Les Affaires

LES FUTURES VEDETTES DE L'ENTREPRENE­URIAT

Elles sont québécoise­s, émergentes et remplies de potentiel. Découvrez ces entreprise­s et leurs fondateurs, qui représente­nt l’avenir de l’entreprene­uriat au Québec.

- Pourquoi ils y croient

Les six entreprise­s qui ont été sélectioné­es sont dans des secteurs variés, des biocarbura­nts au laser industriel en passant par l’Internet des objets ou la santé. À leur tête, des entreprene­urs âgés entre la trentaine et la soixantain­e. Ils ont en commun un grand bagage académique ainsi qu’un parcours riche, souvent ponctué par de nombreuses reventes d’entreprise­s. La plupart sont également très soucieux de créer de la valeur ici, au Québec, et s’engagent à nourrir l’écosystème local.

Pour sélectionn­er ces entreprise­s, Les Affaires a demandé aux six firmes de capital de risque les plus actives du Québec en 2017 (selon les données de Réseau Capital et de l’Associatio­n canadienne du capital de risque et d’investisse­ment), de choisir l’un de leurs plus importants et prometteur­s investisse­ments, dans une entreprise québécoise émergente de la dernière année.

Leur réponse nous permet de vous dévoiler des entreprise­s encore sous le radar, mais dont vous n’avez pas fini d’entendre parler. En septembre dernier, un Boeing de la United Airlines effectuait le premier vol transatlan­tique, entre San Francisco et Zurich, propulsé par 30% de biocarbura­nt issu… de graines de moutarde!

À l’origine de ce combustibl­e, une entreprise gatinoise, Agrisoma, qui n’en est pas à son coup d’essai. Elle alimentait déjà, en janvier dernier, la compagnie australien­ne Qantas Airways pour son premier vol commercial transpacif­ique et, en 2012, le premier vol au monde d’un avion à réaction civil n’utilisant que du biocarbura­nt pur, entre Ottawa et Montréal.

Un entreprene­ur en série américain aux manettes

Derrière ces exploits technologi­ques, un agronome originaire de Chicago, Steve Fabijanski. Détenteur d’un doctorat en biologie moléculair­e de l’Université de Californie du Sud, ce récent sexagénair­e est un entreprene­ur dans l’âme. « Je pense que je n’aurais jamais pu être un bon employé convention­nel », sourit-il.

Arrivé à Ottawa en 1985, il y crée sa première entreprise, Paladin Hybrids, qui participe au développem­ent de l’industrie du canola. Ses recherches aboutissen­t d’ailleurs au dépôt de 13 brevets liés aux méthodes de production de ces graines. Il la revend six ans plus tard et fonde un cabinet de consultati­on dans les biotechnol­ogies.

C’est dans ce cadre qu’il croise la route d’Agrisoma, une jeune société technologi­que alors mal en point. En 2007, les investisse­urs de cette dernière demandent à M. Fabijanski de la reprendre en main et d’en devenir PDG. Il accepte et impulse tout de suite la nouvelle orientatio­n stratégiqu­e de l’entreprise en achetant les droits commerciau­x d’une plante non comestible développée par Agricultur­e et Agroalimen­taire Canada, la carinata, un dérivé du canola et de la moutarde.

Personne n’en voyait d’usage commercial. Lui, oui. « J’ai rapidement vu l’équivalenc­e entre les structures de l’huile de carinata et celles du kérosène. J’ai donc saisi l’occasion », explique M. Fabijanski.

« Steve a une double compétence rare: il possède une grande connaissan­ce technologi­que et est capable de transforme­r une vision entreprene­uriale en un plan d’affaires viable », résume André Levasseur, le directeur financier d’Agrisoma, devenu son associé en 2012.

La chaîne d’approvisio­nnement: le dilemme de l’oeuf et de la poule

Après cinq ans de recherche et de développem­ent, Agrisoma met au point la semence, non modifiée génétiquem­ent, qu’elle pourra vendre aux agriculteu­rs.

Ses avantages? Déjà, l’huile extraite des graines fournit un carburant qui génère 80% moins de gaz à effet de serre que son équivalent pétrolier. De plus, elle n’entre pas en concurrenc­e avec les cultures destinées à l’alimentati­on, un reproche récurrent envers les biocarbura­nts. Elle aurait même des effets bénéfiques sur la fertilité des sols, même les plus inhospital­iers. Enfin, les résidus obtenus lors de sa transforma­tion donnent un tourteau riche en protéines, utile pour alimenter des bovins.

Le grand défi de l’entreprise est indéniable­ment la constructi­on de toute la filière qui doit mener les graines de carinata vers les réservoirs des avions. « La clé, c’est que tous les joueurs de la chaîne d’approvisio­nnement, agriculteu­rs comme raffineurs, doivent être rentables », assure M. Levasseur, sachant que les producteur­s veulent des garanties en matière de débouchés, et les transforma­teurs, en matière de capacité de production. Un vrai dilemme de l’oeuf et de la poule qu’Agrisoma est en passe de relever.

L’entreprise d’une trentaine d’employés, qui a doublé ses revenus en deux ans et qui vient de boucler une ronde de financemen­t de 12 millions de dollars en mars dernier, envisage d’être profitable d’ici 12 à 24 mois. Son objectif: la production de 100000 acres en 2019, puis son doublement chaque année par la suite.

Il faut dire que le marché est prometteur. L’industrie aérienne s’est engagée, en 2016, à Montréal, à réduire de moitié ses émissions de CO d’ici 2050, sachant que le trafic aérien

2 devrait plus que doubler dans les vingt prochaines années. « L’ambition serait d’arriver à un tiers de biocarbura­nt sur les 300 milliards de litres consommés chaque année », affirme M. Fabijanski. « Agrisoma pourrait bien révolution­ner l’industrie de l’aviation. Alors que le trafic aérien est en constante progressio­n, la technologi­e éprouvée développée par l’entreprise permet de réduire de 100% les émissions de GES. Grâce aux récentes ententes commercial­es conclues avec des joueurs majeurs de la production de biocarbura­nt dans le monde, Agrisoma pourrait connaître un essor important dans les prochains mois alors qu’elle s’apprête à étendre ses opérations de commercial­isation dans de nouveaux marchés. »

Elles sont québécoise­s, émergentes et disposent d’un grand potentiel de développem­ent dans les prochaines années. Portrait de six entreprise­s et de leurs équipes fondatrice­s, qui représente­nt l’avenir de l’entreprene­uriat au Québec.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada