TOURS DE BUREAUX: RISQUE - T - ON LA SUROFFRE?
Principaux projets d’immobilier commercial (nombre d’étages total)
À Montréal, le secteur de l’immobilier commercial connaît un très fort regain d’activité. Découvrez quels sont les projets en cours, et s’il y a lieu de s’inquiéter d’une telle effervescence.
À n’en pas douter, le secteur de l’immobilier commercial connaît une période de grande activité. Après la construction de dizaines d’hôtels et de complexes de condominiums, les projets de nouvelles tours de bureaux au centreville de Montréal se multiplient.
Des centaines d’étages, des millions de pieds carrés de surface bétonnée… C’est par dizaines que les projets de construction de tours de bureaux sont attendus pour le centre-ville et sa périphérie dans les prochaines années.
Si certains édifices, comme l’Îlot Balmoral (prochain siège de l’Office national du film), accueilleront les travailleurs dans les prochaines semaines, d’autres mettront encore quatre ou cinq ans avant de pouvoir en faire autant.
C’est le cas du projet phare de construction du nouveau siège social de la Banque Nationale. Ce projet de 36 étages et d’un demi-milliard de dollars d’investissement, attendu « si tout va bien » pour 2022, symbolise à lui seul la confiance qui règne présentement dans l’industrie immobilière, gonflée à bloc par une croissance économique soutenue.
25 ans avant l’excitation
Jean Laurin, président de la firme immobilière Devencore, participe à ce vent de confiance. « Nous vivons de belles années, confirme-t-il. L’économie va bien, les demandes d’espaces de bureaux sont au rendez-vous. Et après des années à garder leurs projets dans des cartons, les investisseurs se remettent à construire. C’est excitant. C’est un signal positif pour la métropole. »
Il faut comprendre que cette effervescence survient après deux décennies de vaches maigres dans l’immobilier commercial montréalais. Avant que la Tour Aimia (35 étages) ne s’élève, il y a un peu plus de trois ans, à l’extrémité nord du Square Victoria, Montréal n’avait pas assisté à la construction de tels nouveaux immeubles de bureaux depuis 25 ans, note le patron de Devencore.
De fait, les constructions de la tour emblématique du 1000 de la Gauchetière (51 étages), du gratte-ciel de style néomoderne du 1250, boulevard René-Lévesque Ouest (47 étages), ou encore du Centre du commerce mondial de Montréal (522000pieds carrés sur dix étages) datent toutes d’avant la première moitié des années 1990.
Depuis, le marché du bureau a repris du mieux. À la faveur d’une succession d’années de croissance sont apparues, ces dernières années : la Tour Deloitte, un édifice de 500000 pieds carrés sur 26 étages, voisin de la Gare Windsor; L’Avenue, une tour de 50 étages à usage mixte, dont 80000 pieds carrés de bureaux; et la Maison Manuvie, une nouvelle tour de 27 étages (470000 pieds carrés) située au 900, boulevard De Maisonneuve Ouest.
Au total, c’est donc un peu plus d’un million de pieds carrés d’espaces qui se sont ajoutés à l’offre de bureaux du seul quartier des affaires de Montréal en un peu plus de deux ans (entre septembre 2015 et décembre 2017).
Pas encore d’inquiétude
C’est beaucoup. Néanmoins, le risque de suroffre ne semble pas encore inquiéter les experts. Bien au contraire, assure Avi Krispine, vice-président exécutif et directeur général des activités de la société immobilière CBRE au Québec. L’expert de son secteur se dit encore « très confortable » avec les taux d’inoccupation que présente le marché montréalais du bureau à l’heure actuelle.
Selon les dernières données compilées par CBRE, le quartier des affaires de Montréal affiche un taux d’inoccupation de 9,5 %, en légère baisse sur un an. Les immeubles de prestige, de catégorie A, qui comptent pour la moitié des quelque 45 millions de pieds carrés de bureaux du centreville, affichent un taux de vacance de 8,3 %, tandis que les édifices de catégorie B composent avec des taux d’inoccupation de 11,1 %.
La demande est au rendez-vous. Même que, selon Colliers International, une autre firme immobilière, il s’est loué pour 1,3 million de pieds carrés de bureaux depuis juillet dernier à Montréal.
Ce qui affecte le marché actuellement est la rareté des grands blocs d’espace capables de répondre aux besoins d’entreprises à la recherche de cinq à six étages de bureaux contigus, soutient Jean Laurin, de Devencore.
De fait, le centre-ville ne compte que de trois à quatre immeubles pouvant offrir de 50000 à 100000 pieds carrés d’espaces de bureaux contigus, et guère plus pour les locaux apparemment très populaires de 100000 pieds carrés et plus, confirme Avi Krispine. « Dans un tel contexte, analyse-t-il, je vous dirais que toute nouvelle annonce de construction est encore très bienvenue. »
Et ce n’est pas fini
Cela tombe bien, puisque les projets en construction ou en cours de réalisation ne manquent pas au centre-ville. Dans les prochaines semaines, une nouvelle tour de 13 étages (280000 pieds carrés), baptisée l’Îlot Balmoral, ouvrira dans le Quartier des spectacles. Dans le même secteur, rue Sainte-Catherine Ouest, le projet mixte du Carré Saint-Laurent (dont 150000 pieds carrés de bureaux) s’ajoutera à l’offre actuelle.
De plus, avant que le nouveau gratte-ciel de 36 étages (1,1 million de pieds carrés) de la Banque Nationale ne soit terminé en 2022, rue Saint-Jacques, les studios de Télé-Québec seront convertis en bureaux pour accueillir un millier de fonctionnaires, Radio-Canada aura intégré ses nouveaux locaux de 418000 pieds carrés (en 2020) aux abords du pont Jacques-Cartier, et le Victoria sur le parc, projet mixte mené par Broccolini, offrira 330000 pieds carrés de bureaux supplémentaires.
Cela va sans compter la conversion en bureaux du 1100 Atwater (174000 pieds carrés) et le retour sur le marché de la location de 21 étages de bureaux (225000 pieds carrés) de l’édifice de la Standard Life, et de vastes locaux du 2 000, rue Mansfield, laissés vacants à la suite de l’ouverture de la Maison Manuvie, sa voisine.
Enfin, c’est aussi pendant cette période que les prochains propriétaires du 600, rue De La Gauchetière Ouest, chercheront preneurs pour les 28 étages (713000 pieds carrés) que quittera la Banque Nationale une fois ses nouveaux quartiers livrés, que le Groupe Mach tentera d’occuper la tour de 25 étages que Radio-Canada libérera dès 2020, et que Carbonleo, promoteur de Royalmount, sera prêt à écouler ses premiers espaces de bureaux (250000 pieds carrés).
Risque de surchauffe à l’horizon?
Faut-il se réjouir d’autant d’activités? Ou faudrait-il au contraire davantage s’en inquiéter? Combien de nouvelles tours de bureaux pourront ainsi encore être érigées? Surtout, pendant combien de temps encore l’économie de la métropole saura-t-elle encore en absorber avant de poser le genou?
À ce sujet, Sylvain Cossette, président et chef de la direction de Cominar, exprimait publiquement au printemps dernier que si la situation risquait d’être bénéfique pour Montréal à long terme, à plus court terme, ces nouvelles constructions risquaient peut-être de créer des hausses de taux de vacance et une pression à la baisse sur les prix de location.
Déjà, le Fonds immobilier FTQ confirmait en octobre que la société Canderel, impliquée depuis 2013 dans le projet de construction de deux immeubles de bureaux de 16 et de 30 étages, pour plus d’un million de pieds carrés à l’angle des rues Sainte-Catherine et De Bleury, s’était complètement retirée du projet. Est-ce que la crainte d’une éventuelle offre excédentaire expliquerait ce revirement?
Comme le PDG de Cominar, Sylvain Leclair, vice-président exécutif du Groupe Altus, reconnaît que la construction d’un trop grand nombre d’immeubles de bureaux sur une courte période pourrait poser problème pour les propriétaires, qui risquent de se retrouver avec un taux d’inoccupation trop élevé.
De son point de vue, toutefois, si la croissance économique de Montréal se maintient au niveau actuel, avec des taux d’absorption inchangés d’ici 2022, l’offre qui se profile devrait demeurer raisonnable. D’autant qu’il qualifie le marché montréalais de « discipliné », exempt, en quelque sorte, d’investisseurs voyous, construisant les yeux fermés, sans égards aux conditions de marché.
Les choses ne furent pas toujours ainsi, se souvient-il. « Tout est tombé à la fin des années 1980 et au début des 1990. À cette époque, où sont apparus en même temps sur le marché le 1000 de la Gauchetière et le 1250, boulevard René-Lévesque Ouest, on s’arrachait des locataires à coups de réductions. »
Le temps de rénover
En attendant, d’aucuns sont d’avis que cette vague de nouvelles constructions forcera les propriétaires d’immeubles actuels à adapter leur offre en fonction des nouveaux besoins de locataires, qui ont souvent peu à voir avec ceux d’il y a 30 ou 40 ans.
La pression sur les propriétaires devient réelle, explique le vice-président exécutif du Groupe Altus. En particulier pour les édifices plus âgés ou de catégorie B et C, aux taux de vacance généralement plus élevés. Toutefois, encore peu d’investisseurs ou propriétaires semblent prêts à consacrer les sommes nécessaires à leur remise à niveau, notait récemment la société immobilière Colliers International dans un rapport de marché.
Au-delà des avancées technologiques, les propriétaires doivent s’ajuster aux nouvelles tendances et aux besoins nouveaux des entreprises, aux prises avec des difficultés grandissantes de pénurie et de rétention de main-d’oeuvre. Dans ce contexte, le bien-être des employés de leurs locataires prend une importance capitale.
On aménage désormais des vestiaires, des douches, des casiers climatisés dans les nouvelles tours du centre-ville. Dans la nouvelle Maison Manuvie, inaugurée en décembre dernier, le vestiaire attenant à l’aire sécurisée de stationne- ment pour 130vélos, au rez-de-chaussée, est digne des clubs de conditionnement physique des hôtels du centre-ville.
D’autres aménagent des bars expressos et des salles de détente, modernisent leurs ascenseurs, réservent des espaces pour les voitures en autopartage, s’équipent de bornes pour véhicules électriques, en plus de construire de toujours plus longs corridors pour rejoindre les différentes options qu’offre le réseau de transport souterrain.
Et l’effort semble porter ses fruits. Les rénovations en cours de la Place Ville Marie auront permis à Ivanhoé Cambridge, filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec, d’attirer en ses murs de nouveaux locataires tels que Sid Lee, l’agence de création, et WeWork, la tout aussi connue société de coworking.
Ivanhoé Cambridge, comme tous les acteurs de l’industrie, espère que les améliorations locatives en cours lui permettront d’attirer d’autres entreprises de nouvelle génération, comme dans l’industrie des technologies et de l’intelligence artificielle, d’ordinaire plus fortement concentrées dans les quartiers périphériques des centres-ville, comme le Mile-Ex ou Pointe-Saint-Charles.
Au final, Jean Laurin, un doyen de l’industrie, se fait rassurant. « Une fois que les immeubles sont construits, les choses finissent toujours par s’arranger, dit-il. Vous savez, l’immobilier se comporte souvent comme de l’eau. Un jour ou l’autre, on finit toujours par occuper tout l’espace offert. » la
Une des grandes difficultés de développement de l’immobilier de bureaux à Montréal est que plusieurs de ses industries parmi les plus dynamiques, comme celles liées aux technologies et à l’intelligence artificielle, semblent bouder les tours de son centre-ville.
S’il n’y a pas de mot d’ordre officiel en ce sens dans le milieu, tous les spécialistes de l’immobilier commercial observent qu’une vaste part du développement de bureau ces dernières années, s’est fait en périphérie, parfois même aux dépens du quartier des affaires.
Depuis l’implantation à Montréal du géant français Ubisoft dans une ancienne manufacture du quartier Mile-End, il y a une quinzaine d’années, le mouvement vers les quartiers périphériques ne s’est jamais estompé, confirme Martin Galarneau, associé de TGTA, une des sociétés immobilières les plus actives dans ce créneau par les temps qui courent.
Tablant sur cette tendance, l’entreprise a acheté, il y a quelques années, deux édifices d’une ancienne manufacture de textile, située rue Saint-Urbain, en périphérie de la Petite-Italie, un ancien secteur industriel maintenant baptisé le Mile-Ex (en raison de sa localisation entre le Mile-End, au sud, et Parc-Extension, au nord).
Le moins qu’on puisse dire est que TGTA a eu du flair. Aujourd’hui, ses deux bâtiments de 400000 pieds carrés sont loués à pleine capacité par des entreprises parmi les plus en vue de la métropole. Parmi elles, la société Element AI, leader dans l’industrie de l’intelligence artificielle, Behaviour Interactive, spécialisée dans la concep- tion de jeux vidéos, et Rogue Research, active dans la neuroscience. Behaviour Interactive a été l’une des premières à s’installer dans cet édifice de la rue Saint-Urbain, aujourd’hui baptisé O Mile Ex. Pour ce faire, l’entreprise a dû se résigner à quitter les bureaux qu’elle occupait en plein centre-ville, boulevard De Maisonneuve Ouest.
« Ça n’a pas été facile, reconnaît son président Rémi Racine. Nous cherchions des bureaux de 40 000 à 50000 pieds carrés à proximité ou connectés à la ligne verte du métro. Mais on ne trouvait pas. Tout ce qu’on nous offrait, c’était des espaces répartis sur plusieurs étages. C’est là que nous nous sommes tournés vers le Mile-Ex et que nous avons eu un coup de coeur pour l’édifice, puis pour le quartier. »
Les quartiers périphériques de Montréal, accessibles autant en vélo qu’en métro, tout en offrant un lieu de vie urbain intéressant et abordable pour les travailleurs qui souhaiteraient s’y établir, ont actuellement la cote, confirme Sylvain Leclair, vice-président du Groupe Altus.
« Ces espaces manufacturiers des midtowns qu’on convertit en bureaux (avec murs de briques, grandes fenêtres et vieux planchers de bétons polis) plaisent beaucoup aux créateurs des industries du numérique et de l’intelligence artificielle. Il n’y a aucun doute, ces milliers de travailleurs contribuent à la renaissance de plusieurs de ces quartiers. »
Le Mile-End, le Mile-Ex, Saint-Henri et Pointe-Saint-Charles ont tous bénéficié de l’intérêt de ces acteurs du nouvel écosystème économique montréalais. On pense ici aux concepteurs de jeux vidéo (Ubisoft, Behaviour, Gameloft, etc.), aux spécialistes d’effets visuels (Moment Factory, Rodeo FX, Reel FX, etc.) et aux chercheurs de la grappe de l’intelligence artificielle (IA).
Il y a quelques semaines, par exemple, c’était au tour de la multinationale Airbnb d’annoncer le déménagement de plus de 300 employés de sa filiale Luxury Rereats dans un nouvel édifice de six étages (150000 pieds carrés), encore à construire entre deux anciennes manufactures de Pointe-Saint-Charles, sur le bord du canal de Lachine. De quoi, là encore, transformer le sort d’un quartier longtemps délaissé.
Outre la nécessité de dénicher un espace contigu de 100000 pieds carrés, la qualité de vie et la proximité des universités ont joué dans la décision de l’Institut québécois d’intelligence artificielle (Mila) de déménager aussi dans le Mile-Ex au cours des prochaines semaines, a expliqué son porte-parole, Vincent Martineau. « Mais je ne vous cacherai pas que la possibilité de créer ici un écosystème où la plupart des acteurs de l’IA seraient regroupés a également joué fortement dans ce choix. »
D’ailleurs, l’arrivée du Mila dans le quartier sera rapidement suivie par d’autres. Et non les moindres. Microsoft, notamment, a décidé d’implanter son nouveau laboratoire de recherche en IA tout près, rue Marconi, à quelques rues voisines seulement.
Refusant de jeter la serviette devant une tendance qui semble jouer contre les immeubles du centre-ville, Jean Laurin, président de Devencore, tâche de se faire philosophe. « Avant, les entreprises quittaient le centre-ville pour s’installer en banlieue: Île-des-Soeurs, Longueuil ou Laval. Aujourd’hui, lorsqu’elles quittent, c’est pour s’installer à mi-chemin, dans des quartiers qui, sans être près, ne sont pas non plus éloignés. On peut au moins se réjouir qu’elles ne quittent plus l’île de Montréal. » – Martin Jolicoeur
Lire aussi : notre dossier « Les grands de l’immoblier » en page 20
Au cours des dernières années, bon nombre d’entreprises et d’institutions québécoises ont remplacé leurs appareils d’améliorer leur performance énergétique et réaliser d’importantes économies, elles doivent maintenant explorer de nouvelles SYSTÈME DE GESTION D’ÉNERGIE CAPTEURS SOLAIRES THERMIQUES POUR PROFITER DU PROGRAMME