Élargir l’horizon
La croissance économique est-elle synonyme de progrès pour une société?
La question fait débat. Pour plusieurs, de plus en plus nombreux à s’exprimer, la croissance s’oppose au bien-être durable. D’autres, cependant, n’excluent pas qu’on puisse concilier les deux. Dans ce débat, chacun y va de ses convictions, la science économique ne permettant pas de trancher. « Ça dépend des indicateurs qu’on choisit de retenir », me faisait très justement remarquer Joëlle Noreau, économiste principale chez Desjardins Études économiques.
Pour éclairer le débat à défaut de pouvoir le conclure, MmeNoreau et l’économiste en chef du Mouvement, François Dupuis, publiaient la semaine dernière une analyse intitulée « Et si la performance de l’économie passait par autre chose que le PIB? »
En effet, on a bien souvent tendance à s’en tenir au PIB pour mesurer l’efficacité des politiques économiques. C’est vrai que cet indicateur a l’avantage de faciliter les comparaisons. Ce sont cependant des comparaisons faciles, justement. Elles manquent tellement de nuances qu’elles en deviennent plus ou moins utiles quand il s’agit d’apprécier les progrès d’une société.
Depuis 2009 et la Grande Récession, la croissance du PIB a été poussive (moyenne annuelle de 1,7% de 2009 à 2017, la période analysée). Peut-on en conclure que le Québec a fait du sur-place? Ne devrait-on pas plutôt raffiner l’analyse à l’aide d’indicateurs complémentaires ? C’est ce qu’a choisi de faire Desjardins, pour « élargir l’horizon », selon l’expression imagée de Mme Noreau, et aller « au-delà du PIB, des heures travaillées et des exportations ».
Desjardins a retenu 23 indicateurs, regroupés en trois catégories: la qualité de vie, le niveau de vie et la durabilité. Fait remarquable, ces indices ont évolué de manière très contrastée sur la période, sans égard à la légère croissance du PIB. Si, par exemple, la qualité des emplois et le taux de diplomation se sont améliorés, tout comme la qualité de l’eau et de l’air, les écarts de richesse n’ont que peu varié, l’obésité a gagné du terrain et le bien-être subjectif en a perdu. Un portrait « bigarré », mais qu’il y ait eu des améliorations dans 11 des 23 indicateurs prouve, selon les auteurs, que « des gains sont possibles, même en période de turbulence comme celles qui suivent une récession ».
L’étude montre aussi que la croissance du PIB n’est pas un gage de progrès sur tous les tableaux du bien-être d’une société. Elle se conclut d’ailleurs sur ces mots: « La croissance, pour peu qu’on s’intéresse aux personnes et pas uniquement à une économie ou à une nation, n’est donc pas seulement une affaire du PIB. Elle passe aussi par le bien-être de la population et par des choix. »
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