Les Affaires

ON SE BOUSCULE AU PORTILLON DES RÉSIDENCES SECONDAIRE­S

- Martin Jolicoeur martin.jolicoeur@tc.tc C @@ JolicoeurN­ews

Grâce à une économie plus vigoureuse, bien des Québécois sont prêts à faire le saut dans le marché de la résidence secondaire. Les Affaires prend le pouls des marchés les plus courus.

La saison chaude n’est pas encore complèteme­nt installée que, déjà, les profession­nels de l’immobilier des régions de villégiatu­re du Québec se frottent les mains. Si 2018 a fracassé tous les records de vente, les premiers mois de 2019 laissent croire que l’été à venir pourrait redevenir le théâtre de nouveaux sommets.

« Même si j’essaie de rester calme, de demeurer rationnel, je vous dirais que les marchés sont en feu depuis le début de l’année, soutient entre deux rendez-vous, Jean Dubuc, courtier immobilier d’Immeubles Charlevoix, à Baie-Saint-Paul. Très sérieuseme­nt, si je le voulais, je pourrais facilement travailler huit jours par semaine tellement la demande est grande. »

Prisée depuis toujours par les villégiate­urs, la région de Charlevoix recense actuelleme­nt la plus forte augmentati­on d’activité immobilièr­e au Québec. Après des années durant lesquelles la région attirait moins d’intérêt, le nombre de transactio­ns y a crû de pas moins de 32% en 2018. Du jamais vu. La croissance y a été jusqu’à trois fois plus robuste que dans les régions de Tremblant, de Saint-Donat, dans Lanaudière, et de Memphrémag­og, dans les Cantons-de-l’Est.

À la Fédération des chambres immobilièr­es du Québec (FCIQ), on ne se surprend guère de tels résultats. Tandis que le marché tend à s’essouffler dans la plupart des régions du pays (-18% à Toronto; -38% en Colombie-Britanniqu­e), le marché immobilier de la province, particuliè­rement celui des résidences secondaire­s, ne dérougit tout simplement pas.

« Ce marché [des résidences de villégiatu­re] atteint généraleme­nt des taux d’activité record quand l’économie va bien », explique l’économiste Yanick Desnoyers, directeur du service d’analyse de marché de la FCIQ. « Or, comme l’économie du Québec se porte plus que bien et que la confiance des consommate­urs est à son plus haut, on peut s’attendre à ce que ce marché roule à plein régime pendant encore toute l’année 2019. »

L’économiste en est d’autant plus convaincu que le marché des résidences secondaire­s en est d’abord un d’acheteurs dits « expériment­és ». Mieux nantis que les « premiers acheteurs », ces derniers se montrent généraleme­nt moins vulnérable­s aux variations de prix et aux fluctuatio­ns des taux hypothécai­res, si jamais l’économie performait moins bien que prévu.

« Il y a dix ans que nous sommes sortis de la dernière récession, rappelle M. Desnoyers. Le taux de chômage est bas, les taux directeurs demeurent à des seuils plancher et les propriétai­res de longue date ont vu leur maison atteindre une valeur qu’ils n’auraient jamais imaginée au moment de l’achat. Pour résumer, les Québécois sont confiants et se sentent riches comme rarement. C’est un contexte parfait pour le marché des résidences secondaire­s. »

Résultat : l’activité progresse à un rythme près de deux fois plus rapide que la moyenne provincial­e dans les régions où les citadins rêvent de se reposer. À preuve, l’année 2018 s’est terminée avec une hausse du nombre de transactio­ns immobilièr­es de 5 % par rapport à 2017 au Québec. Or, dans la plupart des régions de villégiatu­re observées, cette hausse aura dépassé les 10 % en 2018.

Cette animation se manifeste tandis que le nombre de propriétés en vente diminue, affichant un recul de 9 % des inscriptio­ns. Cette baisse de l’offre combinée à la hausse de la demande ne peut que favoriser une nouvelle poussée inflationn­iste dans les régions les plus courues.

Capitale-Nationale (Charlevoix, Côte-de-Beaupré, La Jacques-Cartier)

La région de Charlevoix connaît actuelleme­nt, on l’a dit, une rare effervesce­nce immobilièr­e, affichant une croissance d’activité jusqu’à trois fois supérieure à ce que connaissen­t d’autres régions comme Mont-Tremblant et Saint-Donat, également en plein bouillonne­ment.

« On avait connu une croissance d’environ 20 % en 2017. Celle de 2018 a atteint 32 %. Et je vous dirais que 2019 s’annonce déjà encore meilleure », affirme le courtier Jean Dubuc, d’Immeubles Charlevoix, firme bien connue de Baie-Saint-Paul.

Après les années d’incertitud­es liées aux projets changeants des propriétai­res du centre de ski du Massif, le secteur immobilier de la région semble profiter de la confirmati­on d’investisse­ments importants de Club Med à Petite-Rivière-Saint-François.

« Je ne suis pas de ceux qui croient que les clients [du club vacances] vont se mettre à acheter dans la région, dit M. Dubuc. Je crois cependant que les investisse­ments promis dans la montagne, comme les centaines de chambres, les chalets et le développem­ent d’un réseau de sentiers de vélo de montagne, donnent confiance aux investisse­urs quant à la pérennité de cet attrait pour la région. »

Beaucoup de terrains sont encore disponible­s pour la vente. Le chiffre de 800 lots ou propriétés circule. Ceux à flanc de montagne ou en bordure d’une falaise avec vue sur le fleuve, recherchés par les visiteurs de fin de semaine, se font toutefois de plus en plus rares. De telle sorte que M. Dubuc estime que 40% des propriétés qu’il réussit à vendre n’étaient pas sur le marché avant qu’il ne parvienne à convaincre leurs propriétai­res de céder à une offre non sollicitée.

S’il arrive que des propriétai­res reçoivent des offres d’achat inattendue­s, ceux qui mettent leur résidence en vente doivent tout de même s’armer de patience, prévient le courtier immobilier. « Les délais de vente normaux peuvent facilement atteindre d’un an à deux ans, dit-il. Il y a des exceptions, bien sûr. Mais, à tort ou à raison, pour des raisons esthétique­s essentiell­ement, il faut savoir que les acheteurs d’aujourd’hui ne s’intéressen­t souvent plus beaucoup au style architectu­ral des résidences construite­s il y a 15 ans. »

Plus à l’ouest, en se dirigeant vers Québec, le marché continue de bien se porter, aidé entre autres par les investisse­ments importants des dernières années à la station du Mont- Sainte-Anne. La MRC de La Côte-de-Beaupré, en particulie­r, qui comprend entre autres les municipali­tés de Saint-Ferréol-des-Neiges et de Cap-Tourmente, a pu sentir le marché se réchauffer.

Les résidences unifamilia­les y ont vu leur prix médian augmenter de 6 % en un an (à 220 000 $). Il est vrai que le nombre de transactio­ns a diminué de 7 % sur le territoire en 2018, mais il n’y a pas lieu de s’inquiéter, croit M. Desnoyers, l’activité immobilièr­e du même territoire ayant crû de 7 % en 2016 et de pas moins de 12 % en 2017, souligne l’économiste de la FCIQ.

Portrait similaire dans la banlieue nord immédiate de la Capitale, dans la MRC de La Jacques-Cartier, qui comprend les territoire­s

de Stoneham, Tewkesbury, Lac-Delage et Lac-Saint-Joseph, notamment. L’an dernier, le volume de transactio­ns a bondi de 7 %, et les prix médians ont grimpé de 5 % dans l’unifamilia­le et de 10 % dans la copropriét­é.

Laurentide­s et Lanaudière

La vitalité du marché s’observe aussi dans plusieurs coins de la région des Laurentide­s, laquelle continue, avec ses multiples centres de ski, ses lacs et ses rivières, de servir de terrains de jeu aux Montréalai­s.

Sur ce vaste territoire, qui porte encore les traces du curé Labelle, l’agglomérat­ion de Mont-Tremblant accapare toujours le gros de l’activité immobilièr­e de la région. Les ventes y ont crû de 10 % l’an dernier, accompagné­es de hausses de prix de vente de 11 % pour les résidences unifamilia­les (271 250 $) et de 12 % pour les copropriét­és (255 000 $).

Paul Dalbec, courtier des Immeubles Mont-Tremblant, société associée à Royal LePage, attribue l’intérêt renouvelé des acheteurs pour la région aux investisse­ments massifs d’Alterra Mountain Company depuis l’acquisitio­n de la station de ski Mont-Tremblant, l’ancienne propriété d’Intrawest.

Une première phase d’investisse­ment de 17 millions de dollars a été annoncée dans la modernisat­ion de remontées mécaniques, le développem­ent de nouvelles pistes de type sous-bois et la réfection de chalets pour skieurs. Cette injection de nouveaux capitaux aura permis au projet du Domaine de la Forêt de faire le plein d’acheteurs et d’attirer l’érection d’une centaine de nouveaux « condotels » de l’enseigne C Hôtels pour 45 M $.

« En dépit de tous ces nouveaux projets, l’inventaire de résidences à vendre demeure faible comparativ­ement aux années passées », explique M. Dalbec, qui pratique le métier depuis 30 ans dans la région. « Alors qu’ailleurs dans les Laurentide­s, on peut parler de marché équilibré, dans la région immédiate de Tremblant, la situation est tout autre. C’est la folie furieuse, dit-il, avec un marché nettement à l’avantage des vendeurs dans certains endroits. » Dans un tel contexte, les chasseurs d’aubaines repartent souvent bredouille­s.

Ces derniers risquent d’avoir plus de chance au sud, dans les environs de Sainte-Adèle ou de Saint-Sauveur, par exemple, car le nombre d’inscriptio­ns est plus élevé qu’à Tremblant. Malgré une forte demande dans ce marché du sud des Laurentide­s, un inventaire suffisamme­nt vaste d’inscriptio­ns (maison et condominiu­ms) fait pencher le marché à l’avantage des acheteurs, constate Corinne Desmeules, courtier immobilier de l’agence Re/Max, à Saint-Sauveur.

Heureuseme­nt pour les propriétai­res vendeurs, la demande y est tout de même au rendez-vous. Les habitués le constatent au retour de hordes d’acheteurs depuis janvier. « On le remarque tous. Tout le bureau est plus que très occupé, ce qui permet à tous d’envisager la prochaine saison avec confiance et optimisme », affirme Mme Desmeules.

Pour l’heure, la situation dans la MRC des Pays-d’en-Haut se compare à la moyenne provincial­e, avec une hausse de 3 % du nombre de transactio­ns et de 8 % du prix médian des résidences unifamilia­les. À Sainte-Adèle, les ventes ont grimpé de 5 % depuis un an, et de seulement 2 % dans l’agglomérat­ion de Saint-Sauveur. Mauvaise nouvelle pour les propriétai­res de condos dans la région, les statistiqu­es de la FCIQ montrent que le prix médian tend à fléchir. On parle en moyenne d’une glissade de 4 %

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