Une pépinière d’entreprises en sciences de la vie
Tout a commencé avec Armand Frappier, le père de la recherche scientifique en biotechnologie au Québec et du vaccin contre la tuberculose, qui décidait en 1961 de s’installer à Laval. Il déménage alors, sur un vaste terrain agricole en bordure de l’autoroute 15 nouvellement construite, les quartiers généraux de l’Institut de microbiologie et d’hygiène de l’Université de Montréal, devenu l’INRS–Institut Armand-Frappier.
« Le docteur Frappier avait besoin de grandes terres pour y installer une grange et des animaux et mener ses travaux de recherche sur les vaccins », explique Jean-Marc Juteau, codirecteur du Centre québécois d’innovation en biotechnologie (CQIB) et commissaire à la Cité de la Biotech de Laval.
Le chercheur devait ainsi jeter les bases de cette Cité de la Biotech qui regroupe aujourd’hui une centaine d’entreprises et d’organisations de recherche qui emploient plus de 5000 personnes. Elle loge par ailleurs le CQIB, un incubateur qui a donné naissance à une trentaine d’entreprises en sciences de la vie depuis sa création en 1996, comme Bio-K Plus, l’une des premières diplômées et toujours implantée dans la Cité de la Biotech, qui a fait sa marque dans la fabrication de produits probiotiques qui se vendent au Canada et aux États-Unis.
La Cité de la Biotech
« C’est un site unique totalement intégré. On y trouve autant de grandes entreprises pharmaceutiques que des start-up en biotech, mais aussi des entreprises de recherche contractuelle et un incubateur pour assurer la relève. Tout cet écosystème gravite autour d’un important institut de recherche spécialisé en sciences de la vie », fait valoir M. Juteau.
La Cité de la Biotech a vu naître l’un des fleurons de l’industrie pharmaceutique québécoise, BioChem Pharma, cofondé en 1986par Francesco Bellini, qui avait auparavant mis sur pied la division de biochimie de l’Institut Armand-Frappier. L’entreprise, connue mondialement pour la découverte et la commercialisation du médicament3TC, qui traite l’infection au VIH et le sida, a été vendue pour près de six milliards de dollars à la multinationale britannique Shire, en 2001.
Or, l’ombre de M. Bellini plane toujours sur la Cité de la Biotech, qui abrite aujourd’hui Bellus Santé, une entreprise qu’il a dirigée avant de passer le flambeau à son fils Roberto, mais dont il assure la présidence du conseil d’administration. Il est aussi PDG et président du conseil d’administration de Klox Technologies, une jeune entreprise qui développe des technologies pour le traitement des affections et des maladies particulières de la peau ou des tissus mous également implantée dans la Cité de la Biotech.
Au fil des ans, de grandes sociétés pharmaceutiques étrangères comme l’allemande Boehringer Ingelheim et la britannique GSK y ont établi des activités de recherche et de développement, tandis que la firme suisse Roche y a implanté sa division diagnostics.
La Cité de la Biotech accueille aussi le siège social du géant pharmaceutique français Sanofi, de même que le centre de développement clinique du groupe français Servier.
Préparer la relève
La crise qui a frappé l’industrie des pharmas au début des années 2010 et qui a entraîné la ferme- Côtelette, gigot, jarret, viande d’agneau haché: la campagne lavalloise, à deux pas de Montréal, compte maintenant un élevage d’agneaux sans cesse grandissant dont les produits transformés peinent à suffire à la demande.
« Les ventes augmentent chaque année. On a même des listes d’attente pour certains produits », souligne Donald Beaulieu, cofondateur de la ferme Agneaux de Laval, qui s’est lancé dans cette aventure il y a près de 10 ans. « À l’époque, on entendait de plus en plus parler d’agriculture de proximité », se rappelle-t-il.
Fils de maraîcher, M. Beaulieu cultive sa propre terre depuis près de 30 ans. À 21 ans, après avoir suivi une formation en horticulture au Jardin botanique de Montréal, il lançait les Serres Beaulieu, qui sont devenues aujourd’hui un centre jardin qui vend des arbres, des plantes et des fleurs, de l’engrais, du paillis et des outils pour l’entretien du jardin.
Les ventes de produits horticoles à faible prix que l’on trouve dans les grandes chaînes de rénovation ou chez Walmart ont toutefois engendré une forte concurrenceet une baisse des revenus pour l’entreprise au fil des ans. M. Beaulieu décide alors de diversifier ses activités et ainsi faire
(CRO) occupent le centre de recherche laissé vacant par GSK et transformé en centre multilocataires. Or, « ce type d’entreprises est en croissance alors que les grandes sociétés pharmaceutiques confient désormais des activités de recherche à des CRO », dit M. Juteau.
Le CQIB s’assure aussi de préparer la relève. D’anciens chercheurs de Boehringer Ingelheim s’y sont installés pour lancer les activités d’IniXium, un CRO spécialisé dans les domaines de la découverte du médicament et de la chimie des protéines.
Une dizaine d’autres jeunes pousses logent présentement dans cet incubateur, dont New World Labs, qui s’apprête toutefois à quitter pour s’implanter dans un autre bâtiment de la Cité de la Biotech. La jeune biotech et sa société affiliée, Fortuna Fix, font de la recherche et développement en médecine régénérative en utilisant des cellules souches et viennent de recevoir un financement de 25 M$ US provenant notamment du géant américain Amgen Ventures.
Le CQIB offre aussi ses nombreux laboratoires et services « à des entreprises étrangères qui veulent venir faire des tests et percer le marché nord-américain », indique M. Juteau, comme en témoigne la présence de la société sud-coréenne ATGen.
la