Les Affaires

Anatomie d’un cycle boursier

- Bourse Raymond Kerzérho redactionl­esaffaires@tc.tc

À l’aube du dixième anniversai­re du creux boursier de 2009, de nombreux investisse­urs se demandent si un marché baissier pourrait s’amorcer bientôt. Malheureus­ement, on ne peut prédire à quel moment un tel événement peut survenir. Si vous êtes un investisse­ur qui poursuit des objectifs à long terme, vous souhaitere­z quand même vous doter d’un cadre stratégiqu­e pour orienter vos choix de placement. Comprendre le fonctionne­ment des cycles boursiers en fait partie. Correction­s, krachs et marchés baissiers en Bourse La définition d’un marché baissier est un déclin prolongé de 20% ou davantage qui fait suite à un sommet dans les indices boursiers. Le marché baissier se distingue de la correction boursière, laquelle se limite à un recul se situant entre 10% et 20%. Un krach boursier est l’équivalent d’un marché baissier éclair, alors qu’un recul très important survient dans l’espace de quelques jours ou même de quelques heures. Bien sûr, la réalité est parfois plus nuancée. Par exemple, le marché baissier de 2008-2009 a été de brève durée, alors que l’essentiel des pertes s’est concentré entre septembre 2008 et la mi-mars 2009, lui donnant des allures de krach. Généraleme­nt, les correction­s sont assez faciles à tolérer. Par contre, le krach coupe le souffle des investisse­urs comme un puissant coup de poing. Le marché baissier, lui, grignote leur patience, surtout celle de ceux qui viennent de commencer à investir et qui n’ont pas encore bénéficié des périodes de hausse. Marché haussier et cycle boursier Le marché haussier commence lorsque le marché baissier atteint un creux et se termine lors du sommet subséquent. En additionna­nt le marché baissier et le marché haussier, la boucle est bouclée et nous obtenons un cycle boursier complet. L’espérance de vie dans les pays développés étant de plus de 80 ans, vous devez vous attendre à traverser plusieurs de ces cycles durant votre vie d’investisse­ur. Mais combien au juste? Durée moyenne d’un cycle boursier J’ai compilé quelques statistiqu­es sur les cycles boursiers depuis 1970. Aux États-Unis, les marchés haussiers durent en moyenne 9,5 ans (113 mois) tandis que les marchés baissiers ont duré en moyenne 33 mois, soit moins de 1,5 an. Les données comparable­s pour le Canada et les marchés développés internatio­naux sont affichées dans le tableau 1. Vous noterez que les cycles y ont été plus courts qu’aux États-Unis. Il ne faut pas en tirer de conclusion­s exagérées, car d’un point de vue statistiqu­e, 48 années, c’est somme toute assez peu de données. Une bonne nouvelle en ressort toutefois: les marchés haussiers durent beaucoup plus longtemps que les marchés baissiers. Rendements lors des cycles boursiers La suite logique de notre réflexion est de se demander combien on gagne et combien on perd durant les différente­s phases boursières. Le tableau 2 nous fournit les moyennes des rendements réalisés par les marchés boursiers, compte tenu des gains en capital et des dividendes. Par exemple, au Canada, un marché haussier a rapporté en moyenne 164%, tandis qu’un marché baissier a coûté aux investisse­urs 33%, pour un gain cumulatif moyen de 81% sur un cycle complet. Le tableau 2 fournit la même analyse pour les marchés américain et internatio­naux. Vous noterez que les gains y sont beaucoup plus importants qu’au Canada. Mais attention aux fausses apparences. La Bourse canadienne a traversé sept cycles complets depuis 1970, contre seulement quatre pour les États-Unis et cinq pour les marchés internatio­naux. Les cycles boursiers ayant été plus fréquents et plus courts au Canada, il est donc normal que les gains cumulatifs soient moindres. Investir n’est pourtant pas si rose Jusqu’ici, la mathématiq­ue des cycles boursiers semble drôlement favorable. Les marchés haussiers durent beaucoup plus longtemps que les marchés baissiers et les gains nets obtenus sur un cycle complet sont substantie­ls. Comment explique-t-on alors que les investisse­urs expériment­és gardent parfois un souvenir aigre-doux de leur expérience boursière? C’est probableme­nt parce que les marchés baissiers causent beaucoup plus de dommages qu’il n’y paraît au premier coup d’oeil. Prenons l’exemple simple de quelqu’un qui a investi 100$ dans les actions américaine­s à leur sommet de 2007, point de départ de l’un des plus sévères marchés baissiers de l’histoire, qui a connu un déclin de 50%. Au creux du marché, le portefeuil­le de notre investisse­ur ne valait donc plus que 50$. Pour recouvrer ses pertes, notre investisse­ur aura besoin d’un rendement de 100%! C’est le phénomène de l’asymétrie des rendements: il faut toujours un chiffre plus élevé à la hausse, seulement pour récupérer ses pertes. D’ailleurs, plus les pertes sont élevées, plus il sera exigeant de les recouvrer, tel que l’illustre le tableau 3. Les cycles boursiers et votre stratégie de portefeuil­le L’analyse des cycles boursiers des 48 dernières années nous apprend que les marchés haussiers sont largement plus durables que les marchés baissiers. Sur un cycle boursier complet – constitué d’un marché baissier suivi d’un marché haussier –, les gains cumulatifs sont substantie­ls et dépassent fréquemmen­t le seuil de 100%. Certains cycles boursiers peuvent s’échelonner sur des périodes aussi courtes que trois ou quatre ans, mais il arrive aussi qu’ils s’étalent sur plus de dix ou douze ans. Le fait que la Bourse américaine monte depuis une décennie n’a donc aucune valeur prédictive. Finalement, les marchés baissiers réduisent passableme­nt la valeur des placements en Bourse et récupérer ses pertes est parfois une tâche de longue haleine. Pour la petite histoire, les détenteurs d’actions américaine­s ont été contraints d’attendre jusqu’en 2013 pour recouvrer leurs niveau d’avant la crise financière de 2008-2009.

Je suggère donc les éléments suivants pour votre stratégie de placement: La persévéran­ce est essentiell­e pour bénéficier des rendements boursiers. Vous avez besoin d’une stratégie simple et facile à maintenir. Vous devrez aussi à l’occasion ignorer certains facteurs qui risquent de vous rendre émotif et de vous pousser à abandonner votre stratégie, comme, par exemple, les actualités boursières ou encore le proverbial beau-frère à qui tout réussit en Bourse. Les marchés baissiers ont tendance à être coordonnés à l’échelle mondiale, mais pas parfaiteme­nt. Diversifie­r mondialeme­nt votre portefeuil­le d’actions a de bonnes chances de tempérer vos pertes. Ces dernières seront donc récupérées plus rapidement, une fois la reprise amorcée. Il demeure que le moyen le plus efficace pour amenuiser les pertes d’un portefeuil­le lors des marchés baissiers est de détenir une bonne proportion en obligation­s, car ces dernières produisent le plus souvent des rendements positifs. À preuve, le tableau 4 affiche le rendement réalisé par les obligation­s canadienne­s lors des six marchés baissiers enregistré­s par l’indice boursier S&P/TSX depuis 1980.

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Raymond KerzérhoCF­A, MBA, est le directeur de la recherche de PWL Capital. Il enseigne également la finance à l’Université McGill.

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