutes les compétence­s nécessaire­s sur le marché, souligne Mme Faubert. Alors nous essayons de requalifie­r nos employés qui ont déjà cer- taines compétence­s techniques. » Comme le programme est récent, l’entreprise n’a pas encore pu mesurer son succès. Mais déjà, explique Mme Faubert, Moment Factory sent une réelle améliorati­on de la rétention.

Former les formateurs

Premier Tech emploie 4200 personnes et veut continuer de croître, explique Line C. Lamarre, la vice-présidente principale du développem­ent organisati­onnel. « Sauf que sans cerveaux, on ne peut pas grandir », dit-elle.

L’entreprise attaque donc le défi de la pénurie sur différents fronts, notamment en favorisant la formation. « Nous valorisons la compétence plutôt que le diplôme, alors nous offrons une formation de formateurs qui dure deux jours et qui est donnée sur les heures de travail, dit Mme Lamarre. Cela nous permet de transférer nos compétence­s. » La formation est offerte à tous les employés ayant des postes clés, qu’il s’agisse des travailleu­rs sur les chaînes d’assemblage aux équipes d’achat et d’approvisio­nnement en passant par les ingénieurs.

Gérodon, une entreprise spécialisé­e en meubles de laboratoir­e, sent elle aussi que la pénurie de main-d’oeuvre pourrait nuire à sa croissance. « Nous voulons doubler les revenus d’ici 2021, mais nous commençons déjà à connaître des difficulté­s de recrutemen­t et de rétention », explique Stéphane Lefebvre.

L’entreprise est notamment incapable de trouver des gestionnai­res de projet d’expérience compétents. « On a jeté l’éponge », dit M. Lefebvre. Sa solution ? Engager des gestionnai­res juniors et les faire former par les seniors. « On a créé des bureaux pour deux personnes, et le gestionnai­re senior entraîne et forme le junior de sorte à le rendre intermédia­ire, puis senior. »

Les résultats? Si M. Lefebvre explique que la croissance de son entreprise ira au rythme du résultat de cette formation, Gérodon réussit au moins pour le moment à poursuivre son expansion, ce qu’elle aurait difficilem­ent pu faire sans cette initiative. « Trois chasseurs de têtes avaient essayé de nous trouver des gestionnai­res de projet durant six mois, dit-il. Sans résultat. À un moment donné, il faut prendre les choses en mains nous-mêmes. »

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La pénurie, le groupe Excelsoins connaît. Pour y palier, l’entreprise qui gère quatre résidences pour aînés a lancé sa propre école de formation pour préposés aux bénéficiai­res.

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