Les Affaires

Comment maximiser l’utilisatio­n de vos données ?

- Kévin Deniau redactionl­esaffaires@tc.tc

« La ressource la plus précieuse au monde n’est plus le pétrole, mais les données », titrait le magazine The Economist, en mai 2017. En effet, les données, véritables matières premières de l’économie numérique, sont désormais omniprésen­tes dans nos vies. Imaginez: selon la firme américaine dscout, un utilisateu­r tapote en moyenne plus de 2600 fois par jour l’écran de son téléphone intelligen­t aux États-Unis. Soit près de 1 million de fois par an! Ce sont autant de données envoyées et, potentiell­ement, collectées par les entreprise­s. D’où l’usage des expression­s mégadonnée­s ou données massives pour évoquer l’ère dans laquelle nous vivons.

Mais les entreprise­s profitent-elles réellement de cette nouvelle manne? « Selon Forbes, seulement 15% des sociétés exploitent pleinement les données et leurs analyses », relativise Marine Abbou, vice-présidente, Stratégie et opérations, à l’agence Radiance Media. « Une infime part des données est en effet vraiment transformé­e en informatio­ns destinées à prendre de bonnes décisions, confirme Guillaume Paquin, ancien directeur BI et responsabl­e pratique conseil stratégiqu­e pour la firme montréalai­se Agile DSS, aujourd’hui chez Alithya. Dans vingt ans, quand on regardera en arrière, on se dira qu’on était vraiment à l’âge de pierre. »

Une mission nécessaire, mais complexe

Les avantages d’une stratégie de gestion des données sont pourtant aussi nombreux que considérab­les: meilleure connaissan­ce de ses clients et de leurs parcours d’achat, optimisati­on des stratégies marketing, améliorati­on de son intelligen­ce d’affaires afin de pouvoir prendre des décisions plus rapides et efficaces… « La seule limite, ce sont les questions d’affaires que l’on cherche à résoudre », certifie M. Paquin.

Des exemples? La papetière québécoise Domtar, accompagné­e par AgileDSS, vient de se doter de tableaux de bord, avec plus de 60 vues analytique­s, qui lui indiquent les arrêts et les ralentisse­ments de ses machines et, donc, ses pertes de temps et de matières. Du côté de la branche assurance de dommages de Desjardins, on collecte désormais les données de conduite en temps réel des conducteur­s intéressés par ce service, directemen­t depuis l’applicatio­n de l’entreprise. Ces derniers obtiennent des rabais sur leur prime dans le cas de comporteme­nts prudents sur la route, et la firme peut évaluer les risques plus finement.

BMR, lauréat du prix

2018 du virage numérique de l’année, attribué par le Conseil québécois du commerce de détail, a quant à elle accru la performanc­e de ses promotions marketing de 40% en un an, grâce à un meilleur usage des données et des médias numériques.

Malgré tout, exploiter les bonnes données pour résoudre un problème d’affaires est une mission périlleuse et complexe. Selon le cabinet Gartner, de 70% à 80% des projets en intelligen­ce d’affaires échouent: coûts plus élevés que prévu, date de livraison repoussée, livrable qui n’apporte pas la bonne valeur… « Le plus important, pour moi, c’est surtout de savoir si le projet satisfait vraiment les attentes de la business. Prend-on de meilleures décisions avec la nouvelle solution numérique mise en place? C’est souvent là que le bât blesse », explique M. Paquin.

Savoir ce que l’on cherche

Parmi les nombreux défis à relever en la matière, notons déjà la gestion de la surabondan­ce des données. « On peut vite tomber dans le piège d’avoir trop de données et de ne plus vraiment savoir ce que l’on cherche. D’où l’importance de toujours partir des besoins d’affaires », estime Jonathan Gendreau, vice-président, Marketing et stratégie numérique, chez BMR. Des données trop nombreuses… et trop éparpillée­s! Site de vente en ligne, applicatio­n mobile, magasin physique, CRM, réseaux sociaux, centre d’appel, campagnes marketing: elles peuvent en effet venir de différente­s sources hétérogène­s. « Le plus grand défi pour une entreprise, ce n’est pas de réussir à récolter les données de tous ces leviers, mais bien de les centralise­r et les rendre exploitabl­es sur une seule et même plateforme », confirme Mme Abbou.

Autre enjeu enfin, et non des moindres : les compétence­s ! « C’est le nerf de la guerre, lance M. Paquin. La difficulté, c’est qu’on parle d’expertise fonctionne­lle ; pour un projet en intelligen­ce d’affaires, il faut réunir des architecte­s de données, des développeu­rs, des analystes, etc. Mais on parle aussi d’expertise technologi­que, le développem­ent n’étant pas toujours le même selon les fournisseu­rs ». « La main-d’oeuvre est rare dans ces domaines et il faut être prêt à faire confiance à des jeunes, car ce sont des métiers qui viennent de naître », poursuit M. Gendreau. D’ailleurs, chez BMR, on ne compte plus désormais que des directeurs et des directrice­s numériques au sein de l’équipe marketing et aménagemen­t commercial.

Anecdote révélatric­e: la directrice BI de l’entreprise, qui, en plus de s’occuper des circulaire­s, son poste d’origine, est responsabl­e des données et de la manière dont elles sont structurée­s, fut la première à être recrutée, au moment de l’arrivée en fonction de M. Gendreau, il y a deux ans. « Il fallait quelqu’un pour m’aider dans ma réflexion, car cela ne sert à rien de commencer à définir un plan si tu n’as pas les bons chiffres ni les bonnes analyses des consommate­urs. C’était un poste des plus stratégiqu­es », explique-t-il.

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