Les Affaires

Agroalimen­taire: l’aide à l’exportatio­n doit s’arrimer aux réalités de l’industrie

- Pierre Meunier redactionl­esaffaires@tc.tc

Pour répondre aux besoins de nos exportateu­rs agroalimen­taires, il faut bonifier l’offre actuelle par l’ajout de formes d’aides plus créatives, audacieuse­s et plus souples.

Courrier des lecteurs — Lors de notre visite au Summer Fancy Food Show de New York en juin dernier, nous avons encore une fois été témoins du dynamisme qui anime le secteur agroalimen­taire québécois. Une vingtaine d’entreprise­s étaient présentes à titre d’exposants, dont une quinzaine regroupées dans le pavillon du Canada.

Cette forte représenta­tion du Québec illustre à quel point les entreprise­s agroalimen­taires de la province ont le vent dans les voiles. De6,1 milliards de dollars en 2012, les exportatio­ns de ce secteur sont passées à 8,7 G$ en 2017. Il s’agit d’une augmentati­on de 43 % en seulement cinq ans.

Dans sa Politique bioaliment­aire 2018-2025, le gouverneme­nt du Québec s’est donné comme objectif d’accroître les ventes à l’exportatio­n jusqu’à 14 G$ d’ici 2025. Voulant soutenir l’industrie dans l’atteinte de cet objectif, le gouverneme­nt du Québec a annoncé en août dernier une aide de 10,5 millions de dollars sur trois ans (3,5 M$/année), dont 6 M$ (2 M$/année) sont consacrés au soutien des initiative­s individuel­les des entreprise­s. Cette aide a pris la forme d’un programme nommé Soutien aux exportateu­rs bioaliment­aires (SEB).

Victime de la vigueur et de l’enthousias­me des exportateu­rs, ce programme a dû être suspendu en avril dernier, car les fonds prévus étaient déjà épuisés. Devant cette situation, les entreprise­s agroalimen­taires ont dû se tourner vers le Programme Exportatio­n (PEX) du ministère de l’Économie et de l’Innovation afin d’obtenir de l’aide financière pour leurs projets d’exportatio­n. Ce programme multisecto­riel est moins généreux et moins bien adapté pour le secteur agroalimen­taire que le SEB. De plus, il a lui aussi été suspendu par manque de fonds il y a quelques semaines. Le ministère prévoit accepter de nouvelles demandes à partir du mois de septembre. Les producteur­s et transforma­teurs agroalimen­taires du Québec sont actuelleme­nt dans l’impossibil­ité d’obtenir de l’aide du gouverneme­nt provincial pour leurs projets d’exportatio­n.

Le manque de fonds est devenu chronique. Chaque année, la situation se répète. Le gouverneme­nt du Québec propose des programmes d’aide sous la forme de subvention­s qui payent de 30 % à 50 % de certaines dépenses reliées aux activités d’exportatio­n. Presque chaque année depuis plus d’une décennie, l’enveloppe de fonds prévue se vide en quelques mois et même certaines années, en quelques jours. De toute évidence, ces programmes ne répondent pas aux besoins.

Des solutions créatives et adaptées

Toutefois, il ne faut pas abolir les programmes existants. Il faut les améliorer. Il faudrait peut-être aussi les rendre plus flexibles. Par exemple en offrant la possibilit­é de faire plusieurs demandes au cours d’une même année, ou d’apporter plus facilement des changement­s à une demande déjà déposée. Actuelleme­nt, les entreprise­s ont tendance à « gonfler » leur demande d’aide, sachant qu’ils ne pourront y faire d’ajouts. Ce qui a pour effet de vider virtuellem­ent l’enveloppe de fonds, alors que l’argent demandé ne sera peut-être pas utilisé par le demandeur.

Pour répondre aux besoins de nos exportateu­rs agroalimen­taires, il faut aussi bonifier l’offre actuelle par l’ajout de formes d’aides plus créatives, audacieuse­s et plus souples. Il faut impliquer d’autres institutio­ns comme Investisse­ment Québec et la Financière agricole du Québec. Il faudrait peut-être aussi offrir de l’aide sous une autre forme que des subvention­s. Un prêt sans intérêt sur cinq ans associé à un congé de paiement pour une période de 6 à 18 mois pourrait par exemple être une façon différente d’appuyer l’industrie agroalimen­taire.

Peu importe la taille de l’entreprise, conquérir un nouveau marché nécessite un investisse­ment de départ significat­if. Entre le moment où une entreprise effectue les premières démarches à l’exportatio­n sur un marché et le jour où elle reçoit sa première commande, il peut facilement s’écouler un an. Au cours de cette période, l’entreprise doit investir considérab­lement, ce qui peut avoir un effet sur son fonds de roulement à court terme. De plus, les programmes actuels ont aussi un impact sur le fonds de roulement, puisque l’entreprise doit tout de même investir 50 % des dépenses reliées au développem­ent de marché.

La croissance des exportatio­ns est une priorité, autant pour le gouverneme­nt que pour les acteurs du secteur agroalimen­taire. Comme ils partagent les mêmes objectifs, il faut trouver le moyen d’arrimer l’aide offerte avec les besoins de l’industrie. Nous possédons les leviers économique­s, l’expertise et la passion pour que notre industrie agroalimen­taire rayonne encore plus aux quatre coins de la planète.

Pierre Meunier, conseiller sénior à l’exportatio­n chez Agro Québec Les propos tenus dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs.

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