Dominique Beauchamp
Nouveau choc des taux
STÉPHANE ROLLAND – Quelle est votre philosophie d’investissement ?
ERIC NUTTALL – Opportuniste. J’ai un style à contre-courant. Je commence par une prévision sur la matière première. Ensuite, j’essaie de déceler les tendances avant que le consensus se range à cette opinion et de placer mes billes en conséquence.
S.R. – Vous êtes spécialisé dans le secteur de l’énergie. Quelles y sont les perspectives ? E.N.
– Nous sommes optimistes. Nous croyons que le marché entre dans un contexte structurel d’offre insuffisante. On le voit par une réduction des réserves mondiales. La croissance économique soutient la forte demande. Du côté de l’offre, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a été très efficace à enlever des barils du marché pour le rééquilibrer. Pendant ce temps, il y a un sous-investissement dans les pays qui ne font pas partie de l’OPEP, comme le Canada, les États-Unis et le Brésil. En raison de ce sous-investissement, la production risque de décliner à partir de 2020 et cela devrait durer quatre ou cinq ans. Il faudra une hausse du prix du baril de pétrole pour freiner la demande trop élevée.
S.R. – Qu’en est-il des sociétés qui sont actives dans le secteur ? E.N. –
Depuis 2017, il y a un écart de 40 % entre la performance du baril de pétrole et les titres de l’énergie. Ainsi, les valeurs dans le secteur sont très attrayantes. Les gens ont préféré investir ailleurs, que ce soit dans la technologie ou les actions du secteur du cannabis, ce qui fait qu’il y a peu d’intérêt, malgré les évaluations. Le sentiment commence toutefois à s’améliorer. es investisseurs sont désorientés par une nouvelle hausse des taux d’intérêt un peu trop abrupte aux États-Unis, comme ce fut le cas au début de l’année et en 2013.
Les taux américains de 10 ans, qui servent de repères au monde entier, ont en effet frôlé la marque de 3,25% le 10 octobre, un sommet depuis sept ans.
Certains attribuent la hausse rapide des taux à la confiance manifestée par le président de la Réserve fédérale à l’égard de la trajectoire de l’économie et du besoin de relever son taux directeur même au-delà du seuil « neutre » qui ne stimule ni ne freine l’économie.
D’autres financiers mentionnent de plus fortes attentes inflationnistes provoquées par la remontée du pétrole ainsi que par le bond plus fort que prévu des deux indicateurs clés des secteurs manufacturier et des services.
En plus, les salaires, surtout au bas de l’échelle, augmentent au plus fort rythme (3,4%) depuis 10 ans. Davantage d’entreprises se plaignent d’ailleurs d’une pénurie de la main-d’oeuvre et d’une poussée des coûts de transport et des matériaux.
D’autres experts croient plutôt que les acheteurs d’obligations gouvernementales exigent tout à coup un rendement à l’échéance plus élevé pour prêter au gouvernement américain sur 10 ans. Les cours s’ajustent donc à une fourchette de taux plus élevée.
Qui aura raison ?
Une chose est sûre, les investisseurs cherchent à s’adapter au nouveau régime de taux, en même temps qu’ils redoutent un ralentissement économique plus tard cette année ou l’an prochain.
Ces contradictions expliquent les nombreux mouvements frénétiques en Bourse et dans le marché obligataire au cours des derniers jours.
Les titres les plus chèrement évalués de la technologie, de même que les constructeurs, ont été particulièrement frappés par le bond du coût d’emprunt. Dans le premier cas, la nouvelle hausse des taux réduit la valeur accordée aux entreprises à forte croissance dont les perspectives de bénéfices sont plus lointaines, comme le veut le mécanisme d’actualisation. Dans le deuxième cas, les taux plus élevés réduisent l’abordabilité des logements, ce qui freine les mises en chantier et les reventes.
Les titres à faible capitalisation, représentés par l’indice Russell 2000, en prennent également pour leur rhume. Les plus petites socié- tés ont moins de marge de manoeuvre lorsque les taux montent en raison d’un accès moins facile aux capitaux.
Les investisseurs se sont aussi déplacés des obligations gouvernementales aux obligations de sociétés, y voyant une solution pour parer à la hausse plus rapide des taux.
Les fonds de pension sont particulièrement friands de ces titres à rendement élevé qui évoluent en fonction de la capacité des sociétés à verser leurs intérêts et à rembourser le capital à échéance. Pour l’instant, la solidité de l’économie et de bons bilans favorisent encore cette catégorie d’actif.
Dans le meilleur des cas, si le scénario de 2013 se répétait, le nouveau choc des taux en Bourse pourrait se résorber assez vite. À l’époque, les actions avaient récupéré leurs pertes en un mois. Par contre, les cours sont aujourd’hui plus chèrement évalués, les sociétés sont plus endettées et le cycle économique est plus avancé qu’en 2013. Les tarifs font paniquer les entreprises Une autre hypothèse circule. L’économie est dopée à court terme par la guerre commerciale que mène Donald Trump.
L’imposition de tarifs douaniers sur les produits chinois et la menace d’une autre salve, au début de 2019, incitent les entreprises à devancer leurs achats de matériaux et de biens.
Ce phénomène sous-tend le sursaut de l’indice manufacturier. En septembre, son niveau surpasse 97 % de toutes les données depuis 30 ans, signale l’économiste Danielle DiMartino dans un récent bulletin intitulé « L’économie américaine souffre d’une surdose de sucre ».
Si, à court terme, l’activité économique s’accélère, le renflement des stocks des entreprises, lui, est de mauvais augure pour la production future, avance cette ex-conseillère de la Fed et maintenant présidente de Quill Intelligence. Les achats devancés des entreprises se répercutent sur les chemins de fer nord-américains, qui font tous état d’une hausse solide de la demande, du volume des marchandises expédiées et des prix. « Les prévisions économiques seront sans doute relevées pour le quatrième trimestre, mais le premier trimestre de 2019 risque de connaître un plus fort ralentissement hivernal que d’habitude », prévoit Mme DiMartino. Où se tourner ? Dans un marché entre deux eaux, Savita Subramanian, de Bank of America Merrill Lynch, rappelle que la hausse de l’inflation et des taux affecte davantage les obligations que les actions. « Les plus grandes sociétés sont les plus aptes à naviguer en eaux troubles », écrit-elle.
Les payeurs de dividendes élevés (télécommunications, services aux collectivités, immobilier) et les entreprises à plus forte croissance (le nouveau secteur des communications) qui ont le plus profité de la chute des taux après 2009 risquent de tirer de l’arrière dans le nouveau régime des taux.
Mme Subramanian préconise le « juste milieu » : les sociétés dont les dividendes croissent, que l’on retrouve dans les secteurs de la santé, de la finance, des matériaux, de l’industrie et parmi les doyennes de la technologie.
La société semble sur la bonne voie pour atteindre son objectif d’un BAIIA de 45 M$ en 2021, estime Rupert Merer, de Financière Banque Nationale (FBN). Il précise que le plan de l’entreprise s’appuie sur quelques projets comme l’expansion de son usine de Montréal et le démarrage, en deuxième moitié de 2019, d’une usine pour la production de produits destinés au marché animal en Allemagne. FBN renouvelle une recommandation « surperformance ». La cible est établie à 4,25 $. Le marché est trop pessimiste à l’égard du potentiel de Rogers, croit Vince Valentini, de Valeurs mobilières TD. Il estime peu probable que Shaw et Québecor suivent l’exemple de T-Mobile (et Sprint), aux États-Unis, et se lancent dans une guerre de prix. Dans le pire de ses scénarios, M. Valentini postule que la croissance des revenus serait de 3,1 % en 2019 et de 2,8 % en 2020. Sa cible tomberait à 76 $, alors qu’elle est à actuellement à 78 $ dans son scénario de base. Héroux-Devtek est un fournisseur aéronautique mondial de plus en plus diversifié qui mérite la prime actuelle que porte son multiple, juge Tim James, de Valeurs mobilières TD L’analyste croit cependant qu’à 15,9 fois son anticipation à venir et un risque plus élevé sur ses prévisions, le titre de l’entreprise de Longueuil est bien évalué. Il maintient sa recommandation « conserver », mais abaisse sa cible de 19 $ à 17,50 $. Les résultats montrent à quel point les produits et boutiques d’Aritzia sont populaires, constate Patricia Baker, de Banque Scotia. Le dernier trimestre est le seizième consécutif durant lequel l’entreprise affiche des ventes comparables en hausse. Elle souligne que le titre se négocie à environ 18 fois le bénéfice attendu, alors que les comparables sont à 30 fois. L’évaluation lui semble attrayante. Mme Baker renouvelle une recommandation « surperformance de secteur » et une cible à 24 $.