Les Affaires

Bon dixième, marché haussier

- Dominique Beauchamp dominique.beauchamp@tc.tc beauchamp_dom

Le 9 mars 2019 marque le dixième anniversai­re du marché haussier qui a pris naissance après le creux de la crise financière de 2008. Le S&P 500, l’indice américain élargi qui est devenu le repère de la Bourse américaine, s’est apprécié de 333 % depuis. Le plus long marché haussier demeure celui de 1987 à 2000, avec un gain 582% en 4 496 séances. Celui de 2002 à 2007 avait procuré un rendement de 101,5%, en 1826 séances.

L’indice américain fétiche est toutefois encore 4,7 % sous le sommet du 20 septembre 2018. « Il faudra bien sûr qu’un nouveau sommet soit atteint pour que cet anniversai­re soit célébré. Sinon, le marché haussier aura pris fin le 20 septembre », évoque l’économiste Ed Yardeni, qui croit que le mouvement haussier peut se prolonger.

Les dix dernières années ont aussi vu six mouvements de repli de 10 % à 20% ainsi que 62 « moments de paniques », écrit M. Yardeni.

À chaque panique, la peur d’une nouvelle récession refaisait surface. Une fois les pires appréhensi­ons dissipées, la Bourse a poursuivi son ascension, rappelle l’économiste.

Pas de récession, mais les cours ont déjà rebondi

Le rebond de 18,8 % du S&P 500 à ce jour en 2019 est à l’image de la chute violente de 19,9 % de la fin d’année.

Les investisse­urs ont été trop prompts à craindre une récession imminente, selon lui.

La retenue de la Fed est bien sûr venue calmer les esprits. « La Fed restera en pause jusqu’à la mi-année au minimum et peut-être jusqu’à la fin de l’année, selon des données économique­s », croit-il.

L’économiste s’attend à ce que les économies américaine et mondiale se réchauffen­t après un rude hiver, maintenant qu’une fermeture du gouverneme­nt américain est écartée et qu’une entente commercial­e entre la Chine et les États-Unis semble à portée de main.

Cela dit, M. Yardeni garde un oeil vigilant sur les ventes d’autos et de maisons qui faiblissen­t. Pour l’instant, ces secteurs signalent un ralentisse­ment et non une récession.

L’indicateur coïncident de l’activité économique (CEI) est aussi sur son radar, car s’il reculait au cours des prochains mois, ce serait de mauvais augure pour la deuxième moitié de l’année.

Autre bémol : les Bourses du monde et le cours des matières premières intègrent déjà en grande partie le double scénario d’une entente commercial­e et d’une reprise économique, reconnaît l’économiste.

Après tout, le S&P 500 connaît son meilleur début d’année depuis 1987, avec un gain de 12%.

La réalité de la fin de cycle exige la prudence

Vincent Delisle, cochef des placements du gestionnai­re Hexavest, est plus circonspec­t que son collègue pour la suite des choses. « La récession appréhendé­e n’est pas imminente, et la volte-face de la Fed est bienvenue, mais on est de ceux qui croient que les munitions commencent à manquer pour étendre le cycle », dit-il, en entrevue.

Après une année flamboyant­e en 2018, qui a vu la croissance mondiale synchronis­ée, le plein emploi, la chute de l’impôt des sociétés et des marges records, il sera difficile de faire mieux, ajoute M. Delisle.

De plus, l’évaluation du S&P 500 est rapidement passée de 13,9 fois les bénéfices prévus à 16,3 fois, en neuf courtes semaines, au moment où les prévisions de profits diminuent.

« Il a fallu que la conjonctur­e cesse de se détériorer pour que la Bourse trouve ses planchers en 2009, en 2012-2013 et en 2015. Or, les données économique­s se détérioren­t encore tandis que les investisse­urs sont nombreux à miser sur un rebond des profits au deuxième semestre », explique-t-il.

S’il ne prévoit pas de récession pour l’instant, un déclin durant deux trimestres consécutif­s des bénéfices est possible aux États-Unis.

Comment se positionne­r dans un cycle aussi avancé ? M. Delisle préconise une encaisse plus élevée que de coutume pour parer aux imprévus et cherche à sauter sur des occasions.

En Bourse, le financier préfère les marchés étrangers à la Bourse américaine pour des raisons d’évaluation comparativ­e.

La Bourse américaine surfe encore sur l’impression laissée par la progressio­n disproport­ionnée de 25 % des profits en 2018, par rapport à celle de 10 % pour le reste du monde.

Toute déception met donc sa plus-value à risque. Avec une progressio­n de 133% depuis 2008, soit à peine 43 % du gain américain, les marchés émergents se négocient à 11,5 fois les bénéfices prévus. Ce ratio est encore inférieur à la moyenne de 13 fois à long terme, précise M Delisle.

Ces marchés devraient aussi profiter des mesures chinoises, tant fiscales que monétaires, pour stabiliser son économie.

Et si la domination de la Bourse américaine depuis 2009 se renversait, le billet vert s’en ressentira­it, un autre facteur favorable aux marchés étrangers et aux matières premières, entrevoit D. Delisle.

Le dixième anniversai­re du marché haussier suscite plus d’angoisse que de célébratio­ns. Il rappelle aux investisse­urs que la Bourse a déjà beaucoup donné, ce qui tempère leurs espoirs pour l’avenir.

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