Les Affaires

Agent de changement

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | @@ diane_berard

Théo Scubla, cofondateu­r, Wintegreat et Wero

« Nous comblons le fossé entre le potentiel profession­nel des réfugiés et leur situation d’emploi dans le pays d’accueil. »

Agent de changement — Wintegreat et Wero abordent l’enjeu des réfugiés sous l’angle économique.

Les réfugiés que Wintegreat accueille et accompagne deviennent les candidats que Wero propose aux directions de RH aux prises avec une pénurie de main-d’oeuvre.

DIANE BÉRARD – Wintegreat et Wero forment un duo. Quelle intention a porté leur création?

THÉO SCUBLA – Nous comblons le fossé entre le potentiel profession­nel des réfugiés et leur situation d’emploi dans le pays d’accueil. La France accueille 47000 réfugiés par année. Alors que les entreprise­s peinent à recruter et sont aux prises avec des enjeux de diversité, nombre de ces réfugiés travaillen­t en deçà de leurs capacités. D.B. – Pourquoi la situation profession­nelle des réfugiés vous préoccupe-t-elle?

T.S. – Je suis petit-fils d’immigrants italiens. Arrivée en France à 12 ans, ma grand-mère n’a pas poursuivi sa scolarisat­ion, faute d’argent. À maintes reprises, elle m’a confié sa frustratio­n de n’avoir jamais réalisé son plein potentiel. D.B. – Tout a débuté avec Wintegreat en 2015... T.S. – J’ai cofondé Wintegreat pendant mes études universita­ires. Lors de programmes tremplins de 12 semaines, les réfugiés apprennent à recréer des connexions sociales et d’autres compétence­s relationne­lles, ainsi que le français. Ces programmes sont offerts par notre personnel, mais ils sont donnés dans les université­s. D.B. – Pourquoi était-ce important que vos programmes soient hébergés dans les université­s?

T.S. – L’université est le lieu où l’on construit son avenir. C’est un lieu d’apprentiss­age et de rencontres où l’on bâtit le vivre-ensemble. D.B. – Comment Wero complète-t-elle le travail de Wintegreat?

T.S. – Wintegreat accueille et accompagne les réfugiés, puis les intègre au marché du travail. Elle répond à un enjeu économique (la pénurie de main-d’oeuvre, le manque de diversité, la difficulté à innover) tout en ayant un impact social (casser l’image misérabili­ste des réfugiés et la précarité à laquelle ils sont condamnés). D.B. – La particular­ité de Wero est de placer les réfugiés dans des postes équivalent­s à ceux qu’ils occupaient dans leur pays d’origine...

T.S. – Un réfugié qui travaille en deçà de ses capacités et de ses compétence­s, c’est un gâchis personnel et sociétal. De plus, nous veillons à ce qu’ils reçoivent le même salaire qu’un local qui occupe le même poste. D.B. – Wero est-elle une banque où pigent les employeurs?

T.S. – C’est bien une banque, mais son usage est interne. Tous les organismes partenaire­s de Wintegreat y inscrivent un profil détaillé de chaque réfugié qu’ils accompagne­nt : éducation, niveau de langue, expérience profession­nelle, projet profession­nel, etc. Wero fait du démarchage auprès des DRH des entreprise­s pour connaître les besoins de recrutemen­t qu’elles peinent à combler et, plus encore, leurs objectifs stratégiqu­es : percer un marché, servir une nouvelle clientèle, imaginer des produits ou des services. Nous démontrons aussi comment nos candidats constituen­t une solution. D.B. – Comment surmontezv­ous les préjugés liés à la reconnaiss­ance des compétence­s et de l’expertise profession­nelle des réfugiés? T.S. – Wintergrea­t est notre arme stratégiqu­e. Par sa démarche structurée, une foule d’intervenan­ts entourent les réfugiés. Ils bâtissent leur crédibilit­é en terre d’accueil et ils s’en portent garants. Ces références, associées à l’historique de nos embauches réussies, font une partie du travail. Wero développe aussi un système d’analogies pour les formations et pour les postes. On peut, par exemple, déterminer quel type d’expérience française en conformité bancaire est équivalent­e au Soudan ou en Syrie. D.B. – Votre offre de service se poursuit-elle après l’embauche?

T.S. – Pendant la période d’essai de trois à huit mois, nous appelons nos clients chaque mois pour nous assurer que tout se passe bien. Si ça coince, nos collègues de Wintegreat forment les gestionnai­res au management intercultu­rel. Il s’agit de dédramatis­er les blocages. Le candidat étranger n’est pas toujours « formaté » comme son nouveau patron. Nous l’avons fait, entre autres, chez l’Oréal. D.B. – Quels sont vos principaux défis?

T.S. – La chaîne de valeur de Wintegreat doit être numérisée – pour enregistre­r plus de réfugiés – et ses revenus, diversifié­s. Wintegreat repose sur les dons et les subvention­s. Nous voulons qu’une partie des revenus de Wero soit redistribu­ée à Wintegreat. D’ailleurs, Wero part en quête d’anges financiers, car il faut construire sa marque. Nous envisageon­s de créer un label diversité. Nos clients actuels du secteur bancaire, de la grande distributi­on, des télécoms et du secteur pétrolier seront partenaire­s de création.

« Nous comblons le fossé entre le potentiel profession­nel des réfugiés et leur situation d’emploi dans le pays d’accueil. » – Théo Scubla, cofondateu­r, Wintegreat et Wero

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