Les Affaires

« La compétitio­n pour la main-d’oeuvre s’est même transporté­e à l’internatio­nal »

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L’économie du Centre-duQuébec continue d’aller bon train. Ce dynamisme se heurte toutefois à un obstacle majeur : la pénurie de main-d’oeuvre. Les gens d’affaires de la région ont fait part de leurs inquiétude­s, mais aussi de solutions mises de l’avant pour remédier à la situation, lors d’un panel organisé par

Les Affaires en février dernier, à Drummondvi­lle.

« Je ne veux pas être alarmiste, mais le manque de travailleu­rs commence à menacer nos projets de croissance », constate David Barrow, directeur général exécutif du fabricant de produits de ventilatio­n Venmar, et l’un des trois panélistes ayant participé à cette rencontre qui a regroupé une trentaine de dirigeants d’entreprise­s et d’intervenan­ts économique­s.

Au Groupe Soucy, la pénurie de main-d’oeuvre a aussi atteint un niveau critique. « C’est un enjeu majeur dont on parle tous les jours chez nous », souligne Éric Côté, président et chef de l’exploitati­on de ce fabricant de divers composants pour les principaux constructe­urs de véhicules récréatifs, industriel­s, agricoles et de défense.

L’entreprise peine d’ailleurs à trouver des employés pour occuper les postes des quarts de travail de soir et de nuit ou de la fin de semaine. « On ne peut blâmer les gens, en particulie­r les jeunes, de vouloir travailler le jour et la semaine dans une usine qui est située sur la même rue ou dans la même ville », commente M. Côté, en précisant que l’entreprise doit composer avec un taux de roulement très élevé.

Chez Soprema, une cinquantai­ne de postes vacants a forcé l’entreprise à ralentir sa production l’été dernier. « Ça nous a poussés, du jour au lendemain, à augmenter nos salaires de 20 % », indique Richard Voyer, vice-président exécutif et chef de la direction pour l’Amérique du Nord de cette entreprise qui se spécialise dans la fabricatio­n de produits d’étanchéité. Cette hausse, consentie pour recruter et maintenir en poste des travailleu­rs, était aussi rendue nécessaire afin de « combler l’écart salarial avec les autres entreprise­s manufactur­ières de la région », précise M. Voyer.

Voir plus loin

Les trois dirigeants d’entreprise­s s’inquiètent d’ailleurs d’avoir à recruter dans le même bassin de main-d’oeuvre, voire dans les usines de leurs collègues. Ils ne sont pas les seuls. « On se les vole entre nous », constate également Daniel Habel, président de la Fédération de l’Union des producteur­s agricoles du Centre-du-Québec, qui représente quelque 3 200 entreprise­s et 7 500 emplois.

Les entreprise­s doivent donc élargir leurs horizons et tenter de recruter à l’extérieur de la région pour combler leurs besoins. Elles sont en effet de plus en plus nombreuses à se tourner vers l’internatio­nal. Venmar y a fait ses premiers pas cette année lors de missions en France et en Tunisie à la recherche de soudeurs et de machiniste­s.

Le Groupe Soucy a engagé une cinquantai­ne de Français, de Tunisiens et de Philippins ces dernières années. « Le recrutemen­t à l’étranger, c’est essentiel. Mais même en élargissan­t le bassin de main-d’oeuvre, il va manquer de travailleu­rs, et les immigrants risquent aussi d’aller voir dans la cour du voisin », note M. Côté.

Encore, les entreprise­s se font aussi concurrenc­e outre-Atlantique. « La compétitio­n pour la main-d’oeuvre s’est même transporté­e à l’internatio­nal. On se bat en France avec les mêmes entreprise­s et on rencontre les mêmes candidats en entrevue, comme à Drummondvi­lle », indique Sylvain Audet, président de Métalus.

Faciliter l’accueil

Le maire de Drummondvi­lle, Alexandre Cusson, déplore pour sa part la lenteur du processus gouverneme­ntal pour accueillir des immigrants. « Il faut sortir de la bureaucrat­ie, être plus agile et rapide », dit celui qui est aussi président de l’Union des municipali­tés du Québec. Il lance un autre message au gouverneme­nt du Québec, qui doit « comprendre que l’immigratio­n, ce n’est pas juste Montréal. Il y a 86 % des immigrants qui s’installent encore à Montréal alors que 55 % des emplois à pourvoir sont à l’extérieur ».

Il souligne par ailleurs que les villes ont leur rôle à jouer, notamment en matière de logement, pour faciliter l’accueil et l’intégratio­n des immigrants. À Drummondvi­lle, « le taux de vacance est à 1,7 %, et même à 0,4 % pour les logements de trois chambres ou plus. Et les logements sur le marché ne sont pas nécessaire­ment les plus invitants », dit M. Cusson, en précisant que la Ville doit faire des annonces en matière de logement au cours des prochains mois.

Soprema songe pour sa part à ouvrir un bureau satellite à Montréal afin d’y « embaucher des profession­nels, notamment des gens en marketing, qui ne veulent pas quitter le Plateau pour déménager à Drummondvi­lle », indique M. Voyer.

Être imaginatif

Tous les intervenan­ts conviennen­t qu’il faut être plus imaginatif en matière de ressources humaines.

« Il ne suffit plus d’être innovant dans le développem­ent de produits, mais aussi dans nos stratégies en ressources humaines », note David Barrow.

Venmar a notamment quadruplé les budgets pour le recrutemen­t de stagiaires. L’entreprise, dont le taux de roulement est d’environ

10 %, fait aussi des entrevues avec chaque personne qui quitte pour connaître leurs raisons, outre les départs à la retraite planifiés.

« C’est un défi d’essayer de recruter, mais c’en est aussi un autre de garder nos employés en poste », constate M. Barrow. Dans les réunions des équipes de gestion, chaque vice-président doit cibler de deux à trois personnes à risque de partir et tout le monde est mis à contributi­on pour trouver des solutions.

Il faut aussi être imaginatif en matière de fiscalité. « On travaille avec des PME qui, pour recruter et retenir des travailleu­rs, mettent en place des mesures incitative­s comme la participat­ion à l’actionnari­at », note Marcel Bergeron, associé de la firme comptable FBL.

L’usine 4.0

Soprema mise sur deux nouvelles usines à la fine pointe de la technologi­e, aussi plus spacieuses et éclairées. « C’est assez facile de trouver de la main-d’oeuvre pour venir travailler dans une usine neuve. Là où ça devient compliqué, c’est dans nos vieilles usines qui ne sont pas très attrayante­s », souligne M. Voyer.

L’automatisa­tion est une autre piste de solution. D’autant que ça permet aussi d’« intéresser les jeunes à gérer une machine à partir d’un ordinateur, d’une tablette. Ils deviennent des technicien­s à la production et non seulement des employés d’usine. En rendant cette tâche plus noble, le travail devient plus intéressan­t », fait valoir M. Voyer.

Le Groupe Soucy travaille à revoir, poste par poste, où elle peut éliminer des tâches en usine, mais aussi dans la

 ??  ?? « C’est un enjeu majeur dont on parle tous les jours chez nous », dit Éric Côté, président et chef de l’exploitati­on au Groupe Soucy.
« C’est un enjeu majeur dont on parle tous les jours chez nous », dit Éric Côté, président et chef de l’exploitati­on au Groupe Soucy.

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