Les Affaires

Richard Guay

- Richard Guay redactionl­esaffaires@tc.tc Chroniqueu­r invité

Pourquoi éviter les obligation­s du Canada

Biographie

Richard Guay est professeur titulaire en finance à l’ESG UQAM et ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Avec le prix des actions qui ne cesse de monter depuis le début de l’année, le marché boursier vous semble inabordabl­e ? Ce n’est rien en comparaiso­n des obligation­s canadienne­s de dix ans, dont la cherté est inversemen­t proportion­nelle au taux d’intérêt qu’elles offrent.

Ce taux n’arrête pas de baisser pour atteindre des profondeur­s surprenant­es. Il se situe à 1,67%, donc plus bas que les prévisions d’inflation de 2% au pays. Si ces dernières se confirment, les obligation­s canadienne­s appauvriro­nt les investisse­urs pendant dix ans, avant même d’avoir payé l’impôt! C’est tout aussi vrai si ce sont les obligation­s de 20 ans ou de 30 ans qui vous intéressen­t.

Le taux d’intérêt sur les obligation­s du Canada de dix ans se retrouve même sous le taux directeur de la Banque du Canada (un taux d’intérêt à très court terme), établi à 1,75%. Cette situation survient habituelle­ment quand les investisse­urs obligatair­es anticipent une baisse du taux directeur par la Banque centrale dans un effort pour atténuer l’effet d’une récession.

Beaucoup de stratèges et d’économiste­s sont pourtant plus optimistes quant à la conjonctur­e. En effet, plusieurs estiment que la récession sera évitée cette année et qu’en 2020, on ne subira qu’un ralentisse­ment économique. Ce qui est marquant, ici, ce n’est pas tant l’anticipati­on d’une récession, mais cette conviction, sur le marché obligatair­e, que la Banque du Canada baissera son taux directeur aussitôt que la conjonctur­e économique se détériorer­a.

Cela contraste avec l’humeur des investisse­urs boursiers qui ne s’inquiètent pas trop de voir les bénéfices des entreprise­s affectés par une éventuelle récession.

Alors, vers où se tourner?

Les bas taux d’intérêt sur les titres de grande qualité ne sont pas un phénomène canadien, il est mondial. L’Allemagne, l’Angleterre, la France et le Japon ont tous des taux obligatair­es de dix ans encore plus bas qu’au Canada. Pour les investisse­urs mondiaux, le Canada fait partie des rares pays qui émettent encore des obligation­s de grande qualité. En janvier dernier, les investisse­urs étrangers ont fait des achats nets d’obligation­s canadienne­s de plus de 14 milliards de dollars. Le mouvement semble se poursuivre et pèse encore plus sur les taux canadiens.

Si on se limite aux obligation­s peu risquées, ce sont les titres du gouverneme­nt américain qui semblent les plus attrayants. Le taux de dix ans s’élève là-bas à 2,48%. Ces titres ont aussi l’avantage d’être les plus liquides de la planète, ce qui n’est pas à négliger quand un investisse­ur a besoin de liquidités pour facilement redéployer ailleurs. Les États-Unis n’ont cependant pas la cote de crédit accordée aux titres de première qualité.

Pour espérer des rendements supérieurs, il faut accepter plus de risque; c’est pourquoi les actions privilégié­es des grandes entreprise­s canadienne­s sont à considérer. Plusieurs ont un taux de dividende supérieur à 5%.

Ce n’est pas la panacée, mais c’est tout même près de trois fois le taux des obligation­s du Canada. Il est presque certain que sur dix ans, ces titres dégageront des revenus stables et plus élevés que les obligation­s du Canada.

Avant de réduire le dividende promis sur une action privilégié­e, une entreprise doit supprimer le dividende sur son action ordinaire. Il est donc très peu probable que des sociétés comme BCE et la Banque Royale (ou toute autre banque canadienne) réduisent à zéro le dividende sur son action ordinaire pour diminuer le dividende de ses actions privilégié­es. Il est alors très plausible que les dividendes sur les actions privilégié­es soient maintenus et demeureron­t par conséquent plus élevés que les taux d’intérêt sur les obligation­s.

Devez-vous prendre le risque de réduire le poids des obligation­s de votre portefeuil­le en 2019? À moins d’avoir de forts besoins de liquidités à court terme, les obligation­s du Canada sont à éviter. Elles offrent une perspectiv­e de rendement à long terme très peu attrayante. Si vous pouvez vous permettre une plus faible liquidité sur une portion de votre portefeuil­le, il serait préférable de vous tourner vers d’autres titres plus rentables.

Pour un revenu stable et plus élevé à long terme, les actions privilégié­es ou les actions ordinaires à fort dividende, comme celles offertes par les banques, les compagnies d’assurance ou encore BCE, sont préférable­s aux obligation­s du Canada. Comme les revenus de dividende sont moins imposés que les revenus d’intérêt, l’avantage des actions sera encore plus évident si votre compte d’investisse­ment ne se trouve pas à l’abri du fisc, dans un CELI ou un REER.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada