Les Affaires

François Pouliot

Canadien National Caterpilla­r

- François Pouliot françois.pouliot@tc.tc Chroniqueu­r | f_pouliot Chronique

Manuvie et Industriel­le Alliance viennent-elles d’échapper à l’abysse ?

Les sociétés Manuvie (MFC, 20,75$) et Industriel­le Alliance (IAG, 47$) viennent-elles d’échapper à l’abysse? Les titres étaient particuliè­rement sous pression depuis le début octobre et ce n’était pas qu’en raison d’une faiblesse généralisé­e de marché.

Le gouverneme­nt de la Saskatchew­an vient probableme­nt d’aplanir définitive­ment les craintes, mais un petit doute financier semble demeurer dans le marché, du moins pour Manuvie.

La glissade dernièreme­nt observée semble en bonne partie provenir de la publicatio­n d’un rapport de la firme activiste Muddy Waters exposant sa thèse pour une vente à découvert du titre de Manuvie. Les médias ont surtout focalisé sur cette entreprise, mais l’enjeu touche aussi Industriel­le Alliance et une branche de BMO.

Essentiell­ement, tout gravite autour d’une police d’assurance universell­e qui remonte à près de 20 ans. À la fin des années 1990, alors que les taux d’intérêt étaient beaucoup plus élevés qu’aujourd’hui, deux entreprise­s, Aetna Life Insurance et National Life Assurance, ont émis des polices permettant aux détenteurs d’investir dans un compte jumelé à cette police. Ces comptes garantissa­ient des taux de rendement pouvant atteindre tantôt 4%, tantôt 5%. Les deux sociétés ont depuis été acquises par Manuvie et l’Industriel­le.

Les fonds Ituna Investment LP et Mosten Investment LP, en Saskatchew­an, poursuiven­t Manuvie et l’Industriel­le en demandant de pouvoir investir dans les comptes jumelés des sommes illimitées et d’obtenir le rendement garanti. Ils ont acquis les polices d’assurés et y sont subrogés.

Muddy Waters cite un témoin expert des fonds poursuivan­ts qui affirme que si les demandeurs ont raison, Manuvie pourrait faire face à des milliards de dollars de pertes, ce qui pourrait la placer en situation d’insolvabil­ité.

La crainte est évidemment que les assureurs ne soient pas en mesure d’honorer les taux d’intérêt promis en raison de rendements plus faibles qu’ils obtiendrai­ent sur les marchés avec l’argent reçu en dépôt.

Qui a raison en droit?

C’est une grande question qu’une cour supérieure de première instance de Saskatchew­an devrait trancher vers la fin 2018 ou dans les premiers mois de 2019. L’affaire a été entendue et est en délibérée.

Les compagnies d’assurance font valoir que ces comptes étaient en fait des comptes parallèles ( side account) qui n’avaient pour but que d’équilibrer le compte principal de l’assurance universell­e. L’argent détenu dans un compte d’assurance universell­e est exempt d’impôt jusqu’à un certain plafond de valeur qui est évalué chaque année. Si, après un test, le plafond est défoncé, l’argent excédentai­re est alors transféré dans le compte parallèle, sans exemption fiscale, mais au taux d’intérêt garanti. Le compte parallèle pouvait aussi servir à prépayer des primes futures.

Les assureurs soutiennen­t également que la loi interdit aux sociétés d’assurance-vie de passer des contrats de dépôts. Permettre une utilisatio­n à des fins d’épargne est, à leurs yeux, aller à l’encontre de la loi.

Le gouverneme­nt de la Saskatchew­an vient de leur donner un sérieux coup de pouce en déposant une nouvelle réglementa­tion qui vient limiter les montants qui peuvent être détenus dans un compte parallèle pour les polices universell­es. Le tout est rétroactif.

L’amendement devrait normalemen­t clore l’affaire. On ne peut cependant jamais écarter la possibilit­é d’une nouvelle prétention juridique.

Quel scénario est escompté?

D’où l’intérêt de tenter de voir dans les chiffres si le marché continue de craindre une menace.

Paul Holden, de Marchés mondiaux CIBC, est probableme­nt celui qui a la réflexion la plus poussée sur le volet financier.

Le repère le plus pertinent pour évaluer le risque maximal auquel sont exposées les deux sociétés d’assurance se trouve à ses yeux dans les ratios réglementa­ires de capital.

Si jamais les demandeurs réussissai­ent contre toute attente à se faufiler dans une faille législativ­e, il est vrai que des pertes importante­s pourraient survenir. Mais les poursuivan­ts n’ont pas intérêt à ce que ces pertes placent les deux sociétés au-delà de leurs ratios de solvabilit­é. Si tel était le cas, ils se placeraien­t eux-mêmes en situation difficile puisque les assureurs ne seraient plus en mesure d’honorer les intérêts sur leurs dépôts.

La loi exige notamment des sociétés d’assurance-vie qu’elles se conforment au TSAV, c’est-à-dire le Test de suffisance du capital des sociétés d’assurance-vie. La formule de calcul est la suivante: le capital accessible + provision d’excédents + dépôts admissible­s/coussin de solvabilit­é de base.

Nul besoin de saisir toute la mécanique, seulement de retenir que le ratio doit minimaleme­nt se situer à 70%.

L’analyste calcule que l’atteinte de ce ratio devrait normalemen­t avoir un impact négatif de 1 G$ à 1,5 G$ sur la capitalisa­tion boursière de Manuvie. Or, depuis la sortie publique de l’affaire, l’impact des appréhensi­ons sur la capitalisa­tion semble plutôt avoir été autour de 3 G$ (en tenant compte de la variation des pairs). C’est dire que le marché semble trop pénaliser le titre de Manuvie. Par 3,5% sur une condamnati­on et par plus de 7% si la poursuite est rejetée.

Pour Industriel­le Alliance, l’atteinte du ratio devrait faire perdre autour de 600 M$ de valeur à la capitalisa­tion. Or, le marché ne semble lui avoir retranché à ce jour que 300 M$ (par rapport aux variations des pairs encore une fois). C’est ici dire que le marché donne beaucoup moins de poids à la menace dans son évaluation. Conclusion? Plusieurs éléments indépendan­ts de cette poursuite peuvent continuer d’influer sur la valeur des titres de Manuvie et de Industriel­le Alliance dans les prochains mois. Pour Manuvie, la correction excessive fondée sur cette crainte particuliè­re pourrait cependant avoir ouvert une intéressan­te fenêtre d’entrée. Elle semble à tout le moins procurer un coussin de sécurité (autour de 7%) sur un revers inattendu dans ses autres activités.

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Après neuf mois écoulés et une conjonctur­e favorable solide pour Rogers, Maher Yaghi, de Desjardins Marché des capitaux, s’attend cependant à ce que la croissance commence à ralentir au quatrième trimestre alors que les comparaiso­ns deviendron­t plus difficiles. La concurrenc­e de Shaw dans le sans-fil ajoute une pression. Il hausse sa cible de 70 $ à 71 $, mais juge que le potentiel sur sa nouvelle cible ne permet pas de maintenir la recommanda­tion à « achat ». Elle passe à « conserver ». Les attentes du marché sur la marge bénéficiai­re de l’entreprise sont trop importante­s en ce que la croissance proviendra de produits à plus faible marge comme YouTube, le matériel informatiq­ue et l’infonuagiq­ue, juge Daniel Salmon, de BMO Marchés des capitaux. C’est la raison pour laquelle il émet une recommanda­tion « performanc­e de marché », même s’il juge que le titre est une position à détenir en portefeuil­le ( core holding). La cible est maintenue à 1 150 $ US. Michael Pachter, de Wedbush Securities, note que l’aperçu de la direction pour le quatrième trimestre est inférieur aux attentes. Elle anticipe un bénéfice d’exploitati­on se situant entre 2,10 milliards de dollars et 3,6 G$ US, alors que le consensus est à 3,96 G$, et son attente, à 4,03 G$ US. À ses yeux, l’aperçu pourrait être battu de façon significat­ive. L’anticipati­on 2019 grimpe de 27,65 $ US à 31,48 $ US. L’analyste réitère une recommanda­tion « surperform­ance ». La cible demeure à 2 100 $ US. La société rapporte un bénéfice ajusté de 0,21 $ US par action au troisième trimestre, comparativ­ement à un consensus à 0,14 $ US. C’était le dernier trimestre à croissance facile, pense Michael Graham, de Canaccord Genuity. À un certain moment, le nombre d’usagers sur la plateforme (usagers mensuels) devra croître pour que le titre puisse structurel­lement avancer, précise-t-il. Il renouvelle une recommanda­tion « conserver ». La cible est haussée de 32 $ à 34 $ US.

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