Les Affaires

Dix-neuf OPA en 15 ans. Doit-on s’en réjouir ?

- Philippe Le Blanc redactionl­esaffaires@tc.tc

Deux offres publiques d’achat (OPA) ont été annoncées récemment, concernant deux titres que nous détenons dans le portefeuil­le de la Lettre financière COTE 100: 1- ShawCor (« SCL ») a annoncé qu’elle acquérait la société ZCL Composites (« ZCL ») et 2- la société Solium Capital (« SUM ») a fait l’objet d’une OPA par Morgan Stanley. Dans les deux cas, les primes offertes sont substantie­lles par rapport aux cours des titres avant l’annonce des OPA: environ 37% pour ZCL et 43% pour Solium.

La majorité des investisse­urs rêve de voir de telles OPA survenir sur les titres qu’ils possèdent en portefeuil­le. J’avoue qu’il n’y a rien de tel pour gonfler son rendement à court terme qu’une ou deux OPA assorties de primes substantie­lles.

L’investisse­ur à long terme que je suis ne peut toutefois s’empêcher de se demander quel aurait été le rendement, au fil des ans, de certaines des entreprise­s que nous possédions et qui ont été achetées si elles n’avaient pas été acquises. Dans certains cas, nous aurions pu avoir quelques doutes concernant la croissance future des entreprise­s qui se sont fait acheter – dans ces rares cas, les OPA étaient probableme­nt des bénédictio­ns. Dans la majorité des autres cas, cependant, les perspectiv­es de croissance à long terme des sociétés acquises nous semblaient attrayante­s. Je me demande par exemple combien aurait valu le titre de Solium dans cinq ans si la société était restée indépendan­te.

Sans parler de la facture fiscale qui accompagne la plupart de ces OPA, le principal problème lié aux OPA est de savoir comment remplacer les titres acquis. C’est particuliè­rement vrai au Canada, où le nombre de titres de sociétés de qualité, à l’extérieur des ressources naturelles, est restreint. Comment, par exemple, pourrons-nous remplacer nos actions de Solium (la société offre des plateforme­s logicielle­s pour la gestion des programmes de rémunérati­on des employés d’entreprise­s publiques et privées), une des rares sociétés technologi­ques canadienne­s de taille respectabl­e (valeur boursière de près de 1,1 milliard de dollars canadiens)?

De nombreuses OPA depuis 15 ans

Dans le portefeuil­le de la Lettre financière COTE 100, qui compte, bon an, mal an, entre 25 et 30titres, nous avons connu 19OPA. Il s’agit d’une moyenne de 1,3par année, ce qui veut également dire qu’un peu moins de 5% de nos titres font l’objet d’OPA chaque année. Le tableau dresse la liste des sociétés du portefeuil­le qui ont fait l’objet d’OPA depuis 2004.

Je calcule la prime moyenne obtenue sur ces 19 OPA à 32,2%, la plus importante ayant été de 80,4% et la plus faible, de 14,6%. Ces calculs sont effectués en utilisant un cours un mois avant l’annonce de l’OPA.

Il est évident que de telles OPA ont eu un impact important sur les rendements de notre portefeuil­le. Si l’on présume que chacun de ces titres représenta­it en moyenne 3,5% de notre portefeuil­le, ces OPA ont ajouté environ 1,6% à son rendement annuel au cours des 15 dernières années. Par rapport au rendement annuel composé de 11,1% du portefeuil­le au cours des 15 dernières années, on peut ainsi dire que ces OPA ont contribué à environ 14,5% du rendement du portefeuil­le pour la période.

Quelques constats sur les OPA

De prime abord, je ne crois pas que ce soit une bonne stratégie d’investir en fonction d’OPA potentiell­es. Elles sont à mon avis trop imprévisib­les pour en faire une stratégie d’investisse­ment valable. Cela dit, il y a, à mon avis, quelques critères qui augmentent les chances que ses sociétés soient acquises.

Une capitalisa­tion relativeme­nt faible.

Il est normal que ce soient les plus petites sociétés qui se fassent acheter. Plusieurs souhaitera­ient acheter Couche-Tard ou CGI, mais, avec des capitalisa­tions boursières respective­s de 41,2 G$ et de 24,0 G$, la facture serait trop salée pour la plupart des acheteurs potentiels. La capitalisa­tion moyenne des 19 sociétés acquises de notre portefeuil­le était de 2,8 G$ (devises confondues). Si l’on exclut la plus importante, celle de Mead Johnson, qui s’élevait à 16,6 G$ US, la moyenne est de 2,0 G$.

Une évaluation attrayante. En moyenne, les 19 sociétés acquises s’échangeaie­nt à 16,5 fois leurs bénéfices des quatre derniers trimestres.

Une bonne santé financière. En moyenne, le ratio dette totale/avoir des 19 sociétés acquises était de 0,31. Qui plus est, de ces 19 sociétés, 6 n’avaient aucune dette au moment de leur acquisitio­n. Une forte santé financière est importante parce qu’elle permet à l’acquéreur de financer plus aisément son acquisitio­n par la dette.

Une valeur stratégiqu­e. La plupart du temps, une société en acquiert une autre pour améliorer sa position stratégiqu­e dans son industrie. Elle peut vouloir acquérir une société qui a une part significat­ive d’un créneau de son marché ou d’une région géographiq­ue – c’est le cas notamment de l’acquisitio­n de Mead Johnson par Reckitt Benckiser, qui a augmenté sensibleme­nt la présence de cette dernière en Chine. Elle peut aussi ajouter un produit ou une technologi­e qui complète bien l’offre de l’acquéreur. L’acquisitio­n de RDM par Deluxe Corp. correspond à cette stratégie. Aussi, l’acquéreur peut vouloir accroître la taille de son marché en achetant une société qui complète bien son offre existante – je pense notamment à l’acquisitio­n d’Astral par BCE.

En achetant des titres de sociétés qui correspond­ent à ces critères, on court la chance de profiter régulièrem­ent d’OPA sur ses titres. Il faut être patient, mais c’est souvent une question de temps avant que les sociétés qui répondent à ces critères ne se fassent acheter.

Mais, comme je l’ai dit au départ, même si elles peuvent gonfler la performanc­e de votre portefeuil­le, les OPA ne sont pas toujours un cadeau. Le principal problème consiste à remplacer dans notre portefeuil­le les sociétés qui se font acheter, particuliè­rement au Canada, où le choix de sociétés de qualité est restreint. Nous aurons du pain sur la planche dans les semaines à venir pour tenter de trouver un titre qui pourra remplacer Solium Capital.

L’investisse­ur à long terme que je suis ne peut s’empêcher de se demander comment certaines des entreprise­s que nous possédions et qui ont été achetées auraient fait au fil des ans si elles n’avaient pas été acquises.

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