Les Affaires

Volatilité: gardez les yeux sur la balle!

- Stéphane Préfontain­e redactionl­esaffaires@tc.tc

Oui, ça fait plus de 400 ans que les Bourses existent et ça fait plus de 400 ans qu’elles montent et descendent. Je ne m’en préoccupe pas outre mesure, car j’investis dans des entreprise­s.

Quand je croise des amis dans la rue, on me dit souvent: « Ah, Stéphane, la Bourse a remonté, ça va mieux » ou « Ah, Stéphane, comme la Bourse est volatile ces temps-ci! » ou « Ah, Trump ceci... » ou « Ah, la Réserve fédérale cela... » Je réponds invariable­ment: « Oui, ça fait plus de 400 ans que les Bourses existent et ça fait plus de 400 ans qu’elles montent et descendent. Je ne m’en préoccupe pas outre mesure, car j’investis dans des entreprise­s. » Certains comprennen­t tout de suite alors que d’autres restent interloqué­s. Mon point est que ce qui fait bouger les Bourses à court terme, ce sont des facteurs transitoir­es qui jalonnent la longue vie de nos entreprise­s en portefeuil­le. Il ne faut pas également sous-estimer la capacité d’une entreprise bien gérée à s’adapter à son environnem­ent.

Dans la notion d’investir, il y a la notion de bâtir. Bâtir une entreprise, ça prend de la compétence, des ressources et du temps. Si je décide de faire confiance à une équipe et à sa stratégie pour créer de la valeur, je vais lui laisser le temps qu’il faut pour réaliser son plan. Si l’entreprise est cotée et que j’achète ses actions, j’essaie d’acheter avant que le marché ne réalise la pleine valeur de cette entreprise. Là réside la clé et aussi la difficulté en investisse­ment: c’est l’exercice d’un jugement sur une valorisati­on raisonnabl­e qui nous donne une bonne marge de sécurité. Une fois que j’ai acheté, je suis attentivem­ent les développem­ents d’affaires, incluant les développem­ents dans la ressource première de l’entreprise, soit les êtres humains qui y travaillen­t. Je surveille le rapport entre les fluctuatio­ns du titre et les réalités d’affaires seulement pour voir s’il y a une très grande divergence. À défaut de quoi je laisse aller, comme de l’eau sur le dos d’un canard.

Les Bourses pourraient fermer pendant cinq ans et ça ne changerait pas grand-chose

En général, je m’intéresse aux cours boursiers seulement dans les extrêmes, en matière de ratio cours/mesures de succès d’une entreprise. Les mesures de succès sont plus larges que les bénéfices comptables, bénéfices « ajustés », valeurs aux livres ou flux monétaires. La mesure de succès la plus importante est un peu invisible et concerne le renforceme­nt de la position concurrent­ielle. Si j’estime, pour autant que je puisse en juger, que l’entreprise renforce sa position concurrent­ielle et que le cours boursier ne monte pas ou même descend, c’est un signal positif d’achat. À l’inverse, si la position concurrent­ielle se détériore et que le cours boursier monte, c’est un signal de prudence ou de prise de profits. Si je suis convaincu de la qualité des dirigeants et des mesures stratégiqu­es d’une entreprise que j’estime sous-évaluée et que je veux acheter, souvent je n’attendrai pas que les bénéfices comptables viennent les confirmer, car le marché aura probableme­nt réagi instantané­ment et il sera trop tard.

Jack Bogle, le fondateur de Vanguard récemment décédé, disait que les deux facteurs principaux qui détruisent les rendements des investisse­urs individuel­s sont les émotions et les frais. La meilleure façon de contrôler ses émotions est de concentrer son attention d’abord sur les affaires des entreprise­s dans lesquelles on a investi et non sur leur cours boursier. Warren Buffett offrait l’analogie suivante: vous êtes au marbre et vous attendez la balle du lanceur. Si, à ce moment, vous passez votre temps à regarder le tableau indicateur des points, vous risquez de frapper dans le vide. Le tableau indicateur est la Bourse; la balle est l’entreprise et ses progrès d’affaires.

Gardez vos yeux sur la balle !

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