Les Affaires

IA: quel type de société allons-nous bâtir ?

-

Courrier des lecteurs — L’intelligen­ce artificiel­le (IA) n’est plus de la science-fiction dans le domaine de la santé: elle fait partie du quotidien dans nos établissem­ents au Québec. L’analyse des données provenant des dossiers cliniques des patients, des technologi­es médicales et des objets de santé connectés est de plus en plus souvent utilisée par les médecins et les profession­nels pour traiter les maladies et améliorer la santé de la population. La prise de décision médicale et profession­nelle bénéficie de plus en plus des algorithme­s spécialisé­s.

Cette influence grandissan­te de l’IA ne se limite pas au secteur des soins. Elle représente de nouvelles méthodes de recherche et d’éducation pour les étudiants et les profession­nels, incluant les patients et la population. C’est pour cette raison que le CHUM et l’Université de Montréal ont créé l’École de l’intelligen­ce en santé. L’IA est aussi utilisée pour gérer les bâtiments hospitalie­rs, les équipement­s et les fourniture­s afin d’optimiser l’utilisatio­n des ressources.

Nous estimons aujourd’hui que 40% des activités de notre nouvel hôpital, le CHUM, qui est informatis­é et automatisé dans de nombreux secteurs, utilisent une forme plus ou moins développée d’intelligen­ce artificiel­le dans ses activités quotidienn­es. Ce chiffre devrait atteindre 100% dans trois ans. De façon plus générale, la progressio­n de l’IA dans le domaine de la santé et de l’éducation dans les cinq prochaines années représente­ra un marché de plusieurs milliards de dollars et son champ d’applicatio­n sera mondial. C’est pourquoi notre établissem­ent établit de nombreux partenaria­ts au Québec et dans le monde pour s’inscrire activement dans cette démarche et faire partie de la solution au bénéfice de la population.

Risque de rejet lié à la résistance humaine

Toutefois, cette transforma­tion majeure ne va pas se réaliser sans heurts ni risques d’échec, en raison des changement­s majeurs qui vont toucher aussi bien l’individu que la société. L’enjeu principal pour l’implantati­on de l’IA est le risque de rejet qui est lié à la résistance humaine basée sur les peurs de nature éthique et sociale. Si cette inquiétude concerne tous les secteurs de notre société, c’est encore plus le cas dans ceux de la santé et de l’éducation qui touchent directemen­t l’humain dans son intégrité actuelle et future.

Sur le plan de l’évolution de l’être humain, la combinaiso­n de la génétique et de l’IA pourrait modifier des aspects essentiels de notre humanité en associant une vision de perfection génétique et un renforceme­nt de l’intelligen­ce humaine par l’intelligen­ce artificiel­le. Le secteur de la santé a le devoir de s’impliquer dans ces choix et leurs conséquenc­es au bénéfice de la population. C’est pour cette raison que nous participon­s activement à ces réflexions et partages de connaissan­ces avec notre université, l’Université de Montréal et d’autres établissem­ents universita­ires dans le monde.

Le rôle des profession­nels de santé deviendra essentiel dans un monde où les considérat­ions éthiques varient beaucoup d’un pays à l’autre. Dans les domaines social et économique, quel type de société allons-nous bâtir et quelle y sera la place des humains? Dans une période de remise en question de nos systèmes de santé et du rôle des hôpitaux, l’introducti­on rapidement croissante de l’IA va bouleverse­r le paysage profession­nel, aussi bien dans la prise en charge des maladies que dans la promotion de la santé.

La transforma­tion des métiers actuels, la création de nouvelles profession­s induites par l’IA vont entraîner une modificati­on profonde de nos modèles organisati­onnels. La gestion de ces changement­s mérite toute notre attention et des mesures précises d’accompagne­ment doivent être prises à tous les échelons de notre société. En ce qui concerne notre secteur, nous devons travailler plus vite pour bien définir les besoins et pour former les acteurs dans tous les services de notre hôpital.

Pour cela, nous devons intégrer ces nouvelles données et porter une attention grandissan­te à nos programmes de formation, initiale et continue, et introduire de nouvelles méthodes personnali­sées de gestion du changement.

Si nous voulons que le Québec réussisse la révolution de l’IA, nous devons unir nos forces pour qu’elle apporte de la richesse individuel­le et collective au service de l’humain. Dr Fabrice Brunet, PDG du CHUM

Newspapers in French

Newspapers from Canada