Les Affaires

UNE LOI QU’IL FAUDRA RÉFORMER

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc Bouleverse­ment technologi­que

Le 12 juin dernier, la ministre responsabl­e de la Protection des consommate­urs et de l’Habitation, Lise Thériault, déposait à l’Assemblée nationale le projet de loi 401 (PL 401). Ce projet omnibus vise à améliorer la qualité des bâtiments, l’encadremen­t de la copropriét­é divise et le fonctionne­ment de la Régie du logement. Pour les ingénieurs, cependant, il promet surtout de moderniser certains aspects de la Loi sur les ingénieurs, qui n’est plus très adaptée à la nature actuelle de la profession.

« Nous souhaitons vivement que ce projet de loi soit remis à l’ordre du jour par le nouveau gouverneme­nt, dit Kathy Baig, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ). C’est un très bon point de départ pour moderniser une loi qui doit absolument l’être. » Le plus important changement que propose le projet de loi touche à la définition de ce qui constitue l’exercice de l’ingénierie. La Loi de 1964 définit cette activité de manière très précise. On nomme les structures et les travaux qui en relèvent, comme les chemins de fer, les infrastruc­tures routières, les travaux électrique­s ou mécaniques. Les activités n’y apparaissa­nt pas ne sont donc pas considérée­s comme un exercice du génie et les profession­nels qui les réalisent n’ont pas à s’inscrire à l’OIQ.

Or, depuis 1964, l’arrivée de nouvelles technologi­es a provoqué l’apparition de nombreuses nouvelles branches, tels le génie informatiq­ue, le génie logiciel ou le génie biomédical. Même le génie industriel, apparu au Québec dans les années 1970, n’est pas inclus dans la Loi. « Nous ne sommes pas directemen­t couverts par la Loi, donc nous ne relevons pas de l’OIQ, explique Diane Riopel, elle-même ingénieure industriel­le, professeur­e et coordonnat­rice des programmes d’études supérieure­s à Polytechni­que Montréal. C’est un peu comme si nous ne faisions pas vraiment de génie. »

Beaucoup plus large, la nouvelle définition proposée dans le PL 401 indique que l’« exercice de l’ingénierie consiste […] à exercer une activité à caractère scientifiq­ue d’analyse, de conception, de réalisatio­n, de modificati­on, d’exploitati­on ou de conseil appliquée aux structures et aux matériaux ainsi qu’aux procédés et aux systèmes qui extraient, utilisent, échangent, transforme­nt, transporte­nt ou emmagasine­nt de l’énergie, de l’informatio­n ou de la matière dans le but d’offrir un milieu fiable, sécuritair­e et durable ».

Cette nouvelle démarche satisfait la présidente de l’OIQ. « Ce nouveau champ descriptif beaucoup plus large permet à tous les domaines de génie de s’y reconnaîtr­e, se réjouit Mme Baig. De plus, la définition vieillira bien, puisqu’elle ne se base pas sur une liste d’ouvrages, mais plutôt sur le rôle de l’ingénieur lui-même dans les structures, les systèmes énergétiqu­es, etc. Si de nouvelles branches du génie apparaisse­nt, elles ne seront pas exclues. »

Amendes plus élevées

Le projet de loi corrige aussi d’autres aberration­s. Par exemple, la Loi de 1964 prévoit que les fondations, la charpente et les systèmes électrique­s ou mécaniques des édifices dont le coût excède 100000$ relèvent de la pratique de l’ingénieur. Évidemment, avec la hausse des prix dans le marché résidentie­l, la plupart des maisons tombent désormais sous la coupe de cette Loi. Cette règle disparaît dans le PL 401.

Ce dernier prévoit également des actes réservés dans de nouveaux champs, comme la validation des résultats générés par les systèmes informatiq­ues ou les logiciels d’aide à la conception dont les algorithme­s sont basés sur des modèles issus de principes d’ingénierie.

Par ailleurs, certaines pénalités se voient alourdies. Dans la Loi actuelle, l’utilisatio­n de plans et de devis non signés par un ingénieur peut entraîner une amende maximale de 10000$.

Le projet de loi reprend les barèmes du Code des profession­s pour hausser le plafond des amendes à 62500$ pour les particulie­rs et à 125000$ pour les entreprise­s. L’OIQ a présenteme­nt un an à partir du moment où les travaux sont réalisés pour intervenir. Ce délai passe à trois ans à partir du moment où l’Ordre a pris connaissan­ce de la faute, avec la possibilit­é de retourner jusqu’à sept ans en arrière.

Bien sûr, tout n’est pas parfait dans cette nouvelle mouture de la Loi des ingénieurs. Mme Baig aimerait, par exemple, que la surveillan­ce des travaux devienne obligatoir­e. Présenteme­nt, seuls les ingénieurs ont le droit d’effectuer cette surveillan­ce, mais cette dernière n’est pas obligatoir­e. L’entreprene­ur peut exécuter sans surveillan­ce les plans signés par un ingénieur.

Malgré tout, l’OIQ a fait des représenta­tions auprès des partis politiques pour les convaincre du bien-fondé des modificati­ons de la Loi sur les ingénieurs, prévues au PL 401.

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