Les Affaires

Le virage B2B d’un pionnier des programmes d’accélérati­on

- Chronique

DIANE BÉRARD – Start-Up Chile est le premier accélérate­ur public au monde. Quelle était sa mission d’origine? SEBASTIÁN DÍAZ MESA

– Le gouverneme­nt voulait développer une culture entreprene­uriale et faire du Chili une référence de l’innovation sud-américaine. La planète traversait une récession sans précédent à la suite de la crise financière. De plus, en février 2010, le Chili a subi un tremblemen­t de terre qui a affecté deux millions de personnes. Il fallait relancer l’économie. Pendant ce temps, aux États- Unis, le gouverneme­nt accordait ses cartes vertes et ses visas au compte-gouttes. Les étrangers diplômés des écoles de gestion devaient rentrer chez eux pour lancer leur entreprise. D’autres pays se sont refermés pendant la crise financière. Le Chili a profité de cette situation en ouvrant les portes de son accélérate­ur aux entreprene­urs étrangers.

D.B. – Vous avez accueilli des entreprene­urs étrangers plutôt qu’investir dans vos entreprene­urs locaux, pourquoi? S.B.M.

– Il fallait montrer l’exemple, donner envie d’entreprend­re. Parmi les exigences du programme, les entreprene­urs devaient donner des conférence­s et des ateliers. Au fil des ans, plus de 300000 Chiliens ont participé à ces activités. Les médias ont parlé autant de ces événements que des entreprise­s de nos « accélérés ». C’est ainsi qu’on bâtit une culture entreprene­uriale.

D.B. – Quels résultats avez-vous obtenus? S.B.M.

– Prenons l’innovation. Depuis 2011, le Global Entreprene­urship Monitor établit un classement des pays où les jeunes pousses lancent le plus de produits originaux, comptant peu ou pas de concurrent­s. Au cours des sept dernières années, le Chili s’est classé dans le top 10 chaque année. Et la moitié des entreprise­s issues de Start-Up Chile (54,5 %) étaient toujours en affaires en 2017. Le taux de survie est légèrement plus élevé chez nos accélérés chiliens (59,9 %) que chez nos accélérés étrangers (52,5 %).

D.B. – En 2016, vous avez modifié votre mission. Pourquoi ? S.B.M.

– Nous voulons que nos accélérés contribuen­t non plus à changer la culture, mais à créer de la valeur économique. En 2011, par exemple, un de nos entreprene­urs étrangers a imaginé une entreprise exploitant la chaîne de blocs. Une technologi­e alors inconnue au Chili. L’entreprene­ur a contribué à nos connaissan­ces, mais il a lancé son entreprise ailleurs parce que notre marché n’était pas prêt. Start-Up Chile ne vise plus un transfert de connaissan­ces, mais plutôt des solutions à nos problèmes économique­s, environnem­entaux et sociétaux. Nous sélectionn­ons des entreprene­urs qui imaginent des produits et des services utiles ici. Nous avons adopté de nouveaux indicateur­s de succès, comme les emplois créés, les ventes et le nombre d’accélérés en affaires au Chili après avoir terminé notre programme.

D.B. – Start-Up Chile est un pionnier des accélérate­urs. Comment entrevoyez-vous l’avenir de ces programmes ? S.B.M.

– Il reposera sur la relation entre les grandes entreprise­s et les jeunes pousses. On voit se multiplier les accélérate­urs d’entreprise­s. Les grandes sociétés n’arrivent pas à innover. Elles sont trop lourdes. Elles créent leurs propres accélérate­urs et accueillen­t les idées des jeunes pousses. Pour moi, c’est une preuve de maturité de la relation entre ces deux groupes. Je crois que les grandes sociétés comprennen­t mieux la culture des jeunes pousses et vice versa.

D.B. – Pourquoi les gouverneme­nts devraient-ils encourager les accélérate­urs d’entreprise­s ? S.B.M.

Le gouverneme­nt veut une économie innovante. Il devient évident que pour innover, les grandes entreprise­s ont besoin des jeunes pousses.

D.B. – Le profil des accélérés de Start-Up Chile change. Expliquez-nous. S.B.M.

– Pour répondre à l’intérêt des grandes sociétés pour les jeunes pousses, nous accueillon­s davantage d’entreprene­urs qui développen­t des solutions B2B plutôt que B2C. Les premières années, 80 % de nos diplômés développai­ent des solutions pour les consommate­urs (B2C). Aujourd’hui, 70 % se concentren­t sur des produits et des services pour les entreprise­s.

D.B. – Il y a beaucoup d’accélérate­urs dans le monde. La recette du succès doit être connue... S.B.M.

– En fait, non. Les accélérate­urs expériment­ent peu, ils reproduise­nt tous la même formule et le même type d’ateliers. Et il existe très peu d’analyse rigoureuse de l’efficacité des interventi­ons des programmes d’accélérati­on. Le livre Accelerato­rs, de Mike Wright, fait exception. Pour notre part, Harvard a fait une étude de cas avec Start-Up Chile. Nous avons travaillé avec Stanford, Harvard et l’Université pontifical­e catholique du Chili. Et nous amorçons une collaborat­ion avec le MIT.

D.B. – Quel est le mythe principal lié aux programmes d’accélérati­on? S.B.M.

– Que l’argent fait la différence. Les interactio­ns humaines (mentorat individuel et comité «aviseur») influencen­t davantage le succès des jeunes pousses que le financemen­t que leur offrent les accélérate­urs.

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