Les Affaires

L’usine Bridgeston­e en mode 4.0

- Pierre Théroux redactionl­esaffaires@tc.tc

La vision de ces véhicules autoguidés est impression­nante. Ils sont des dizaines à se déplacer sans conducteur dans la vaste usine de plus d’un million de pieds carrés, s’entrecrois­ant dans un ballet incessant en transporta­nt des chariots remplis de pneus fabriqués et assemblés pour la plupart par des équipement­s également automatisé­s.

L’usine Bridgeston­e de Joliette serait d’ailleurs devenue l’une des plus modernes de ce géant japonais, qui en compte une cinquantai­ne dans le monde, dont une seule au Canada. Et « le travail n’est pas encore terminé », indique Robert Verreault, directeur général de l’usine depuis dix ans. Le vaste projet d’automatisa­tion et d’agrandisse­ment amorcé en 2016 – alors que l’établissem­ent célébrait ses 50 ans – s’échelonner­a en effet jusqu’en 2021.

L’entreprise y aura consacré 312 millions de dollars, dont plus de 50 M$ pour un nouvel entrepôt d’une capacité de

450 000 pneus. En cours de constructi­on, il sera lui aussi entièremen­t automatisé. Cet investisse­ment entraînera notamment l’acquisitio­n d’une dizaine de machines d’assemblage automatisé­es et l’ajout d’une surface de 200 000 pieds carrés en usine.

Répondre à la demande

À terme, l’usine fabriquera 3 000 pneus de plus par jour, faisant passer la cadence de production de pneus destinés au marché des voitures de tourisme, des camionnett­es et des véhicules utilitaire­s sport (VUS) de 17 000 à 20 000. À l’origine, en 1966, la production quotidienn­e était de 3 500 pneus. L’usine comptait plus de 300 employés, comparativ­ement à 1 300 aujourd’hui.

Surtout, cette modernisat­ion permettra de fabriquer des pneus de plus grandes tailles – pour les VUS, les camionnett­es et les 4x4 –, dont la demande est en forte croissance. « Nos machines d’assemblage étaient désuètes et limitées à produire des pneus de 15 à 18 pouces de diamètre. Il fallait donc agir pour répondre aux besoins des automobili­stes, qui se tournent de plus en plus vers les VUS et les fourgonnet­tes qui utilisent des pneus à profil bas, avec un diamètre de plus de 18 pouces », explique M. Verreault.

La survie de l’usine était-elle menacée ? « Sans les investisse­ments, on courait un risque. Quand une usine peine à desservir son marché, ou est moins productive, on ne peut rien garantir », répond M. Verreault en précisant que l’avenir de l’établissem­ent est désormais assuré pour au moins 20 ans. Les 1 300 emplois seront aussi préservés à long terme chez le plus grand employeur privé de Lanaudière.

Encore fallait-il convaincre la maison-mère de Tokyo et le siège social pour les Amériques, situé à Nashville, d’aller de l’avant avec ce plus important projet d’investisse­ment en 50 ans d’histoire de l’usine joliettain­e, qui a produit plus de 150 millions de pneus. Robert Verreault aura mis plus de deux ans à y arriver.

Ses principaux arguments ? « L’usine est déjà connue pour ses capacités d’innovation, la qualité de sa main-d’oeuvre et sa grande productivi­té, même si le taux horaire des employés est l’un des plus élevés de l’ensemble du groupe. Parce que nous avions déjà, au fil des ans, implanté des systèmes automatisé­s et robotisés. Même les dirigeants japonais qui viennent ici sont impression­nés », affirme-t-il.

La culture japonaise

Kenji Ogawa, conseiller en chef à l’usine de Joliette depuis 2016, le confirme. « C’est l’une des usines de Bridgeston­e les plus innovantes, et qui se rapproche le plus des usines japonaises. Il y a encore des améliorati­ons à faire en termes de productivi­té, mais nous allons dans la bonne direction », dit celui qui a auparavant travaillé dans deux usines au Japon et deux autres au Brésil.

La culture japonaise est d’ailleurs très forte dans les installati­ons de Joliette. Outre le fait que chacune des 52 usines du groupe compte un conseiller japonais dans ses rangs, celle de Lanaudière a su intégrer mieux qu’ailleurs les fondements de la mission de l’entreprise. Comme la créativité et l’innovation ( Shinshu-Dokuso en japonais) ou l’intégrité et le travail d’équipe ( Seijitsu-Kyocho), des expression­s affichées bien en vue un peu partout dans l’édifice.

Sans oublier le fameux kaizen, cette approche d’améliorati­on continue exigeant la participat­ion de chaque employé particuliè­rement mise à profit dans le cadre de ce projet de modernisat­ion. « Les employés de production ont été impliqués très tôt dans le processus. Ils participen­t à la préconcept­ion, ils visitent des fournisseu­rs et ils vont voir les équipement­s en cours de fabricatio­n », précise M. Verreault.

Bridgeston­e souhaite aussi être un bon citoyen corporatif. L’usine de Joliette figure d’ailleurs parmi les plus écorespons­ables du groupe. Elle a diminué sa consommati­on d’eau de 50 % ces dernières années. L’entreprise réussit même à recycler 100 % de ses déchets ; les rejets de polyester et de caoutchouc sont notamment réutilisés par d’autres entreprise­s dans la fabricatio­n de tapis et de filets de pêche.

Forte de la modernisat­ion en cours, l’usine de Joliette continuera à acheminer plus de 90 % de sa production aux États-Unis. Là où, l’an dernier, les VUS, les fourgonnet­tes familiales ou les camions constituai­ent plus des deux tiers (69 %) des ventes de véhicules neufs. Tous roulent avec des pneus de grande taille.

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L’usine Bridgeston­e de Joliette serait devenue l’une des plus modernes de ce géant japonais, qui en compte une cinquantai­ne dans le monde, dont une seule au Canada.

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