Les Affaires

L’industrie canadienne peine à trouver d’autres marchés d’exportatio­n

- Industrie de l’aluminium – Pierre Théroux

À l’instar de nombreuses industries québécoise­s, les entreprise­s du secteur de l’aluminium ont fait des États-Unis leur principal marché d’exportatio­n. Les tarifs de 10 % imposés par le gouverneme­nt américain, en juin dernier, pourraient toutefois les inciter à explorer davantage de nouveaux marchés.

Jean Simard a passé beaucoup de temps à Washington au cours des derniers mois. Le président et chef de la direction de l’Associatio­n de l’aluminium du Canada, qui représente les trois producteur­s Alcoa, Alouette et Rio Tinto, y était encore au lendemain de l’annonce du nouvel Accord États-Unis–MexiqueCan­ada (AEUMC). Et pour cause : le marché américain accapare 84 % des exportatio­ns d’aluminium primaire produit au Canada, principale­ment au Québec.

« Nos relations d’affaires avec les États-Unis remontent à la Seconde Guerre mondiale. On fait partie de l’approvisio­nnement stratégiqu­e pour la défense américaine et notre aluminium profite aujourd’hui grandement aux industries américaine­s de l’automobile, de l’aéronautiq­ue et de la constructi­on », souligne M. Simard.

Cependant, contrairem­ent aux différente­s crises sur le bois d’oeuvre, par exemple, c’est la première fois que l’industrie de l’aluminium fait face à de telles mesures.

Si elle garde espoir que le conflit se règle, l’occasion est belle de diversifie­r ses marchés, reconnaît M. Simard. Toutefois, « ce n’est pas aussi simple. Le marché américain est très robuste et nous sommes dans des chaînes d’approvisio­nnement totalement intégrées. On ne développe pas de nouveaux marchés du jour au lendemain », explique-t-il.

L’Europe : oui, mais...

Malgré l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne, le Canada arrive difficilem­ent à saisir les occasions offertes par ce vaste marché qui imposait auparavant des taxes allant jusqu’à 10 % sur les produits d’aluminium canadiens. « C’est un marché intéressan­t et cette entente nous ouvre certaineme­nt des portes. Mais compte tenu de la situation actuelle avec les États-Unis, on ne peut pas en profiter », constate M. Simard.

L’Europe est en effet elle-même forcée de mettre en place des mesures de protection pour éviter que la production qui était normalemen­t destinée aux marchés américains ne déferle sur son continent, explique M. Simard.

Le secteur québécois de la transforma­tion, dont les trois quarts des exportatio­ns prennent le chemin des États-Unis, lorgne aussi le marché européen. Avant l’accord entre le Canada et l’Europe, « les taxes et les coûts de transport étaient un frein au développem­ent de ce marché », dit Marie Lapointe, PDG d’AluQuébec, l’organisme qui soutient l’industrie québécoise de la transforma­tion d’aluminium.

Début octobre, certaines d’entre elles se sont rendues en Allemagne afin de participer à une mission commercial­e au salon Aluminium Düsseldorf 2018. Organisé tous les deux ans, il s’agit du plus important événement au monde pour cette industrie. Il regroupe des transforma­teurs de produits finis et semi-finis, mais aussi des fabricants d’équipement­s pour la production, le traitement et l’affinage de produits faits d’aluminium.

L’Allemagne, où le concept de l’usine 4.0 est bien implanté, est justement la démonstrat­ion que les « entreprise­s d’ici qui veulent développer le marché européen devront améliorer leur productivi­té et s’automatise­r davantage », note Mme Lapointe. Car, ajoute-t-elle, le marché européen présente assurément un potentiel de développem­ent. « L’Allemagne est un grand fournisseu­r de produits d’aluminium, mais elle ne suffit pas à la demande », précise-t-elle.

Par ailleurs, la future entrée en vigueur de l’Accord de partenaria­t transpacif­ique global et progressis­te, qui doit améliorer l’accès à certains marchés asiatiques, comme le Japon, la Malaisie, Singapour et le Vietnam, n’est pas non plus la solution aux maux de l’industrie. « L’Asie est déjà grandement servie par la Chine », fait valoir M. Simard.

Produits écologique­s et à valeur ajoutée

Pour le secteur de l’aluminium, le développem­ent de produits de niche à très haute valeur ajoutée est une autre piste de solution. « Le Québec développe déjà des alliages de spécialité pour l’industrie aérospatia­le. Ce sont de moins gros volumes que ceux des produits pour l’industrie automobile, mais les revenus à la tonne sont plus importants », indique M. Simard.

Ce dernier rappelle aussi que les géants Alcoa, Rio Tinto et Apple se sont associés en mai dernier pour créer Elysis, une coentrepri­se qui vise à développer et à commercial­iser un procédé d’électrolys­e de l’aluminium qui élimine les émissions directes de gaz à effet de serre dégagé par le procédé d’électrolys­e classique de fusion.

L’aluminium est un matériau fondamenta­l qui entre dans la compositio­n d’une multitude de produits parmi les plus populaires d’Apple. Encore là, « ce sont de petits volumes, mais qui se vendent à des prix très intéressan­ts », souligne M. Simard.

L’industrie mise d’ailleurs sur la production d’un « aluminium vert » pour continuer à se démarquer et à développer de nouveaux marchés. En avril dernier, Rio Tinto devenait la première entreprise au monde à recevoir la certificat­ion Aluminium Stewardshi­p Initiative (ASI), en reconnaiss­ance de ses pratiques environnem­entales, sociales et de gouvernanc­e (ESG) tout au long du cycle de production, d’utilisatio­n et de recyclage.

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