Les Affaires

Semonce justifiée de Doug Ford aux dirigeants d’Hydro One

- Jean-Paul Gagné jean-paul.gagne@tc.tc Chroniqueu­r | @@gagnejp

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Grâce à la pression du public, une brèche vient enfin d’apparaître dans la muraille corporatis­te du corps médical. Les infirmière­s praticienn­es spécialisé­es peuvent maintenant diagnostiq­uer six maladies chroniques. Malheureus­ement, contrairem­ent aux autres provinces, le Québec compte très peu de telles infirmière­s, car les médecins n’en voulaient pas.

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Pour les médias écrits, la facture du papier récupéré varie inversemen­t avec la quantité du papier à recycler. C’est l’envers du gros bon sens. En effet, alors qu’il y a moins de journaux et que le volume du papier récupéré a baissé de 68 % depuis 2010, il en coûte 950 % plus cher pour les survivants. Selon cette logique infernale, quand il ne restera plus qu’un journal, il paiera une facture qui l’étouffera sans aucune chance de rémission.

«Faire le ménage à Hydro One (HO), congédier l’homme de 6 millions de dollars et réduire les tarifs d’électricit­é de 12 % », a promis Doug Ford au cours de la campagne électorale qui l’a fait élire le 12 avril 2018.

Ce message a porté. Les électeurs ont fait un lien entre la hausse de leurs tarifs d’électricit­é et la hausse de la rémunérati­on des dirigeants du transporte­ur et distribute­ur d’électricit­é de l’Ontario. Ignorant les contrainte­s financière­s du monde ordinaire et la réalité électorale, les dirigeants d’HO venaient de se voter de fortes augmentati­ons.

En trois ans, Mayo Schmidt, président et chef de la direction, a vu sa rémunérati­on totale passer de 1,4 M$ à 4,5 M$ et à 6, 2 M$ en 2017. Toute proportion gardée, les cadres supérieurs ont bénéficié du même débordemen­t. De même, les administra­teurs millionnai­res qui ont accordé ces hausses ne se gênent pas non plus pour se récompense­r. Le président du conseil a reçu une rémunérati­on de 260 000 $ en 2017, et les présidents de comité, 180 000 $, comparativ­ement à 155000 $ et à 82000 $ respective­ment en 2015, année où la rémunérati­on a été revue.

Menacés de congédieme­nt par Doug Ford, Mayo Schmidt (qui aurait reçu une allocation de départ de 9 M$) et les administra­teurs ont démissionn­é le 11 juillet dernier. Un nouveau conseil, composé de six hommes et quatre femmes (au lieu de 14), a été formé et les rémunérati­ons

ont été revues. Celle du président qui assure l’intérim a été abaissée à 2 775 000 $, mais Doug Ford lui a dit de la ramener à 1550000 $. C’est ce que reçoit le président d’Ontario Power Generation (OPG), la société d’État qui produit l’électricit­é transporté­e et distribuée par HO. Les deux sociétés ont des revenus semblables (6 milliards de dollars), mais l’actif d’OPG est le double (51 G$) de celui d’HO.

Pour mesurer l’excès de la rémunérati­on des dirigeants de cette dernière, il suffit de la comparer à celle qui est en place à Hydro-Québec (HQ), dont le président, Éric Martel, donne son plein rendement avec une rémunérati­on de 835 000 $ en 2018. HQ compte 19 900 employés, a un actif de 77 G$ et a réalisé en 2018 des revenus de 15 G$ et un bénéfice net de 3,2 G$. Chez BC Hydro, dont la taille représente environ 50 % de celle d’HQ , le président a gagné environ 400000 $. Pour sa part, HO, qui n’a pas d’activité de production, compte 7 400 salariés, a un actif de 26 G$ et a réalisé des revenus de 6 G$ et un bénéfice net de 778 M$ en 2018. Doug Ford a bien raison d’y faire un certain ménage.

Enfin la manne

Cette flambée des émoluments des hauts dirigeants d’HO s’explique par deux facteurs : 1. Sa privatisat­ion partielle. Autrefois division de l’ancienne Ontario Hydro, HO a vendu en trois étapes, de 1975 à 1977, 51 % de ses actions dans le public. Inscrit en Bourse en 2015 à 20,50 $, son titre s’échange au même prix aujourd’hui et donne un rendement de 4,4 %. 2. Après cette inscriptio­n, les administra­teurs ont voulu comparer leur rémunérati­on avec celle d’un panier de sociétés comparable­s aussi inscrites en Bourse. Ils ne voulaient plus se comparer avec de minables sociétés d’État comme HQ , BC Hydro ou encore OPG.

Comme on le fait dans ce grand monde, le conseil d’administra­tion a retenu les services des grands prestidigi­tateurs de la rémunérati­on des hauts dirigeants. Selon la dernière circulatio­n de sollicitat­ion de procuratio­ns d’HO, deux grands noms de cette science, Hugessen Consulting et Willis Towers Perrin ont reçu 259 816 $ pour leurs précieux services en 2017, alors qu’ils avaient encaissé 124 369 $ en 2016.

Pour avoir une bonne idée de la complexité des systèmes de rémunérati­on imaginés par ces experts, il suffit de constater que la partie consacrée à la rémunérati­on dans la circulaire de HO s’étend sur 53 pages sur un total de 102 pages. Cela ressemble à ce qui se fait ailleurs. C’est du chinois pour le commun des mortels et des administra­teurs avouent n’y rien comprendre.

Cette industrie a explosé depuis que la rémunérati­on des cinq plus hauts dirigeants des sociétés inscrites en Bourse est publique. Alors que ceux-ci comparent leur rémunérati­on avec leur vis-à-vis de sociétés comparable­s, les conseiller­s experts rivalisent d’imaginatio­n pour créer des formules, des indicateur­s, des primes et des allocation­s de toute sorte pour flatter l’ego de ceux qui achètent leurs services. La rémunérati­on a pris une telle valeur chez certains chefs de la direction que plusieurs retiennent de leur côté les services d’autres experts en rémunérati­on pour s’assurer que rien ne leur échappe.

Cette compétitio­n malsaine est le principal facteur de l’explosion de la rémunérati­on des hauts dirigeants, qui augmente depuis plusieurs années, souvent du double ou du triple de celle des autres salariés de l’entreprise.

Ce cercle vicieux, qui creuse les inégalités, doit être brisé. À part celle de Doug Ford, peu d’interventi­ons se font en Amérique du Nord par rapport à cet enjeu. Heureuseme­nt, certains pays d’Europe s’attaquent à ce fléau. On en

• bénéficier­a peut-être éventuelle­ment.

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