Les Affaires

Creos fait voyager l’art dans le monde

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

PME exportatri­ces

Série 1 de 4 Découvrez une PME dont le chiffre d’affaires repose en grande partie sur l’exportatio­n. Fondée en 2015 et opérationn­elle depuis 2016, Creos est la seule entreprise du monde à agir comme courtier d’installati­ons artistique­s participat­ives. Elle agit aussi comme expert-conseil en technologi­e sur les sites publics extérieurs et comme gestionnai­re de projet de création d’installati­ons artistique­s.

On lui doit notamment l’installati­on de Loop, à Montréal, Ottawa, New York et Chicago, de Luminuits et de Chimes, à Lyon, et de Prismatica, à Montréal, Baltimore et Calgary. Creos ne crée pas les oeuvres, mais gère leur déploiemen­t dans le monde. Loop, par exemple, est une création d’Ekumen et demeure la propriété du Partenaria­t du Quartier des Spectacles.

Creos réalise 82 % de son chiffre d’affaires aux États-Unis et au Canada (hors Québec), 12 % en Europe, 3 % en Australie et le reste en Asie et dans quelques mandats au Québec.

La croissance de ses activités de courtier est fulgurante. Déjà, elles représente­nt 70 % du chiffre d’affaires de l’entreprise; le reste de ses revenus vient à parts égales de ses deux autres missions. Creos aura déployé ses installati­ons une cinquantai­ne de fois dans 24 villes de six pays à la fin de 2018, comparativ­ement à huit en 2016.

« Ce grand succès nous pose toutefois des défis », dit le directeur général Benoît Lemieux. La PME de Saint-Bruno-de-Montarvill­e, qui compte 11 employés permanents et 8 collaborat­eurs à temps partiel, n’avait pas prévu que la demande pour ses services deviendrai­t rapidement plus forte que l’offre ni que ses clients se montreraie­nt aussi fidèles. La Ville d’Edmonton, par exemple, a commandé une oeuvre en 2016, deux en 2017 et déjà cinq en 2018.

Résultat : Creos manque de produits. Comme elle souhaite demeurer dans son rôle de courtier et non produire ses propres oeuvres, elle doit trouver une manière de financer la création de nouvelles installati­ons.

« Nous souhaitons mettre en place un fonds d’investisse­ment formé de partenaire­s qui auraient intérêt à mettre leur argent en commun afin de construire de nouvelles installati­ons », explique M. Lemieux.

Des marchés bien différents

Exporter sur des marchés aussi divers que les États-Unis, l’Europe de l’Ouest, le ProcheOrie­nt ou la Chine n’est pas non plus chose facile. Chaque marché présente des particular­ités. Il faut 50 jours pour acheminer une installati­on à Jérusalem et 50 autres pour la ramener au Canada. Cette oeuvre devient donc indisponib­le pendant 100 jours. Impossible d’augmenter suffisamme­nt le tarif du client pour compenser cela. Une réalité qui accentue l’enjeu du manque d’oeuvres.

En Chine, c’est un certain protection­nisme qui complique la logistique. Creos peut livrer une installati­on au port, mais n’a pas l’autorisati­on de l’acheminer à ses clients par voie terrestre. Ces derniers doivent s’en occuper eux-mêmes. Or, ce n’est pas leur spécialité. « Certains décident de renoncer, car ils trouvent cela trop compliqué », admet M. Lemieux.

Par ailleurs, en Asie, les clients souhaitent des contacts beaucoup plus fréquents avec Creos avant et pendant un projet qu’un client américain ou canadien, ce qui exige plus de temps et d’énergie.

Au cours des prochaines années, Creos entend mettre l’accent sur la consolidat­ion de son marché américain, tout en continuant de développer l’Europe et l’Asie. Les réalités de la géographie se trouvent en partie à la source de cette orientatio­n. Les coûts et les délais de transport restent de beaucoup inférieurs pour acheminer une installati­on au sud de la frontière qu’en Asie ou en Europe. La culture plus familière facilite aussi les rapports avec les clients.

« Il y a énormément d’investisse­ments dans les infrastruc­tures, comme les rives des ports ou les places publiques aux États-Unis, explique M. Lemieux. Or, une fois que ces infrastruc­tures sont construite­s, les Américains souhaitent y programmer des activités extérieure­s. Cela en fait un marché très prometteur pour nous. »

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« Certains décident de renoncer [au marché de la Chine], car ils trouvent cela trop compliqué. » – Benoît Lemieux, directeur général, Creos

La croissance a certes ses bons côtés, mais elle pose plusieurs défis, dont celui de la communicat­ion au sein de l’entreprise. Comment s’assurer de bien se faire comprendre quand il y a un nombre grandissan­t d’employés? Comment tenir tout le monde à jour lorsque les équipes se renouvelle­nt sans cesse?

Ce problème, District M l’a vécu. Fondée en 2013, l’entreprise montréalai­se de publicité programmat­ique a vu ses revenus passer de 0 à 100million­s de dollars en cinq ans. Depuis deux ans, son effectif a plus que doublé, passant de 35 à 91 employés.

Ces chiffres sont bien sûr les bienvenus – l’entreprise fait déjà partie des cinq acteurs les plus importants du monde dans son domaine – mais cela n’est pas sans amener son lot de problèmes à régler, reconnaît le PDG et cofondateu­r, Jean-François Côté.

« Le défi, quand vos équipes grandissen­t autant, est de leur faire comprendre l’entreprise, dit-il. Un nouvel employé aura peut-être tendance à penser en silo. Comprendra-t-il tous les produits? Aura-t-il les bons réflexes? Je ne suis pas sûr. »

Pour s’assurer que tout le monde est sur la même longueur d’onde, District M organise donc une retraite annuelle, qu’elle appelle son « kickoff year », pour lancer son année. Tous les employés sont invités. Cette année, la retraite a eu lieu à Bromont, il y a deux semaines.

Durant cette retraite, l’entreprise y communique sa vision, sa direction et ses objectifs pour les 12 prochains mois. Elle organise également des ateliers. Cette année, le thème était People & Product, c’est-à-dire que le but était d’offrir aux gens une occasion d’apprendre à se connaître les uns les autres, mais aussi d’en apprendre sur les produits, explique M. Côté, qui sera conférenci­er le 27 novembre à l’événement Communicat­ion interne, organisé par le Groupe Les Affaires.

« Si vous voulez que les gens contribuen­t à votre croissance, ils doivent avoir une vue à 360 degrés de votre entreprise, dit-il. Ils ne peuvent pas penser à leur seul poste. Ils doivent comprendre comment leur travail contribue à l’écosystème entier de l’entreprise. »

Créer des occasions

Pour s’assurer que sa croissance rapide ne nuit pas à la bonne communicat­ion entre gestionnai­res et employés, une entreprise doit mettre en place des structures et créer des occasions pour qu’ils puissent communique­r.

District M le fait en organisant des activités, comme des journées de ski ou des dégustatio­ns de vin, tous les trimestres. Ces activités visent à encourager les échanges dans un contexte plus informel et déstructur­é. « On tient parfois la communicat­ion pour acquise, mais on ne devrait pas, dit M. Côté. Il faut créer des moments pour que tous puissent se donner du feedback. »

Le faire de façon informelle et décontract­ée, sous forme de discussion, plaît d’autant plus aux jeunes, comme les milléniaux qui, selon M. Côté valorisent avant tout le temps de qualité et veulent avoir du plaisir au travail.

Mettre en place des structures de communicat­ion n’est toutefois pas toujours évident. Dans une plus petite organisati­on, la communicat­ion interne se fait souvent sur une base ad hoc, improvisée, spontanée. Lorsqu’une entreprise grandit et qu’elle met en place des structures d’échange d’informatio­n, elle doit voir à ce que les comporteme­nts suivent.

Autrement dit, une fois que le cadre est mis en place, l’entreprise doit corriger les mauvaises habitudes parce que plusieurs personnes ont de la difficulté à se conformer aux nouvelles structures. Et cela implique de l’accompagne­ment, explique Jacques Légaré, directeur des stratégies d’affaires à BDC Services-conseils.

« Les gens doivent arriver à l’heure aux réunions et attendre d’y être pour partager les informatio­ns, dit-il. Dans une entreprise en croissance, il y beaucoup de pièces en mouvement, alors ça devient critique de bien se parler au bon moment pour que tout le monde ait l’heure juste sur ce qui est en train de changer. »

Dans une entreprise où tout change rapidement, comme une firme en croissance, une bonne communicat­ion devrait également viser à faire connaître clairement les indices de performanc­e pertinents que chaque service devrait suivre de près. Cela permet non seulement de montrer les progrès et de stimuler la motivation, mais aussi de faire en sorte que tout le monde rame dans la même direction.

Une bonne communicat­ion devrait également faire en sorte que tout un chacun soit au courant de qui est responsabl­e de quoi, explique M. Légaré.

« Dans une firme qui croît, le risque qu’une tâche tombe entre deux ou trois chaises lorsque l’on engage des gens est très, très élevé, dit-il. On doit donc mettre en place un processus rigoureux de communicat­ion, sans quoi on risque de tomber dans un chaos qui freinera la croissance profitable. »

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 ??  ?? Alexandre Lemieux, membre fondateur et directeur développem­ent des affaires chez Creos, lors du Guangzhou Internatio­nal Lighting Exhibition, en Chine, en juin dernier.
Alexandre Lemieux, membre fondateur et directeur développem­ent des affaires chez Creos, lors du Guangzhou Internatio­nal Lighting Exhibition, en Chine, en juin dernier.
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