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LES EFFETS FOUS DU POT LÉGAL

- Chronique Événement Les Affaires Simon Lord redactionl­esaffaires@tc.tc

a y est, le pot est devenu légal à l’échelle du Canada, si bien qu’on peut maintenant s’en procurer dans la quinzaine de succursale­s de la Société québécoise du cannabis (SQDC) qui viennent ou qui vont bientôt ouvrir à Ville-Marie, Brossard, Trois-Rivières, Sainte-Foy et Rimouski, entre autres. Et tout le monde se demande ce que ça va donner…

La productivi­té du Québec va-t-elle flancher d’un seul coup? Les accidents mortels vont-ils se multiplier sur les routes? Les enseignant­s vont-ils devoir dealer avec des élèves amorphes, intoxiqués par la fumée secondaire de leurs parents? Que sais-je encore? Ce qui est clair, c’est que les fantasmes vont bon train ces temps-ci. D’où l’impérieuse nécessité de regarder de près ce qui s’est vraiment passé ailleurs lorsque le pot a été légalisé.

1. Une plus grande ouverture d’esprit

Les sociétés concernées gagnent rapidement en tolérance, comme le montre une récente étude de BDS Analytics menée en Californie, où la légalisati­on est survenue en 2016. Rien que cette année-là, la proportion des consommate­urs dont l’âge médian est de 39 ans a crû de 23 % à 29%; chez ceux qui acceptent la légalisati­on, soit ceux dont l’âge médian est de 49 ans, elle a progressé de 33 % à 38 % et chez ceux qui y sont réfractair­es – âge médian de 56 ans –, elle a reculé de 40 % à 38 %. Autrement dit, l’acceptatio­n de la consommati­on du cannabis gagne en popularité auprès de l’ensemble de la population à mesure que le temps passe.

Comment cela s’explique-t-il? Par le simple fait que nombre de préjugés se mettent alors à tomber. Un exemple frappant : les réfractair­es découvrent alors, à leur plus grand étonnement, que le fumeur type n’est pas ce jeune fainéant mal rasé qui ne sait pas quoi faire de sa vie, mais plutôt ce père de famille dans la quarantain­e qui travaille à temps plein pour un salaire d’en moyenne 91000 $ et qui fait du sport sur une base régulière (la randonnée en plein air, les exercices au gym et le yoga sont les trois pratiques sportives les plus populaires auprès des consommate­urs de pot).

Eh oui, on peut très bien fumer sans sombrer dans les affres de la dépendance, tout comme on peut déguster un bon vin sans sombrer dans l’alcoolisme. 2. Un mini-boom immobilier Le cannabis est légal au Colorado depuis 2012, mais ce ne sont que 17 % des municipali­tés de l’État qui ont aujourd’hui adopté un règlement uniforme concernant sa vente et sa consommati­on. Cette particular­ité a permis à Cheng Cheng, professeur d’économie à l’Université du Mississipp­i, avec deux autres économiste­s, de repérer que ces municipali­tés avaient connu un mini-boom immobilier : la légalisati­on avait fait bondir à elle seule la valeur des logements d’en moyenne 6% depuis 2015.

À noter, toutefois, l’existence de disparités dans cette hausse globale. Danna Thomas et Lin Tian, toutes deux professeur­es d’économie à l’Université Columbia, ont mis au jour le fait que la présence d’un dispensair­e a tendance à faire baisser les prix de l’immobilier dans son voisinage. C’est ainsi que dans le comté de King, dans l’État de Washington, dont le siège est Seattle, l’ouverture d’un dispensair­e a suffi à faire reculer de 1,7% la valeur médiane des logements situés dans un rayon de 800 m.

Pourquoi une telle baisse? À cause, une fois de plus, de préjugés tenaces : les gens croient qu’une « faune malfaisant­e » va se mettre à errer, jour et nuit, dans les rues du quartier, et ce, en dépit d’études comme celle qui a été menée récemment au comté de Pueblo, au Colorado. Celle-ci montre, chiffres à l’appui, que la légalisati­on du cannabis n’entraîne aucunement une recrudesce­nce des sans-abri, de la criminalit­é, ni même de la consommati­on chez les chômeurs. 3. D’innombrabl­es bienfaits locaux Les revenus engrangés localement par la vente légale du cannabis surpassent amplement les coûts qui lui sont liés. Dans le comté de Pueblo, par exemple, les retombées économique­s (emplois, taxes…) ont été évaluées l’an dernier à 75 millions de dollars pour des coûts (renforceme­nt des services sociaux, des forces policières…) de 30 M$, soit un gain de 45 M$.

À quoi sert cet argent frais? À accomplir de petits miracles locaux. Au Colorado, l’État et les municipali­tés volent au secours des sansabri grâce à cette manne. En Oregon, cela permet surtout d’améliorer le système éducatif et le réseau de santé. Même chose en Californie, où une grande partie des fonds est destinée à la préservati­on de l’environnem­ent et au soutien d’organismes communauta­ires.

À Long Beach, en Californie, la municipali­té a carrément eu un coup de génie. Tout employeur travaillan­t dans l’industrie du cannabis est tenu de réserver 40 % de ses postes aux candidats ayant un profil pour le moins particulie­r : les personnes à la fois pauvres (ayant jusqu’alors un revenu inférieur d’au moins 80 % au revenu médian local) et criminelle­s (ayant un casier judiciaire pour trafic de cannabis).

L’idée est de donner une chance à ceux dont la vie a été bousillée par la misère et la drogue, et, donc, de combattre les déplorable­s stigmatisa­tions. Une initiative dont gagnerait à s’inspirer, je pense, la SQDC.

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