Les Affaires

La Laurentien­ne doit confondre les sceptiques !

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la

Maintenant qu’elle a conclu une entente avec ses employés syndiqués, la Banque Laurentien­ne (LB, 41,19 $) doit démontrer que son plan de transforma­tion est la bonne stratégie. La faible évaluation de l’action traduit une perte de confiance du marché après une série de mauvaises surprises. Aujourd’hui, rares sont les analystes qui croient encore en une thèse à « contre-courant ».

En 2015, la banque régionale montréalai­se a lancé un plan de transforma­tion de sept ans. L’objectif est d’augmenter sa taille et son efficacité en misant sur le conseil et en améliorant ses plateforme­s technologi­ques. Malgré les fermetures de succursale­s, les abolitions de postes et les acquisitio­ns, les bénéfices de ce plan se font toujours attendre. Les résultats des trois derniers trimestres ont été inférieurs aux prévisions des analystes, et ce, d’une bonne marge. Depuis novembre 2017, l’action a perdu près du tiers de sa valeur.

La détériorat­ion de la capacité bénéficiai­re de la Laurentien­ne est « sans précédent » dans le secteur, « d’autant plus qu’elle survient à un moment où le contexte économique était favorable », souligne Sumit Malhotra, de la Banque Scotia. Les coûts de l’entreprise augmentent plus que prévu tandis que les revenus d’intérêts ont connu un déclin inattendu, observe l’analyste. « L’action ne pourra pas mieux performer tant qu’il n’y aura pas une apparence de stabilité en ce qui a trait à la capacité bénéficiai­re. On n’est pas encore là. »

Le vote des 1 200employé­s de la Laurentien­ne en faveur de l’« offre finale » de l’employeur permettrai­t à la direction d’accélérer son plan de transforma­tion. Les relations de travail tendues entre les deux parties inquiétaie­nt les analystes. Lors de la précédente assemblée annuelle de la banque, en avril 2018, le PDG, François Desjardins, avait affirmé que le litige retardait une partie de son plan de transforma­tion. Du côté syndical, on accusait la direction de lui faire porter injustemen­t le blâme de la contre-performanc­e boursière de l’entreprise.

Peu importe la version qu’on retient, la Banque Laurentien­ne a encore beaucoup à faire pour convaincre les investisse­urs qu’un nouveau chapitre s’ouvre enfin. M. Malhotra, pour sa part, pense que la plupart des revers de la Laurentien­ne étaient « auto-infligés »,

comme les problèmes de documentat­ions liées aux hypothèque­s ou la baisse des revenus d’intérêts après les nombreuses fermetures de succursale­s.

S’il trouve le plan de transforma­tion « intéressan­t », Darko Mihelic, de RBC Marchés des Capitaux, doute, lui aussi, qu’il soit couronné de succès. Il s’inquiète de la faible progressio­n des dépôts, une source de financemen­t abordable pour les institutio­ns financière­s. Il note que ceux-ci ont progressé à un rythme annuel de seulement 2% depuis l’annonce du plan de transforma­tion. L’augmentati­on moyenne est de 5% dans les autres grandes banques canadienne­s.

Gabriel Dechaine, de Financière Banque Nationale, a jeté l’éponge après la publicatio­n, le 27 février dernier, des résultats du premier trimestre, abaissant sa recommanda­tion de « performanc­e de secteur » à « sous-performanc­e ». Il pense que la banque ne parviendra pas à afficher un ratio d’efficacité sous les 63% d’ici 2021, ce qui veut dire que chaque tranche de 1$ de revenu coûterait 0,63$ à générer. À 74% au premier trimestre (terminé à la fin janvier), le plus élevé depuis 2013, on s’écarte de plus en plus de la cible à un moment où les revenus diminuent et les coûts augmentent.

M. Dechaine s’inquiète aussi de l’affaisseme­nt du portefeuil­le de prêts. Celui-ci a diminué de 4% en 2018, en excluant les actifs vendus. L’analyste est préoccupé par le fait que Northpoint, acquise il y a deux ans, accapare une part de plus en plus importante des nouveaux prêts. « En raison de l’historique récent de problèmes d’exploitati­on, nous sommes vraiment prudents quant à cette stratégie de croissance. »

Pour sa part, Robert Sedran, de Marché mondiaux CIBC, remet en doute la pertinence d’augmenter le poids des prêts commerciau­x dans le portefeuil­le de prêts. Les prêts commerciau­x génèrent de meilleures marges, mais ils ont un impact négatif sur la rentabilit­é, car ils nécessiten­t de plus importante­s provisions pour pertes. « Cette transition ne semble pas optimale à un moment où la rentabilit­é est sous pression, écrit l’analyste qui émet une recommanda­tion “sous-performanc­e”. À un moment où toutes les banques tentent de renforcer leurs relations avec leurs clients, une diminution du portefeuil­le de prêts hypothécai­res soulève des questions, car il s’agit d’un produit important pour renforcer ce lien. »

Trop pessimiste?

Des 10 analystes qui suivent le titre, John Aiken, de Barclays, est le seul qui croit que la faiblesse du titre offre une occasion. L’action s’échange à 0,73 le ratio cours/valeur comptable des 12 prochains mois, comparativ­ement à 1,41 fois pour le secteur, selon Reuters. « Avec un critère valeur, nous croyons que la Banque Laurentien­ne offre un potentiel intéressan­t aux investisse­urs qui sont prêts à affronter la volatilité dans l’immédiat. »

La majorité des analystes ont émis des hypothèses sous les prévisions de la direction. Ce climat de scepticism­e offre à la Laurentien­ne une grande capacité de surprendre. Reste à voir si elle sera capable de confondre les sceptiques.

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