LE MÉNAGE DANS LES PROMESSES
Devant les besoins criants de main-d’oeuvre, ce qui devrait être une des grandes priorités de son gouvernement, M. Legault peut être assuré qu’il se fera talonner sur l’enjeu de l’immigration.
Après avoir multiplié les promesses électorales, la Coalition Avenir Québec (CAQ) doit maintenant faire le ménage dans ses engagements. François Legault a beau se dire « convaincu qu’on va être capables de tenir parole sur nos engagements », il lui sera bien difficile de respecter tout ce que son parti a avancé pour séduire les électeurs. On verra, avec le temps, que le réalisme l’emportera sur les idéaux. Il devra se rappeler que le mieux est souvent l’ennemi du bien.
Le premier frein aux ambitions de la CAQ sera la capacité des finances publiques. Les engagements de la CAQ sont évalués à près de 7 milliards de dollars pour la durée du mandat. Les plus gros postes budgétaires du gouvernement, la santé et l’éducation, croîtraient annuellement de 4,1 % et de 3,5 %. C’est beaucoup, mais la question est surtout de savoir si le nouveau gouvernement pourra offrir ces services de façon plus efficace.
Plusieurs des engagements de la CAQ sont tout à fait pertinents, tels les 800 millions de dollars en quatre ans pour soutenir les proches aidants, les 329 M$ en deux ans pour les « maisons des aînés » et les 400 M$ pour brancher le Québec sur la haute vitesse.
Par contre, d’autres mesures sont discutables à court terme telles que le tarif unique de 8,05 $ pour les garderies (un coût annuel de 160 M$), l’injection de 763 M$ par année à terme dans les allocations familiales et l’uniformisation du taux des taxes scolaires à la grandeur du Québec, un projet estimé à 700 M$, en plus des 762 M$ que le gouvernement Couillard a déjà engagés afin d’uniformiser ces taux sur une base régionale.
Il en est ainsi pour les prématernelles à quatre ans (249 M$ par année à terme), une idée discutable sur le plan sociopédagogique selon le spécialiste Égide Royer. C’est également irréaliste. En plus du manque d’enseignants, les écoles n’ont même pas les locaux pour accueillir cette clientèle. Avec raison, M. Legault vient de reconnaître que les maternelles à quatre ans seront utilisées pour dépister et aider les élèves susceptibles de connaître des difficultés d’apprentissage.
Le pragmatisme que l’on reconnaît au premier ministre désigné devrait l’amener à faire un tri judicieux dans les engagements de son parti et se donner un échéancier de réalisation qui tiendra compte de la capacité de livrer de la machine gouvernementale, qu’il veut alléger de 5000 postes.
Un héritage à préserver
M. Legault devra être prudent quant à l’évolution du climat économique, qui pourrait devenir défavorable après 10 ans de croissance et venir détériorer l’état des finances publiques.
Alors que la santé financière du Québec est enviée par les autres provinces, il ne faudrait pas que le nouveau gouvernement massacre l’héritage de son prédécesseur sur ce plan. En « comptable qui sait compter », M. Legault doit protéger la réputation qu’il s’est acquise.
Selon le cadre financier de la CAQ, les mesures qui seront mises en place au cours des premières années permettraient d’accroître la croissance du PIB du Québec de 0,5 point de pourcentage (de 1,3 à 1,8 %) par rapport à ce qu’a prévu le ministère des Finances pour les années 2021-2022 et 20222023, et d’ajouter 1 G$ aux revenus de l’État. C’est irréaliste, l’économie du Québec ne pouvant réagir aussi rapidement.
La CAQ veut puiser 10 G$ dans le Fonds des générations, dont le rendement est supérieur au coût de la dette de l’État. Ce serait un pari risqué, pris sur la dette qui sera laissée aux générations futures.
Des engagements difficiles à réaliser
D’autres engagements de la plateforme caquiste seront difficiles à réaliser. C’est le cas de la mise en place d’un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire pour les régions, qui sera probablement contesté par plusieurs de ses députés, comme l’a réalisé Justin Trudeau.
En plus de l’interdiction du port des signes religieux par les personnes en autorité (officiers de justice, enseignants), un sujet très controversé, de l’abolition des commissions et des élections scolaires, un engagement ambigu qui ne présente aucune urgence, de la récupération de 1 G$ sur la rémunération des spécialistes et du lancement de nombreux projets d’infrastructures (autoroutes et tramways dans la région de Montréal, troisième lien autoroutier interrives à Québec, etc.), le nouveau gouvernement devra revoir sa politique d’immigration, un dossier qui a été contaminé par la volonté de la CAQ de faire passer le nombre d’immigrants de 50000 à 40000.
M. Legault a raison de dire qu’il faut mieux sélectionner et intégrer les immigrants, mais, le diable étant dans les détails, cet engagement est bien plus facile à dire qu’à réaliser. Devant les besoins criants de main-d’oeuvre, ce qui devrait être une des grandes priorités de son gouvernement, M. Legault peut être assuré de continuer à se faire talonner sur l’enjeu de l’immigration, envers laquelle il doit se montrer plus ouvert.
La CAQ a été élue grâce au désir de changement des Québécois et à la qualité de son équipe. Si ses membres apprennent à travailler ensemble, si elle livre ses engagements les plus pertinents et réussit à améliorer les services à la population, elle obtiendra sa confiance. Si, en plus, elle fait preuve d’humilité, de transparence et d’intégrité, elle pourra faire accepter le report ou l’abandon de ses promesses les plus discutables et gagner quand même le respect des électeurs.
Le sondage « L’acquisition : un levier de croissance privilégié pour nos entreprises » réalisé par Léger pour le compte de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et dévoilé début octobre rappelle d’entrée de jeu qu’au cours de l’année 2017, près de 50 000 acquisitions ont été enregistrées dans le monde, dont plus de 2 000 au Canada. Les entreprises québécoises sont aussi de grandes gagnantes sur le marché de ces transactions. Le document détruit le mythe voulant que les entreprises d’ici se fassent davantage acheter par des entreprises étrangères. En effet, entre 2010 et 2018, 102 entreprises québécoises ont été achetées, en tout ou en partie, par des sociétés étrangères, mais 375 entreprises étrangères ont été acquises par le Québec inc. Le sondage, réalisé du 3 au 23 mai 2018 auprès de 300 dirigeants de PME dans la région métropolitaine de Montréal, révèle que 85 % des PME montréalaises ont un plan de croissance et un quart d’entre elles ont une stratégie d’acquisition. Cette donnée indique que ces entrepreneurs saisissent bien le potentiel de cette stratégie pour atteindre leurs objectifs de croissance. Interrogé sur les principales difficultés à surmonter lors de l’acquisition d’une entreprise, près d’un dirigeant sur quatre a mentionné l’accès aux ressources financières comme étant le principal défi (23 %). Par ailleurs, 48 % des entreprises envisageant une acquisition comptent recourir à un conseiller externe. Pourtant, seulement 39 % des entreprises ayant effectué au moins une acquisition au cours des dernières années l’ont fait. – M.-P.F.