Les Affaires

Les risques de récession demeurent modérés

- Mathieu D’Anjou redactionl­esaffaires@tc.tc Mathieu D’Anjou, CFA, est économiste en chef adjoint aux Études économique­s du Mouvement Desjardins.

Après une accalmie en juillet, les tensions commercial­es sont revenues en force au début du mois d’août lorsque le président Donald Trump a décidé d’annoncer de nouveaux tarifs sur environ 300 G$ US d’exportatio­ns chinoises. Les marchés financiers ont réagi très négativeme­nt à ce nouvel épisode de la guerre commercial­e sino-américaine. La chute marquée des taux obligatair­es de long terme, alors que le taux des obligation­s de 10 ans américain est même descendu temporaire­ment en dessous du taux des obligation­s de deux ans pour la première fois depuis la crise de 2008, amène certains commentate­urs à parler d’une récession imminente. Est-ce fondé?

Les conséquenc­es économique­s négatives des tensions commercial­es sont de plus en plus évidentes. On note en particulie­r un ralentisse­ment marqué du commerce mondial qui touche particuliè­rement l’Asie, mais semble aussi freiner le secteur manufactur­ier presque partout sur la planète. Les difficulté­s de l’économie allemande, qui est particuliè­rement dépendante de ses exportatio­ns industriel­les, sont aussi indéniable­s, ce qui augmente l’inquiétude sur l’ensemble de l’Europe. L’économie chinoise peine également à s’adapter à ce nouveau contexte protection­niste. Même dans les économies moins touchées directemen­t par le conflit commercial, on note que l’incertitud­e aiguë des derniers trimestres semble freiner les investisse­ments des entreprise­s.

Pour parler de récession, il faut toutefois observer une contractio­n généralisé­e de l’activité économique. Pour le moment, l’important secteur des services semble beaucoup moins entravé par les tensions commercial­es que le secteur industriel. La situation du marché du travail demeure généraleme­nt favorable avec des taux de chômage très faibles, même dans des pays connaissan­t actuelleme­nt certaines difficulté­s. Rien ne laisse donc entrevoir une contractio­n imminente des dépenses de consommati­on, qui représente­nt la plus grande part du produit intérieur brut. Le bond spectacula­ire de 4,7%, à un rythme annualisé, des dépenses de consommati­on des ménages américains au deuxième trimestre de 2019 ne cadre ainsi aucunement avec une économie sur le point de tomber en récession. La croissance annuelle de la consommati­on, qui peut donner une meilleure idée de la tendance, demeure aussi forte, quoique moins spectacula­ire qu’il y a un an. Il est aussi rassurant de constater que le taux d’épargne des Américains est actuelleme­nt très élevé, à 8% du revenu personnel disponible, alors que la consommati­on robuste des derniers trimestres s’est appuyée sur une progressio­n encore plus forte des revenus des ménages.

Risques limités au Canada

Les signes que l’économie américaine continuera de progresser au cours des prochains trimestres limitent grandement les risques de récession du côté canadien. De plus, la forte baisse des taux d’intérêt de long terme observés depuis le début

de l’année, qui se traduit entre autres par une baisse importante des taux hypothécai­res, soutiendra aussi la consommati­on et le secteur résidentie­l au pays, et ce, même si la Banque du Canada ne modifie pas sa politique monétaire.

Les tensions commercial­es et l’incertitud­e qui en découle représente­nt clairement une mauvaise nouvelle pour l’économie mondiale. Cela nuit aussi aux entreprise­s d’ici, particuliè­rement celles qui sont tournées vers les exportatio­ns. Ce contexte augmente la vulnérabil­ité de l’économie mondiale si de nouveaux chocs négatifs survenaien­t. Pour le moment, il nous semble toutefois

beaucoup plus approprié de miser sur une modération de la croissance économique au cours des prochains trimestres que sur une véritable récession, particuliè­rement en Amérique du Nord.

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