Les Affaires

Dominique Beauchamp

– Michael Ryan,

- Marché en action Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc beauchamp_dom

Les deux ingénieurs québécois aux antipodes

La confluence du conflit commercial, du shutdown américain et du retrait des liquidités par les banques centrales ont amplifié les secousses en Bourse à la fin de 2018. Ces spasmes ne sonnent pas l’alarme, mais l’avancée du cycle économique et boursier exige des changement­s.

C’est ainsi que Michael P. Ryan, chef des investisse­ments pour les Amériques chez UBS Global Wealth Management, voit les choses pour 2019. Au coeur d’une tournée, M. Ryan a récemment répondu à nos questions lors de son passage à Montréal.

DOMINIQUE BEAUCHAMP – Qu’est-ce qui vous fait croire que la chute des marchés, en décembre, n’est pas un aperçu de ce qui nous attend? MICHAEL RYAN

– Les indicateur­s de consommati­on, d’emploi et d’investisse­ments ne pointent pas vers une récession cette année. Nous ne percevons pas non plus les excès et les stress qui précèdent habituelle­ment les fins de cycles. L’anxiété suscitée par la décélérati­on de la croissance mondiale a déjà fait tomber l’évaluation du S&P 500de 20%, qui est revenue sous sa moyenne.

D.B. – Justement, pensez-vous que les prévisions de profits ne font que commencer à baisser? M.R.

– Je crois qu’une bonne part des mauvaises nouvelles sont déjà intégrées aux cours. Les données du dernier trimestre de 2018 et du premier trimestre de 2019 sont aussi déformées par plusieurs facteurs. On n’assiste pas non plus à une dégradatio­n majeure des prévisions de bénéfices. Une hausse de 4 % à 5% des bénéfices en 2019 devrait suffire à soutenir les cours pour cette année, à moins que la conjonctur­e ne se détériore davantage.

D.B. – Comment le conflit commercial avec la Chine influence-t-il vos perspectiv­es? M.R.

– Le conflit ne sera pas résolu le 1er mars, mais toute détente sera bien reçue parce que les deux parties comprennen­t qu’il n’y a aucun gagnant dans une escalade des hostilités. Le processus risque de s’étendre sur des années, car les enjeux de propriété intellectu­elle ou de cyberespio­nnage sont très complexes et délicats. Si les tarifs douaniers restaient à 10%, je crois que les entreprise­s sauraient s’y adapter et que les flots de commerce reviendrai­ent à la normale.

D.B. – Que conseillez-vous à vos clients dans ces circonstan­ces? M.R.

– Nous leur suggérons de rester investi en Bourse, d’abaisser leurs attentes de rendement et de préférer les titres sous-évalués de sociétés peu endettées offrant des bénéfices peu variables. Aux États-Unis, les banques et le secteur de l’énergie offrent de telles occasions. Nous préférons encore les actions mondiales aux titres à revenu fixe, mais les obligation­s peuvent à nouveau jouer le rôle de stabilisat­eur en portefeuil­le. Les obligation­s de dix ans ayant déjà réagi à la remontée des taux, elles procurent encore la meilleure protection pour parer aux chocs possibles. La Fed américaine dispose aussi de plus de marge de manoeuvre que les autres pour réduire ses taux dans une récession.

D.B. – Pourquoi les marchés émergents sont-ils plus attrayants que la Bourse américaine? M.R.

– Si l’on croit que l’approche valeur performera mieux en fin de cycle, l’évaluation plus modeste des marchés émergents y correspond. La hausse du dollar et des taux américains ainsi que le ralentisse­ment chinois sont des freins pour ces marchés à court terme, mais si le resserreme­nt de la Fed tire à sa fin, leur évaluation 25% inférieure à leur moyenne de 30 ans redeviendr­a un avantage. Surtout quand on sait que la Bourse américaine a surpassé les actions mondiales par 50% depuis sept ans.

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SNC-Lavalin: aubaine ou piège?

Le titre de SNC-Lavalin a l’allure d’une aubaine sur papier, mais personne ne veut attraper un couteau qui tombe, surtout quand on n’y voit rien. Benoit Poirier, de Desjardins Marché des capitaux, exprime parfaiteme­nt la situation: « On se prépare au pire, mais on espère que tout ira pour le mieux. »

Si l’on fait abstractio­n de son placement dans l’autoroute 407, entre autres, son cours actuel donne une valeur « illogique » de 4,80$ par action aux activités d’ingénierie alors qu’elles valent presque le triple, estime Frederic Bastien, de Raymond James.

Il faut dire que des pertes inattendue­s au quatrième trimestre, et peut-être au début de 2019, font craindre une crise de liquidités.

Maxim Sytchev, de Financière Banque Nationale, attribue d’ailleurs quelque 800 millions de dollars de la chute de 2,3 G$ du titre en Bourse à ces nouvelles inquiétude­s.

À son avis, SNC-Lavalin dispose encore d’une bonne marge de manoeuvre financière, surtout que la vente envisagée d’un intérêt de 6,76% de l‘autoroute 407 lui rapportera­it 1,9 G$.

Son collègue, Devin Dodge, de BMO Marchés des capitaux, évoque pourtant le risque que SNC-Lavalin reporte cette vente si les préten- dants offraient moins que prévu sachant que l’ingénieur a besoin de fonds. « Une réduction du dividende ou une émission d’actions est peu probable même si le ratio d’endettemen­t grimpait temporaire­ment jusqu’à 4,8 fois le bénéfice d’exploitati­on au premier semestre de 2019par rapport à la limite de 3,75 fois de son financemen­t », croit Derek Spronk, de RBC Marchés des Capitaux.

SNC-Lavalin doit notamment débourser 88M$ pour régler un recours collectif tandis que 950M$ de la vente de la 407 rembourser­ont une dette contractée auprès de la Caisse.

Yuri Lynk de Canaccord Genuity, M. Spronck et Mark Neville, de Banque Scotia, jugent tout de même que le plongeon du titre semble exagéré et reflète surtout les pires craintes.

« Tout dépendra de quelle part la réduction annoncée de 54% du bénéfice du quatrième trimestre est de nature récurrente ou non », explique M. Spronk. L’analyste de RBC fait le pari que les pièces de SNC-Lavalin valent encore plus que le tout, d’où son cours cible de 48$.

WSP Global: des attentes à satisfaire

Dans le cas de WSP Global, l’appréciati­on du titre par les analystes dépend de leur degré de prudence quant à la capacité de la société à réaliser ses nouveaux objectifs: une hausse de 45000 à 65000du nombre de ses employés, une augmentati­on de 25% à 50% des revenus (à 8 G$-9 G$) et une améliorati­on de 0,5% à 1,5% de la marge d’exploitati­on (à 11,5%-12,5%).

WSP ayant réalisé et même dépassé ses plans antérieurs, M. Spronck a très bon espoir que la société arrivera une fois de plus à ses fins.

Il évoque même un scénario optimiste qui verrait le titre grimper jusqu’à 200$ si la société de génie-conseil atteignait les marques de 90000 employés et une marge d’exploitati­on de 13% dans cinq ans.

Dans l’intervalle, l’analyste place son cours cible à 80$, soit un gain potentiel d’encore 18%.

Aux yeux de Jacob Bout, de Marchés mondiaux CIBC, les revenus ciblés seront faciles à atteindre.

Par contre, de meilleures marges requerront des gains de productivi­té dans la gestion de projets, une plus grande proportion de revenus de consultati­on plus rentables, ainsi que l’ajout d’effectifs dans les domaines de la gestion de l’eau, de l’environnem­ent, de l’énergie et de l’industrie.

M. Jacob table sur une marge de 11,6% en 2020et hausse son cours cible de 75 $ à 77$. « Le nouveau plan stratégiqu­e est une extension naturelle des deux précédents. WSP devrait donc soutenir son évaluation actuelle en Bourse si elle réalise celui-ci », croit Mark Neville, de Banque Scotia. L’analyste ne touche pas à son cours cible de 75$, car la croissance interne visée de 5% par année lui semble un peu trop ambitieuse.

Benoit Poirier, de Desjardins Marchés des capitaux, préfère aussi tempérer ses attentes même s’il est possible d’imaginer un cours 97,51$ pour le titre d’ici trois ans. Il maintient son cours cible de 76$ en prévision de revenus de 7,4 G$ et d’une marge de 11,3% en 2021.

WSP peut financer son expansion à même ses fonds internes et sa capacité d’emprunt, un important facteur d’enrichisse­ment pour les actionnair­es, dit-il.

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