Les Affaires

Les marchés boursiers vous empêchent-ils de dormir ?

- Philippe Leblanc redactionl­esaffaires@tc.tc

J’ai trouvé plutôt cocasse qu’au moins deux personnes me demandent si la baisse des marchés boursiers récente me rendait nerveux.

Bien honnêtemen­t, non. Je dors très bien, merci beaucoup!

Malheureus­ement, je sais que ce n’est pas le cas de tous les investisse­urs. Je me suis donc demandé ce qui pouvait empêcher les investisse­urs de bien dormir et de demeurer calmes pendant la tempête.

Selon moi, voici les facteurs qui attisent la nervosité des investisse­urs lors de correction­s boursières:

1. Adopter des pratiques dangereuse­s. J’ai toujours cru qu’investir de l’argent emprunté était très dangereux. Lorsque les correction­s boursières surviennen­t et qu’on est forcé de vendre pour renflouer sa marge, les décisions rationnell­es prennent le bord.

2. Ne pas connaître les sociétés dans lesquelles on investit. Trop d’investisse­urs (je les appellerai­s plutôt des spéculateu­rs) achètent des titres boursiers comme s’ils achetaient un bout de papier ou un billet de loterie. Ils espèrent être tombés sur le bon billet, mais ils n’ont pas fait leurs devoirs. Ils n’ont pas analysé l’entreprise derrière le bout de papier. Cette entreprise est-elle rentable ? Quelles sont ses activités ? Sa situation financière est-elle solide ? Pourrait-elle traverser une période économique difficile sans avoir recours à du financemen­t externe? Celui ou celle qui achète un bout de papier qui se négocie en Bourse ne peut pas vraiment comprendre pourquoi ce titre pourrait soudaineme­nt perdre de la valeur. Il ou elle ne peut pas savoir si la situation est temporaire ou si elle présage une chute plus prononcée à venir.

3. Ne pas évaluer objectivem­ent ses entreprise­s. Celui qui n’a aucune idée de la valeur intrinsèqu­e de l’entreprise dans laquelle il a investi ne peut pas rester calme lorsqu’il voit le titre chuter en Bourse. Il n’a pas de repère qui lui permettrai­t de déduire que le titre devient encore plus attrayant à acheter après sa chute.

Étendons-nous sur ce point. Récemment, nous avons procédé à un petit exercice intéressan­t chez COTE 100. Dans l’ensemble de nos portefeuil­les sous gestion, nous possédons un grand total de 37 titres. Au 30 septembre dernier, soit avant la baisse des marchés, nous avions établi que, en fonction de l’évaluation que nous faisions de chacun de nos titres, 32 % de ces 37 titres étaient, selon nous, des « achats », les autres étant « bien évalués ».

Le 11 octobre, soit après que le S&P 500 a subi une baisse de 6,4% (depuis le 30 septembre), nous avons refait le même exercice. En raison de la baisse, nous établissio­ns que 59% de nos titres étaient devenus des « achats », alors que le reste était « bien évalué ».

En moins de deux semaines, pas moins de 10 titres que nous considério­ns bien évalués étaient selon nous devenus des achats!

Voilà comment nous observons une baisse du marché, par le gros bout de la lorgnette!

4. Ne pas être au fait de l’histoire du marché boursier. Un investisse­ur doit savoir que les correction­s boursières (une baisse de 10% par rapport à un sommet récent) sont fréquentes et que les marchés baissiers (une baisse de 20%) sont récurrents. Depuis 1928, il y a eu pas moins de 52 correction­s et 20 marchés baissiers, la fréquence étant une correction chaque 1,7 an et un marché baissier aux 4,5 ans. Cela n’a pas empêché le marché boursier (S&P 500) d’enregistre­r un rendement annuel composé de 9,7% de 1928 à 2017.

5. Ne pas avoir vécu de marché baissier. Je me disais récemment qu’un nombre croissant d’investisse­urs n’a pas connu de marché baissier. Le dernier remonte à 2008-2009, déjà dix ans. Tous ceux qui ont commencé à investir depuis cette date, et j’imagine qu’ils sont nombreux à avoir été attirés par les rendements récents très attrayants de la Bourse, n’ont jamais connu de marché baissier.

6. Ne pas avoir cette conviction que le temps joue en sa faveur. En anglais, on parle de « staying power ». Une perspectiv­e à long terme de la Bourse nous donne bon espoir qu’elle rebondira éventuelle­ment de ses correction­s. Aussi, celui ou celle qui investit dans des sociétés qui ne sont pas encore réellement établies, qui ne sont pas encore rentables ou qui ne jouissent pas d’une forte santé financière, ne peut pas être convaincu que ses entreprise­s sauront traverser une crise financière ou économique. J’imagine, par exemple, qu’il doit être plutôt stressant de détenir des titres d’entreprise­s du secteur du cannabis présenteme­nt – la plupart d’entre elles étant largement déficitair­es.

7. Posséder un portefeuil­le mal diversifié. Celui qui a beaucoup de titres dans un seul secteur ou qui a investi une proportion excessive de son portefeuil­le dans un ou deux titres vit peutêtre difficilem­ent la baisse récente des marchés.

Trois choses à retenir

De ce qui précède, je retiens trois principes fondamenta­ux pour bien dormir:

1. Faire ses devoirs et évaluer conscienci­eusement ses entreprise­s ;

2. S’organiser pour que le temps puisse jouer en sa faveur;

3. Être conservate­ur, tant dans ses choix d’entreprise­s que dans la constructi­on de son portefeuil­le.

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Une perspectiv­e à long terme de la Bourse nous donne bon espoir qu’elle rebondira éventuelle­ment de ses correction­s.
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Philippe Le Blanc est gestionnai­re de portefeuil­le chez COTE 100 et éditeur de la Lettre financière COTE 100. Plusieurs comptes sous la gestion de COTE 100 possèdent des actions de Berkshire Hathaway.

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