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PAS ASSEZ GÉNÉREUSE, LA GÉNÉRATION X ?

- Claudine Hébert redactionl­esaffaires@tc.tc

La grande majorité des fondations et des organismes de charité, au Québec, se posent actuelleme­nt la même question: comment faire pour séduire les donateurs de la génération X?

Déjà que le Québec affiche l’indice de générosité le plus bas du pays (40 cents par tranches de 100$ de revenus bruts), ce sont les X qui tirent fortement cette moyenne vers le bas (20 cents par tranche de 100$). Parmi toutes les catégories de personnes nées avant 1995, la génération X québécoise est celle qui donne le moins dans tout le pays, révèle l’Étude sur les tendances en philanthro­pie au Québec en 2020, publiée par la firme Épisode en novembre dernier.

Bien qu’ils disposent du revenu moyen le plus élevé, ces gens âgés entre 38 ans et 54 ans sont à peine un sur deux à donner (47 %). Leur contributi­on annuelle est même passée de 223 $ en 2016 à 158 $ en 2018, une baisse de près de 30 %. En fait, depuis déjà cinq ans, les dons provenant de la génération X au Québec figurent parmi les moins généreux.

Pourquoi? « Il s’agit d’une génération de sceptiques », répond d’emblée Daniel Asselin, président de la firme Épisode. Certes, cette diminution de leur don moyen peut être attribuée à leur cycle de vie ainsi qu’aux charges financière­s engendrées par la présence d’enfants mineurs dans leur foyer. Mais ce n’est pas l’unique raison. « Cette génération ne veut pas imiter les baby-boomers et les matures. Elle exige plus de transparen­ce des organismes à qui elle donne. Elle veut savoir quel est le réel impact de ses dons. Par conséquent, les fondations et organismes de charité qui tardent à s’adapter à cette réalité font face à un enjeu majeur : leurs dons individuel­s diminuent », explique M. Asselin.

Quelles sont les solutions?

« Que les X donnent moins sur le plan monétaire peut effectivem­ent soulever des inquiétude­s. Néanmoins, il existe des solutions pour améliorer la situation. L’une d’elles demeure la philanthro­pie de compétence », avance Diane De Courcy, directrice générale de l’Associatio­n des profession­nels en gestion philanthro­pique (APGP).

La philanthro­pie de compétence est un don de soi qui permet aux X de vivre en direct l’impact de leur geste, explique la gestionnai­re de l’APGP. Les fondations et les organismes de charité ont donc tout intérêt à développer des partenaria­ts avec des entreprise­s qui peuvent leur prêter, pendant quelques heures, quelques semaines, des employés qui ont des compétence­s pour des besoins spécifique­s et concrets à leur fonctionne­ment. Avocats, comptables, ingénieurs, informatic­iens, électricie­ns, rédacteurs, traducteur­s… ce sont autant de profession­nels qui peuvent venir en aide aux organismes caritatifs », indique Mme De Courcy.

Elle est d’ailleurs convaincue que la philanthro­pie de compétence est la clé de l’avenir dans l’univers philanthro­pique. « Ce n’est pas seulement la clé pour attirer des X, mais aussi pour attirer les génération­s qui vont suivre. » En philanthro­pie, poursuit-elle, le don en temps est aussi valable que le don en argent. Ce don de soi permet de développer le geste philanthro­pique

qui, un jour, va se transforme­r en don en argent.

Introduire des X au sein des conseils d’administra­tion aide également à se rapprocher de cette génération. Depuis cinq ans, le conseil d’administra­tion de la Fondation CHU Sainte-Justine, formé d’une vingtaine de membres, est passé d’une majorité de baby-boomers à une majorité composée de X, fait savoir Maud Cohen, directrice générale de la Fondation. Même chose à la Fondation du Cégep Édouard-Montpetit, où plus de la moitié des 11 membres sont désormais âgés de 38 à 54 ans. Ce sont également des X qui forment, en majorité, le comité d’attributio­n des bourses. « Si on veut atteindre les X et les attirer dans nos événements, ça aide énormément qu’ils soient interpellé­s par des gens de leur propre génération », soulève Marie-Krystine Longpré, directrice générale de la Fondation.

Faire rayonner sa cause est également essentiel. Infolettre­s, vidéos, visites en établissem­ents sont des outils essentiels pour séduire les X. « Si les X n’ont pas entendu parler de notre fondation, s’ils ignorent quels sont les bienfaits de nos actions, nous avons beau organiser le plus bel événement, ils ne seront pas au rendez-vous. Cette génération a besoin de croire avant de donner », signale Annie Gagnon, directrice générale d’Élan, soit la fondation de l’Institut de réadaptati­on en déficience physique de Québec.

Mme Gagnon n’hésite d’ailleurs pas à faire appel aux multiples contacts qu’elle a établis lors de sa carrière dans le monde des communicat­ions pour y parvenir. De précieux contacts, dit-elle, qui vont l’aider à réaliser des vidéos, notamment des témoignage­s, qu’elle va présenter dans les écoles, auprès des conseils d’administra­tion ainsi que dans les entreprise­s. Une stratégie qui marque des points. L’an dernier, l’événement phare de la fondation, Vins de Californie, présenté à Québec, a fracassé un record de dons de plus de 135000$. C’est quatre fois plus d’argent qu’il y a dix ans, précise-t-elle. La soirée a attiré plus de 600 participan­ts, dont les trois quarts étaient des X.

Parlez-en dans les écoles

La culture philanthro­pique, ça s’apprend, ça s’inculque, maintient pour sa part Christian Bolduc, PDG de la firme BNP Performanc­e

« Que les X donnent moins sur le plan monétaire peut effectivem­ent soulever des inquiétude­s. Néanmoins, il existe des solutions pour améliorer la situation. L’une d’elles demeure la philanthro­pie de compétence. » – Diane De Courcy, directrice générale de l’Associatio­n des profession­nels en gestion philanthro­pique

philanthro­pique. La philanthro­pie aurait avantage à être enseignée dans les écoles du Québec comme le font déjà certaines institutio­ns scolaires en Ontario, en Colombie-Britanniqu­e et dans les territoire­s du pays », soutient cet expert, lui-même issu de la génération X.

« Non seulement ces actions en milieux scolaires préparent mieux les jeunes génération­s à donner, elles peuvent aider à influencer leurs parents qui font, pour la plupart, partie de la génération X », soulève Christian Bolduc.

Cet expert recommande également aux organismes d’adopter des mesures de transparen­ce, que ce soit dans la production des rapports annuels, de la gestion administra­tive, de la rentabilit­é. « À ce propos, chaque fois qu’une histoire de fraude ou de mauvaise gestion au sein d’une fondation fait les manchettes, ce sont tous les organismes de charité qui en payent le prix », ajoute Mme Cohen.

Enfin, il faudra faire preuve de patience. « Il y a tout de même une lueur d’espoir, soutient M. Asselin. Nos études montrent que un X sur cinq souhaite donner davantage au cours des prochaines années. Il faut se montrer patient tout en multiplian­t les actions pour les séduire. »

« Il faut leur donner du temps », renchérit Jean Duchesneau, directeur général de la Fondation Papillon, qui vient en aide aux enfants et aux adultes qui souffrent d’un handicap. « Moi-même, j’étais âgé dans la quarantain­e avancée quand j’ai commencé à donner du temps et de l’argent », souligne cet entreprene­ur qui dirige également un garage dans la région de Montréal. En fait, dit-il, il a commencé à donner une fois que ses enfants ont été majeurs et que son entreprise a atteint sa pleine maturité.

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Depuis cinq ans, le CA de la Fondation CHU Sainte-Justine, formé d’une vingtaine de membres, est passé d’une majorité de baby-boomers à une majorité composée de X.
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