« L’avenir passe par le chaos constructif ! »
Le Quartier de l’innovation (QI) fête aujourd’hui sa sixième année d’existence. Implanté au coeur de Montréal, il s’agit d’un écosystème où travaillent de concert universités (McGill, Concordia…), organismes (Salon 1861, Factry…) et citoyens dans le but d’« inventer demain ». Damien Silès, son directeur général, fait le point sur ses succès, mais aussi sur ses défis…
OLIVIER SCHMOUKER – À vos yeux, quelle est la plus grande réussite du QI? DAMIEN SILÈS – Nous avons un réel impact. Un chiffre en témoigne: nos partenaires du milieu des affaires ont investi ici plus de 80 millions de dollars, ces trois dernières années. Il englobe notamment le prochain pavillon de l’ÉTS dans l’ancienne brasserie Dow, la rénovation de l’ancien Planétarium pour accueillir le Centech ainsi que l’ouverture, ce printemps, de la Piscine, une toute nouvelle communauté d’entrepreneurs au croisement des industries culturelles et créatives. Autant de signes qui montrent que le monde change, en partie grâce à nous. O.S. – Un des projets en cours ici-même peut-il vraiment changer le monde de demain?
D.S. – Oui. On va voir la 5G naître ici. La 5G, c’est la cinquième génération de standards pour la téléphonie mobile. Elle permettra d’accomplir des merveilles qu’on peine encore à imaginer : il sera possible, par exemple, de télécharger un film entier en quelques millisecondes. Or, le QI est aujourd’hui en train de servir de terrain de jeu pour les entreprises pionnières de la 5G. Nous sommes leur laboratoire à ciel ouvert, avec des tests sur des « ruches intelligentes » menés par la start-up montréalaise Nectar, ou encore des tests sur la navette 100% autonome qui circulera cet été dans le quartier.
« La technologie n’est qu’un outil, mais un outil qui présente la particularité d’être hyperévolutif. Voilà pourquoi il faut sans cesse la tester, l’adapter à nos besoins actuels et futurs. » – Damien Silès, directeur général du Quartier de l’innovation
O.S. – Mais le futur est-il nécessairement technologique? D.S. – La technologie n’est qu’un outil, mais un outil qui présente la particularité d’être hyperévolutif. Voilà pourquoi il faut sans cesse la tester, l’adapter à nos besoins actuels et futurs. Un exemple frappant est le projet intitulé provisoirement « Convergence Griffintown ». L’OBNL La Traversée et l’entreprise d’économie sociale Bâtir son quartier se sont unis à nous pour mettre en place le premier bâtiment spécialement conçu et destiné aux personnes âgées du secteur Griffintown. L’idée est de répartir sur 19 étages quelque 280 logements destinés aux aînés (9 étages), aux
personnes à mobilité réduite (3 étages), aux jeunes familles (4 étages) et à différents services à la communauté (3 étages, entre autres, pour un CPE et des services de proximité). Il est clair que les dernières avancées en matière de technologie seront utilisées pour rendre vivante et dynamique cette communauté à nulle autre pareille.
L.A. – Les projets abondent, mais n’avez-vous pas des défis imprévus à relever par la même occasion ? On peut penser à l’émergence de nouveaux concurrents comme la fondation Osmo… D.S. – Osmo et les autres acteurs de l’innovation ne sont pas des concurrents, mais des partenaires. J’en veux pour preuve qu’Osmo et nous allons élaborer ensemble un index des start-up, lequel va permettre de cartographier l’univers des technologies de l’information à Montréal. C’est bien simple, le domaine de l’innovation ne nous appartient pas, et c’est tant mieux : plus on est nombreux à s’en occuper, mieux c’est. Notre rôle, dans tout ça, est d’établir des ponts entre tout le monde. Je pense notamment au Mile-Ex, le quartier tendance de l’intelligence artificielle, avec des joueurs comme l’Institut de valorisation de données (IVADO) et Element AI. Leur problème actuel ? L’acceptation sociale, car leur venue risque de gonfler les prix des loyers, et nombre de gens – artistes et artisans ayant leur atelier à proximité – craignent de devoir déménager. Il leur faut absolument prendre en compte l’impact de leur arrivée sur la vie locale, et nous, au QI, nous avons l’expertise pour ça. Bref, nous sommes idéalement placés pour les conseiller en ce sens. Eux, comme d’autres quartiers tendance qui voient le jour ici et là, un peu partout sur la planète. O.S. – Vous souhaitez exporter le concept du QI à l’étranger ?
D.S. – Oui, bien sûr. L’idée nous est venue à force d’accueillir des Américains, des Brésiliens, des Français à la recherche d’inspiration pour booster localement