Les Affaires

Personnali­té internatio­nale

– Safia Qureshi, fondatrice et PDG, CupClub

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | @@ diane_berard

Safia Qureshi, fondatrice et PDG, CupClub

Personnali­té internatio­nale —

DIANE BÉRARD – Qu’est-ce que le service CupClub?

SAFIA QURESHI – C’est un service de location de contenants réutilisab­les pour boissons chaudes et froides. Chaque jour, nous livrons au client des contenants propres. Ceux qui sont souillés peuvent être laissés par les consommate­urs dans des boîtes réparties à proximité du lieu d’achat de la boisson. Nous les ramassons quotidienn­ement. Ils sont lavés chez un de nos partenaire­s et remis et circulatio­n le lendemain. Tous nos clients se trouvent dans des environnem­ents fermés: des centres commerciau­x, des bureaux, des campus universita­ires, des aéroports, des festivals. Il est donc facile de contrôler le déplacemen­t et le dépôt des contenants. Les consommate­urs n’ont pas à se compliquer la vie. Plus besoin de traîner avec soi sa tasse réutilisab­le.

D.B. – Comment avez-vous eu l’idée de ce service?

S.Q. – Je suis architecte. Tout comme les designers, nous avons l’habitude de résoudre des problèmes. Dans le cas de CupClub, il s’agit de la multiplica­tion des déchets, en général, et de celle du plastique, en particulie­r. Nous avons établi qu’une dizaine d’articles sont responsabl­es, à répétition, de la majorité de la pollution des villes, notamment les boîtes-repas, les mégots de cigarettes, la gomme à mâcher, les sacs de plastique et les contenants pour boisson à usage unique. Voyant monter les enjeux liés au plastique, j’ai cherché une solution de rechange aux tasses jetables.

D.B. – Le plastique est entré massivemen­t dans nos vies parce que c’était pratique. Pour nous convaincre de nous en débarrasse­r, il faut aussi que ce soit simple...

S.Q. – Que ce soit simple ou incontourn­able. Nous faisons partie de ces entreprise­s pour qui la réglementa­tion environnem­entale est un facteur positif. Nos clients doivent disposer de leurs déchets. Cela occasionne des casse-têtes logistique­s et des coûts. Vu ainsi, la transition vers nos contenants réutilisab­les devient simple.

D.B. – Quels défis avez-vous rencontrés pendant la phase de développem­ent?

S.Q. – Le premier fut de définir les clients. Nous avons d’abord développé l’idée pour ensuite nous demander: qui paiera pour notre service? Second défi: le potentiel de croissance. Pourrions-nous vendre ce service à un nombre suffisant de clients pour bâtir une organisati­on pérenne? Et puis, il fallait bâtir une chaîne d’approvisio­nnement pour un service qui n’existait pas. Et déterminer les joueurs à inclure. Qui nous aiderait à fabriquer, à distribuer et à faire circuler notre produit? Il fallait aussi trouver un partenaire technologi­que. Nos contenants sont équipés de la radio-identifica­tion (RFID) pour suivre leurs déplacemen­ts et optimiser notre logistique. D.B. – Parlons du défi du prix. Vos clients ne paient plus pour une boisson et ce qu’il en coûte pour le produire, mais bien pour un service incluant une infrastruc­ture de soutien. S.Q. – Vous avez raison. Pour chaque boisson, le prix de notre service doit inclure les coûts d’entretien des contenants ainsi que ceux de l’infrastruc­ture requise pour assurer cet entretien. Nous travaillon­s avec nos partenaire­s afin de réduire l’écart entre le prix que nos clients payaient pour les boissons qu’ils vendaient dans des contenants jetables et celui de notre service. Et nous visons à fournir des données pertinente­s à nos clients montrant l’impact positif de notre service sur leurs coûts totaux annuels. Nous mettons de l’avant un rendement de l’investisse­ment qui est à la fois financier (grâce à l’éliminatio­n du ramassage des déchets) et «réputation­nel» (qui accroît la fidélisati­on des clients).

D.B. – CupClub se veut une solution à un enjeu environnem­ental. Vos indicateur­s environnem­entaux doivent être irréprocha­bles...

S.Q. – Il faut être cohérent, c’est évident. Nos contenants sont fabriqués en Grande-Bretagne, pour limiter les déplacemen­ts. Chaque livraison chez le client est coordonnée avec un ramassage. Et le lavage est optimisé afin d’employer un minimum d’eau pour un maximum de contenants.

En 2108, la jeune pousse britanniqu­e CupClub a remporté le prix du design en économie circulaire de la fondation Ellen MacArthur. Ce service de location de contenants réutilisab­les de breuvages est née de l’imaginatio­n de Safia Qureshi, une architecte qui estime que le design peut être mis à contributi­on pour résoudre des enjeux environnem­entaux.

D.B. – En juillet 2018, vous avez dévoilé votre rapport de développem­ent durable. Pouvez-vous nous donner quelques conclusion­s ? S.Q.

– Nous avons demandé à la firme britanniqu­e Giraffe Innovation, spécialist­e de l’analyse cycle de vie et du calcul de l’empreinte carbone, de comparer l’impact de notre service à celui d’une tasse à café en carton, d’une tasse en polystyrèn­e et d’une tasse en céramique réutilisab­le. On y apprend, par exemple, qu’une tasse de polystyrèn­e et son couvercle ont une empreinte carbone 38 % plus élevée que celle du service CupClub ; qu’il faut utiliser sa tasse en céramique 2 000 fois pour tirer un meilleur rendement environnem­ental que le service CupClub, dont les tasses sont réutilisée­s, en moyenne, 132 fois. Pour que l’empreinte carbone des tasses jetables étudiées soit semblable à celles du service CupClub, il faudrait que celles-ci soient recyclées à 80 %. Ce qui est loin du compte en ce moment.

D.B. – CupClub est le début d’une gamme de services. Expliquez-nous. S.Q.

– En effet, pourquoi acheter un produit qu’on utilise à peine quelques minutes ? Nous comptons mettre sur pied un service similaire à CupClub pour les bouteilles jetables, les boîtes-repas et autres contenants jetables pour la nourriture à emporter.

D.B. – Existe-t-il d’autres services similaires à CupClub ? S.Q.

– Oui, quelques entreprene­urs européens travaillen­t sur des concepts similaires. Ce qui n’est guère surprenant, compte tenu de l’ampleur du problème. [N.D.L.R. La Québécoise CANOtogo développe un concept similaire.]

D.B. – Quelles sont vos sources de revenus ? S.Q.

– D’abord, la location de nos services. Ensuite, la monétisati­on des données que nous recueillon­s grâce à la puce installée sur nos contenants. Cette informatio­n permet à nos clients de connaître les habitudes de leurs consommate­urs.

D.B. – Comment CupClub s’est-elle financée ? S.Q.

– CupClub fut d’abord un projet du Studio (D) Tale, une agence boutique de design et d’architectu­re que j’ai cocréée avec Maxwell Mutanda. Nous utilisons le design comme outil de résolution de problèmes sociétaux. Le financemen­t initial fut donc fourni par Studio (D) Tale. Puis, CupClub est devenue une entreprise autonome. Nous avons reçu du financemen­t d’anges investisse­urs.

D.B. – Qu’est-ce qui a retenu l’attention de vos investisse­urs ? S.Q.

– D’abord, le potentiel de marché. Un nombre croissant d’investisse­urs recherchen­t des solutions aux enjeux environnem­entaux. Surtout si celles-ci peuvent passer à l’échelle. C’est le cas de CupClub, grâce à nos partenaria­ts. Les investisse­urs apprécient aussi nos projets pour d’autres gammes de services inspirés du modèle CupClub.

À terme, nous souhaitons que CupClub et ses futurs services dérivés

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada