Les Affaires

« Orange est bien positionné­e dans le marché des télécoms »

Daniel Ouellet, gestionnai­re de portefeuil­le chez Gestion de patrimoine Desjardins

- Marchés en action Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la C @@ Chronique

STÉPHANE ROLLAND – Décrivez-nous votre style d’investisse­ment. DANIEL OUELLET

– Nous avons un style valeur à contre-courant. Notre démarche est descendant­e ( top-down). Nous trouvons souvent nos occasions à l’aide de nos idées macroécono­miques.

S.R. – Le style valeur a moins bien performé dans la dernière décennie. Pensez-vous qu’il y aura un renverseme­nt? D.O.

– J’apporterai­s une nuance à ce que vous avez dit. De 2010 à 2016, la différence entre les deux styles n’était pas si grande. L’écart s’est toutefois grandement élargi depuis un an et demi. Ce qui se passe me fait penser à ce qui est arrivé avant l’éclatement de la bulle techno. Évidemment, ce n’est pas de la même ampleur, mais on voit des comporteme­nts semblables. Je pense donc que l’investisse­ment valeur est extrêmemen­t bien positionné dans cette fin de cycle. Il y a des occasions parmi les «titres valeur» où l’on trouve des évaluation­s raisonnabl­es.

S.R. – Vous avez développé un modèle pour prédire les récessions. Que vous indique-t-il? D.O.

– Notre modèle de récession n’est pas encore déclenché, mais il pourrait l’être si la Réserve fédérale (Fed) augmente ses taux en décembre. Nous avons adapté un modèle de Wells Fargo et avons ajouté un test avec la courbe des taux. Dans un premier temps, nous regardons la position du taux directeur de la Fed par rapport à la moyenne des taux sur l’obligation de 10 ans du gouverneme­nt américain pendant le cycle en cours. La moyenne est de 2,5%. Si la Fed augmente son taux en décembre (vers une fourchette se situant entre 2,25% et 2,5%), nous aurions un premier critère d’atteint. Nous avons un deuxième critère qui en est un de confirmati­on. Nous n’attendrons pas que la courbe des taux d’intérêt s’inverse. Si l’écart entre le taux sur les 10 ans et le taux directeur est inférieur de 75 points de base, ça viendrait confirmer notre premier critère. Il faudrait donc que les 10 ans montent au-dessus de 3,25% pour éviter la confirmati­on.

S.R. – Qu’est-ce que cela veut-il dire pour le marché? D.O.

– Une fois que le modèle de récession est déclenché, ça ne veut pas dire que le rendement est terminé à la Bourse. En moyenne, la récession survient 14 mois plus tard. Des neuf précédente­s récessions, le sommet de marché est survenu après le déclenchem­ent du modèle à cinq reprises, mais avant la récession. Les quatre autres sommets ont été atteints avant le déclenchem­ent du modèle. La correction d’octobre pousse à nous poser des questions. Je pense que le recul en octobre n’est qu’une correction et qu’on pourrait revoir de nouveaux sommets en 2019, avant la récession. Par contre, on ne peut pas prédire l’avenir. Ce n’est pas impossible que le sommet de septembre soit le dernier sommet du marché haussier.

S.R. – Quelle société est sur votre écran radar? D.O.

– Nous sommes actionnair­es de la télécom française Orange (ORAN., 15,82 $ US). Un peu comme au Canada, il y avait en France trois entreprise­s principale­s dans le marché. L’arrivée d’un quatrième acteur, Free Mobile (en 2012), a déclenché une guerre des prix entre les télécoms. La situation limite leur capacité à augmenter leurs prix à un moment où d’importante­s dépenses doivent être réalisées pour déployer le 4G, et on sait que le 5G s’en vient. Le titre d’Orange a donc corrigé. Par contre, ses résultats sont bons et la société ajoute de nouveaux abonnés. Orange a une bonne réputation pour la qualité de son réseau, ce qui lui permet d’augmenter modérément ses prix. Comme les prix sont plus bas en Europe qu’au Canada, il y a une réflexion là-bas sur l’importance de la qualité du réseau. Tant chez le consommate­ur que le législateu­r, qui pourrait être ouvert à plus de consolidat­ion. Dans le futur, quand les investisse­ments seront moins importants, ou si l’industrie se consolide, la rentabilit­é pourrait profiter d’un effet levier. Un désavantag­e pour les actionnair­es canadiens, toutefois, est que le gouverneme­nt français fait une retenue sur le dividende d’environ 30%. Pour nous, l’histoire en est vraiment une de gain en capital. Le dividende amène toutefois un plancher au prix auquel l’action pourrait reculer.

S.R – Le titre de BCE a corrigé dernièreme­nt. Pourquoi ne pas avoir choisi une télécom canadienne? D.O.

– Le cycle est différent chez nous. Les prix sont plus élevés au Canada et ça devient plus difficile de les augmenter. Ces prix élevés rendent les télécoms plus sensibles aux cycles économique­s. S’il y a récession, les consommate­urs pourraient tenter de chercher des forfaits moins chers. De plus, on ne sait pas si un concurrent ne pourrait pas se manifester à un moment où on ne l’attend pas. Le potentiel des télécoms canadienne­s est aussi moins grand. Orange, par exemple, est présente en Afrique et au Moyen-Orient. C’est un volet de croissance que Telus ou Bell, qui sont concentrée­s au Canada, n’ont pas.

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Daniel Ouellet travaille dans l’industrie depuis 1998. Fondé avec son associé Jonathan Bolduc en 2001, le Groupe Ouellet Bolduc gère un actif d’environ 850 M$.

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