Les Affaires

Diane Bérard

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r @@ diane_berard |

Lire les émotions des clients grâce à leurs interactio­ns en ligne

Agent de changement

— Avec 20000 employés, Havas est la plus petite des grandes agences marketing. Marc Blanchard dirige la pratique de design d’expérience. Son rôle consiste à favoriser l’éducation et le partage des pratiques numériques émergentes en marketing. Il sera conférenci­er à C2 Montréal. DIANE BÉRARD – Qu’est-ce que Havas Cognitive? MARC BLANCHARD – C’est une petite unité qui développe des solutions d’expérience client basée sur l’intelligen­ce artificiel­le (IA). Nous réalisons nos projets et nous venons en soutien à ceux de nos collègues. D.B. – Pourquoi avoir démarré cette unité? M.B. – Les demandes de nos clients évoluent. Avant, ils sollicitai­ent uniquement notre capacité à construire des histoires efficaces. Aujourd’hui, nos clients veulent aussi savoir ce qui se passe dans la tête du consommate­ur avant et après qu’il ait vu nos campagnes publicitai­res. Les outils numériques nous permettron­t de répondre à cette question. D.B. – Vous captez les émotions d’un client dès l’instant où il songe à acheter un produit. Expliquez-nous. M.B. – L’applicatio­n IBM Watson propose un outil nommé analyseur de ton. Celui-ci passe au crible un texte pour déceler chez son auteur des émotions comme la colère, la tristesse, la frustratio­n et la peur. Il permet, par exemple, de savoir si un consommate­ur est de nature confiante, analytique ou hésitante. D.B. – En quoi cette applicatio­n numérique sert-elle concrèteme­nt une marque? M.B. – Imaginons un jeune adulte achetant son premier produit financier. Il effectue des recherches en ligne. Il n’a pas encore choisi son institutio­n. Quels mots-clés emploie-t-il? Comment formule-t-il ses questions aux robots conversati­onnels avec qui il entre en contact? Chacune de ses interactio­ns peut être analysée. On peut les étudier de façon générale, pour dégager des émotions et des blocages propres à la majorité des premiers investisse­urs. On peut aussi agréger les résultats par genres, par revenus, par géographie, par profession, etc. et ainsi découvrir des émotions et des blocages particulie­rs à un sous-groupe. Prenons l’étape finale, celle qui consiste à investir. Certains types de consommate­urs décrochent juste avant de s’engager, parce qu’ils demeurent trop insécures par rapport à ce type de transactio­n. L’IA les détecte dès le début. Ainsi, l’institutio­n financière peut les diriger vers un parcours qui saura mieux les rassurer. D.B. – On pourrait dire que vous pratiquez l’ethnograph­ie numérique...

M.B. – L’ethnograph­ie consiste à étudier sur le terrain la culture et le mode de vie de peuples ou de milieux sociaux spécifique­s. Nous nous en inspirons pour les sondages numériques que nous réalisons auprès de milliers de consommate­urs. Nous testons un module qui permet de répondre en parlant plutôt qu’en écrivant. Du coup, nous pouvons mieux analyser les émotions sous-jacentes aux réponses des consommate­urs.

D.B. – Les outils numériques permettent aux marketeurs de devenir eux-mêmes des développeu­rs de produits. Expliquez-nous.

M.B. – Un marketeur ne touchait jamais au produit. Il le mettait en valeur par une histoire. Aujourd’hui, nos interventi­ons ressemblen­t à de la création de produit. Prenez la société de courtage TD Ameritrade. Son modèle d’affaires repose sur des produits bon marché. Elle ne peut donc pas ajouter des services-conseils coûteux. Mais sa clientèle a besoin d’être guidée. TD Ameritrade a acheté du matériel éducatif qu’elle a ajouté à son site. L’intuition était bonne, mais le contenu pêle-mêle était inefficace. TD nous a demandé de corriger le tir. Impossible, avons-nous répondu. Nous avons plutôt recouru à l’IA pour cartograph­ier le contenu et permettre au consommate­ur de repérer ce qui convient à ses objectifs financiers et son style d’apprentiss­age. C’est une telle réussite que l’entreprise pourrait transforme­r ce contenu éducatif en produit autonome.

D.B. – Nommez-nous trois petites sociétés à suivre pour leur stratégie numérique.

M.B. – Les plateforme­s Betabrand et Massdrop, parce qu’elles impliquent leur communauté dans le design et le choix de leurs produits. L’assureur Lemonade, pour son recours à l’IA pour simpiflier l’achat d’assurance et ramener la confiance des consommate­urs dans ce type de produit.

D.B. – La plus grande dérive du marketing numérique est... M.B. – ... la tyrannie du contenant. « Bâtissez-moi une applicatio­n »; « Créez une expérience de réalité virtuelle pour notre prochaine exposition. »

D.B. – Et les trois règles d’or du marketing numérique? M.B. – Première règle: les clients attribuent une valeur à leurs données personnell­es, faites-en bon usage. Personnali­sez vraiment vos envois. Deuxième règle: mieux vaut ne rien faire que de frustrer le client. La solution de facilité est rarement la bonne. Proposer à un client la même paire de chaussures qu’il a achetée la veille n’est jamais une bonne idée. Troisième règle: soyez authentiqu­e. Les clients ne vous pardonnero­nt pas si votre image numérique est décalée de votre réalité interne.

« La grande dérive du marketing numérique est la tyrannie du contenant: “Bâtissez-moi une applicatio­n”; “Créez une expérience de réalité virtuelle pour notre prochaine exposition.” » – Marc Blanchard, Chef mondial du design d’expérience, Havas Worldwide

Consultez le blogue de Diane Bérard : www.lesaffaire­s.com/ blogues/diane-berard

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