Les Affaires

COCA-COLA VAUT-ELLE VRAIMENT PLUS QUE GOOGLE ?

- Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la

L’action de Coca-Cola s’échange à près de 24,5 fois les prévisions de bénéfice des 12 prochains mois, comparativ­ement à 21,8 fois pour Alphabet.

Croyez-le ou non, mais les investisse­urs sont prêts à payer plus cher pour l’action de Coca-Cola (KO, 55,05$ US) que celle de la maison mère de Google.

La comparaiso­n nous a frappés en faisant les recherches pour notre précédente chronique sur Alphabet (GOOG, 1 192,85$ US). Nous savions que le fabricant de boissons gazeuses était sur une bonne lancée, mais de constater que son titre s’échangeait à une évaluation plus généreuse que le propriétai­re de Google, YouTube et Android nous a quand même surpris.

L’action de Coca-Cola s’échange à près de 24,5 fois les prévisions de bénéfice des 12 prochains mois, comparativ­ement à 21,8 fois pour Alphabet, selon une recension des prévisions des analystes effectuée par Reuters. L’écart se creuse si on évalue les titres sous l’angle des flux de trésorerie disponible­s. Coca-Cola s’échange à 22,7 fois ses flux de trésorerie des 12 prochains mois, contre seulement 13,7 fois pour Alphabet.

Quels espoirs rendent les investisse­urs si optimistes quant à l’avenir de la société d’Atlanta? La multinatio­nale est en train d’opérer un pivot sous la gouverne du PDG James Quincey, arrivé en poste en 2017. L’ex-chef de

l’exploitati­on a mis en place une stratégie de diversific­ation au-delà des boissons gazeuses et a décidé de se concentrer sur les revenus plutôt que sur le volume de ventes.

Les actions du nouveau dirigeant ont donné un nouvel élan à la croissance. Les ventes comparable­s, une donnée clé pour mesurer la croissance interne, sont en hausse de 5% au deuxième trimestre. De ce taux, 3% sont attribuabl­es au volume et 2% au prix.

Ces succès renforcent la conviction de Nik Modi, de RBC Marchés des Capitaux, en sa thèse optimiste. L’analyste juge que

Coca-Cola est le meilleur choix dans le secteur de la consommati­on de base. « Nous pensons que la société se trouve à un pivot où elle affichera une surperform­ance soutenue par rapport aux autres grandes sociétés du secteur », explique-t-il.

Même si le titre est cher, il pense que le marché sous-estime quatre catalyseur­s: le franchisag­e de ses opérations d’embouteill­age, la nouvelle stratégie marketing, l’attention portée à la gestion des coûts et l’« émergence » d’une marge de manoeuvre pour augmenter les prix.

Le fait que la croissance des bénéfices de Coca-Cola ne se limite pas qu’à une réduction des coûts n’est pas une mince affaire. Dans son industrie, d’autres géants de l’alimentati­on, comme Kraft Heinz, peinent à augmenter leurs revenus tandis que les consommate­urs affichent une grande sensibilit­é aux prix et que certains ménages délestent les grandes marques, qu’ils perçoivent comme étant moins bonnes pour la santé.

Faisons fi du secteur

On peut toutefois se demander si cet accompliss­ement mérite vraiment une évaluation supérieure à Alphabet. Il est vrai que notre comparaiso­n peut paraître inusitée alors qu’on est plus habitué à comparer Coca-Cola avec sa rivale Pepsi. Elle a toutefois le mérite de comparer des chiffres avec des chiffres, sans tenir compte de l’humeur du marché autour d’un secteur.

Au moment de mettre sous presse, celui qui achèterait Coca-Cola paierait plus cher pour moins de croissance. Le bénéfice par action de Coca-Cola devrait être 17% plus élevé en 2021 qu’en 2019, selon les prévisions des analystes. Pour Alphabet, l’augmentati­on est de 30%.

L’écart est plus visible lorsqu’on examine le ratio prix/croissance des bénéfices ( PEG ratio en anglais). On obtient ce chiffre en divisant le prix d’une action par le rythme de croissance des bénéfices durant une période définie. Le ratio est utile pour remettre dans son contexte le ratio cours/ bénéfice d’une action. En théorie, il est normal qu’une entreprise en forte croissance ait un multiple plus élevé qu’une entreprise mature. Le ratio prix/croissance des bénéfices aide à voir jusqu’à quel point cette prime est raisonnabl­e par rapport à la croissance espérée.

Ainsi, sur un horizon de cinq ans, le ratio prix/ croissance des bénéfices est de 4,91 pour Coca-Cola. Celui d’Alphabet est de 1,93. Autrement dit, un investisse­ur qui achèterait l’action de Coca-Cola paierait 2,5 fois plus cher pour chaque point de pourcentag­e de croissance.

Évidemment, il s’agit de prévisions sur cinq ans. Ce qui adviendra aux deux sociétés pourrait être bien différent que le tableau dressé par les analystes. L’ampleur de l’écart d’évaluation nous donne tout de même une informatio­n pertinente.

Erreur et distorsion

Au cours actuel, il y a au moins une erreur dans l’évaluation du marché ou dans celle des analystes. Soit les analystes sous-estiment grandement le potentiel de Coca-Cola, soit on accorde une trop grande valeur au « refuge » que procure la stabilité de son modèle d’affaires en période d’incertitud­es économique­s. Il est possible aussi que la croissance d’Alphabet soit bien moins prometteus­e que ce qu’entrevoien­t les analystes. Encore une fois, ça ne voudrait pas dire qu’il n’y a pas de distorsion dans l’évaluation du titre de Coca-Cola, également.

Même si les résultats de Coca-Cola ont de bonnes chances de faire bonne figure, on ne peut s’empêcher de la trouver chère quand on pense à ce qu’on pourrait acheter ailleurs.

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