Les Affaires

Le mirage du boom économique

- Richard Guay redactionl­esaffaires@tc.tc Chroniqueu­r invité

Sur quoi repose le rendement à long terme des actions? Parmi les facteurs déterminan­ts, on trouve le taux des bénéfices et des dividendes des sociétés ainsi que leur croissance.

On pourrait déduire que les pays en forte progressio­n économique renferment les entreprise­s au potentiel de croissance le plus intéressan­t, donc les meilleures occasions d’investir. Est-ce le cas? Eh bien non.

Prenons la Chine. Durant les 21 dernières années, ce pays a trôné au sommet du palmarès de la plus forte croissance économique.

Le rendement offert par le marché boursier chinois a pourtant été décevant, avec un rendement annualisé moyen (en dollars US) de 3,5%.

Le Canada, le Mexique et les États-Unis ont connu une progressio­n économique nettement plus modeste, ce qui n’a pas empêché l’investisse­ur d’y connaître des rendements beaucoup plus intéressan­ts, respective­ment de 8,3%, 8,0% et 9,6%. Une étude du Financial Analyste Journal, qui a analysé le rendement boursier de 43 pays au cours des 21 dernières années, vient d’en faire la démonstrat­ion.

Le phénomène s’explique par la mondialisa­tion des marchés financiers, par l’« effet croissance » et l’impact de la dilution liée à l’émergence de nouvelles entreprise­s.

Attention, mirage!

La mondialisa­tion a permis à des sociétés localisées dans des pays économique­ment plus matures d’augmenter leurs bénéfices grâce à leurs activités à l’étranger, dans des économies à forte croissance. Plusieurs entreprise­s américaine­s et canadienne­s ont pu rayonner outre-mer au grand bonheur de leurs actionnair­es.

La deuxième raison qui explique les pauvres performanc­es boursières des sociétés évoluant à l’intérieur d’économies en plein boom repose sur un préjugé, les marchés ayant tendance à surévaluer le potentiel de ces entreprise­s, donc à leur attribuer un prix trop souvent trop élevé. C’est ce que j’ai appelé plus haut l’« effet croissance ».

Quant à l’effet dilution, il provient du fait que dans les pays à forte croissance, on compte beaucoup plus de nouvelles émissions d’actions. Cela ne fait aucun doute que ces nouvelles entreprise­s stimulent l’économie. Toutefois, un investisse­ur doit subir l’effet dilution à chaque nouvelle émission. La croissance économique liée aux futures émissions d’actions ne crée pas automatiqu­ement de rendement pour les investisse­urs d’aujourd’hui.

Dans les pays où l’économie connaît une forte expansion, on constate également davantage de nouvelles entrées en Bourse. Le marché boursier chinois est 200 fois plus grand qu’il y a 20 ans alors que le rendement offert à l’investisse­ur a été faible.

Comment est-ce possible? La croissance de ce marché boursier ne provient pas de la rentabilit­é des entreprise­s qui existaient il y a 20 ans, mais des nouvelles sociétés depuis inscrites en Bourse.

Alors, vers quoi les investisse­urs doivent-ils se tourner? Là où les entreprise­s font le plus de rachats de leurs actions. Par conséquent, mieux vaut éviter les endroits où les entreprise­s multiplien­t les nouvelles émissions d’actions qui diluent les parts des investisse­urs.

Où investir en 2019?

Un des indicateur­s auquel l’investisse­ur doit s’attarder lorsqu’il réfléchit à la répartitio­n géographiq­ue de son portefeuil­le est donc le taux des rachats nets d’actions (les rachats d’actions moins les nouvelles émissions) des sociétés d’un pays donné. À lui seul, ce facteur explique plus de 80% du rendement du marché boursier d’une région par rapport à une autre. Intuitivem­ent, l’idée est logique. Si le dirigeant d’une entreprise conclut que le rachat d’actions est un bon investisse­ment pour sa société, c’est un signal que le titre est sous-évalué, donc qui offre du potentiel à l’investisse­ur.

En conclusion

Les réformes fiscales aux États-Unis favorisent le rachat d’actions, tout comme la hausse prévue des bénéfices des entreprise­s américaine­s. Il est probable qu’une bonne portion de ces rachats soit financée avec de l’encaisse rapatriée de l’étranger. On peut conclure que le marché boursier américain offre de bonnes perspectiv­es.

Pour la Chine, c’est différent. Là-bas, on continuera de voir de nouvelles entreprise­s arriver en Bourse ou accroître la capitalisa­tion des sociétés existantes. Aussi, l’intégratio­n complète de grandes entreprise­s chinoises comme Alibaba et l’inclusion des actions de catégorie A dans les indices aura un effet dilution.

Méfiez-vous des apparences, pour l’investisse­ur, « tout ce qui brille n’est point or ».

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