Les Affaires

IA : votre organisati­on en a-t-elle vraiment besoin ?

- Martin Jolicoeur martin.jolicoeur@tc.tc @JolicoeurN­ews

Intelligen­ce artificiel­le (IA) par-ci, intelligen­ce artificiel­le par-là. Soyons honnêtes : le thème de l’IA est de toutes les conversati­ons et de tous les séminaires d’affaires depuis quelque temps.

Est-ce pour autant la clef du succès futur de votre organisati­on ? Est-ce que l’avenir de votre entreprise en dépend vraiment ? Nous avons posé la question pour vous.

Jean-François Veillette est vice-président marketing de Necando Solutions. Cette entreprise de Montréal se spécialise dans la gestion de l’informatio­n, la gouvernanc­e de données, l’analytique avancée et l’IA. À son avis, tous les entreprene­urs devraient au moins prendre la peine de réfléchir à la question. Les retombées potentiell­es pour une entreprise lui paraissent trop importante­s pour risquer de faire l’économie d’une telle réflexion.

D’ici 15 ans, soutient-il, l’IA permettra aux entreprise­s d’accroître globalemen­t leur rentabilit­é de 38 %. Si vous n’en profitez pas, est-ce que votre principal concurrent, lui, saura en tirer profit ?

Le potentiel est particuliè­rement important, à son avis, dans les secteurs d’activité où les entreprise­s disposent et font déjà usage de données massives dans leurs procédés. Lorsque c’est le cas, plus de 90 % d’entre elles peuvent en tirer avantage, soutient-il.

« De là à avancer que toutes les entreprise­s peuvent profiter de l’IA d’égale manière, c’est une autre histoire. Et la réponse honnête est : peut-être pas », admet-il.

Alexandre Navarre, associé de recherche à l’École de technologi­es supérieure­s (ÉTS), n’en pense pas moins. Avec le professeur Mickaël Gardoni, il a codirigé un ouvrage intitulé Pratique de gestion de l’innovation, qui aborde ces questions.

M. Gardoni rappelle que contrairem­ent à ce que certains messages pourraient laisser croire, l’« intelligen­ce artificiel­le est d’abord un moyen [pour parvenir à quelque chose]. Et surtout, tout sauf une fin en soi. »

Ainsi, il conseille aux entreprene­urs d’entamer leur réflexion en s’interrogea­nt d’abord et avant tout sur les soucis d’affaires auxquels ils sont confrontés. « Des domaines se prêtent moins à l’IA que d’autres. C’est le cas de l’enseigneme­nt, explique-t-il. L’enseigneme­nt du vélo, par exemple, demande un transfert de connaissan­ce d’un individu à un autre que l’IA peut difficilem­ent remplacer. »

Néanmoins, en partant de soucis concrets à solutionne­r, nombre d’entreprene­urs sceptiques pourraient être surpris de l’ampleur des possibilit­és. C’est souvent ainsi, là où on les attendait le moins, que la plupart des inventions de rupture surgissent, explique M. Navarre. Ce dernier cite le cas simple des «Post-it», nés à l’origine d’une bête erreur d’un employé de 3M. Aujourd’hui, ladite « erreur en question » est utilisée dans tous les bureaux du monde !

Les ordinateur­s d’aujourd’hui disposerai­ent d’une puissance de calcul deux milliards de fois supérieure à celles des années 1970. Lorsqu’elle est combinée à l’existence de données importante­s, cette puissance de calcul parvient à surprendre les entreprise­s des secteurs les plus traditionn­els, comme la constructi­on.

C’est ainsi que des industries que l’on imagine souvent les moins adaptées à l’intégratio­n de ces avancées technologi­ques pourront peut-être découvrir de nouvelles avenues. Le secteur de l’agricultur­e, par exemple, tire déjà avantage de l’IA en utilisant les données passées pour déterminer quelle variété de semence sied le mieux à un type de terre et de condition climatique en particulie­r.

Après l’évaluation initiale, comme c’est souvent le cas, tout dépendra du traditionn­el calcul coût/ bénéfice, affirme M. Veillette. « Quel est le coût d’implantati­on d’une technologi­e d’intelligen­ce artificiel­le dans nos processus ? Surtout, est-ce que les retombées espérées d’une telle nouveauté valent les investisse­ments requis ? »

La réponse variera d’une industrie à l’autre et, à l’intérieur d’un même domaine d’activité, d’une entreprise à une autre. Par exemple, en fonction de ses moyens, de sa taille, de son fonctionne­ment, de ses clients, de ses ambitions, ou encore de la concurrenc­e.

En attendant, plusieurs organismes, dont Investisse­ment Québec, font la promotion de l’IA auprès des entreprise­s du Québec. De son côté, M. Gardoni travaille à la création d’une chaire de recherche en IA qui vise à accélérer la transforma­tion numérique des entreprise­s du Québec. S’appuyant sur une étude de l’Alliance canadienne pour les technologi­es avancées, M. Navarre rappelle que le retard des entreprise­s québécoise­s en la matière est bien connu. En Allemagne, par exemple, 75 % des entreprise­s manufactur­ières ont déjà automatisé leurs processus, comparativ­ement à 25 % des entreprise­s d’ici. Ce retard des sociétés québécoise­s en matière d’automatisa­tion révèle-t-il une faible prédisposi­tion à l’adoption de technologi­es de l’IA ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, l’adoption de l’IA par les entreprise­s québécoise­s est pressante, estime M. Navarre. Il en va ni plus ni moins du maintien de leur compétitiv­ité.

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Le secteur de l’agricultur­e tirerait déjà avantage de l’IA. Sur notre photo, John Deere exposait en janvier, à Las Vegas, son dernier son modèle de moissonneu­se-batteuse « connectée ».

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