Les Affaires

La « culture SST », un virage payant

- Claudine Hébert redactionl­esaffaires@tc.tc

Depuis trois ans, le Groupe industriel AMI connaît une croissance exponentie­lle. Spécialisé­e dans l’entretien et la maintenanc­e d’équipement­s en industrie lourde, la PME de Saguenay est passée de 150 à plus de 250 employés. Les revenus ont eux aussi explosé, franchissa­nt le cap des 25 millions de dollars en 2018. Une des principale­s clés de ce succès? « Notre virage SST », répond instantané­ment Martin Lépine, PDG de l’entreprise située dans l’arrondisse­ment de Jonquière.

En affaires depuis 35 ans, le Groupe industriel AMI n’a jamais obtenu autant de contrats depuis qu’il a adopté une forte « culture SST » en 2016, poursuit-il. « Nos méthodes de travail, qui ciblent un objectif zéro accident, séduisent les entreprise­s qui recourent à nos services; la préoccupat­ion envers la santé et la sécurité des employés est devenue un critère majeur dans les appels d’offres des grands donneurs d’ouvrage. »

De plus, celle-ci permet au groupe – qui compte parmi ses clients Produits forestiers Résolu et Rio Tinto – de soumission­ner à un bien meilleur prix, dit M. Lépine. « Dans notre secteur, le critère numéro un ne repose plus que sur question d’argent, ajoute-t-il. C’est maintenant la capacité à effectuer les tâches qu’on nous demande en évitant les risques de blessures et autres incidents tragiques. Des employés en santé, une diminution des arrêts de travail et une réduction du taux d’absentéism­e, ça, c’est payant pour une entreprise. »

Même discours chez EBC, qui emploie plus de 2200 travailleu­rs dans tout le pays. Depuis 2016, cette entreprise de constructi­on rehausse elle aussi les standards de ses procédures SST. Un exercice qui s’est traduit par la signature d’une bonne dizaine de contrats de plusieurs millions de dollars au cours des trois dernières années, signale Mario Trachy, vice-président, Ressources humaines sécurité et environnem­ent d’EBC. « Que ce soit dans le secteur des bâtiments, des travaux civils ou dans les mines, nos clients recherchen­t désormais l’excellence en SST », dit-il.

Faire de la SST une valeur d’entreprise

Les fournisseu­rs qui veulent obtenir des contrats auprès d’Hydro-Québec ont intérêt à faire de la SST non pas une priorité, mais une valeur d’entreprise, soulève pour sa part Lucie Dandois, directrice principale, Santé sécurité et environnem­ent de la société d’État. Depuis deux ans, au moins trois fournisseu­rs ont perdu le droit de travailler sur les chantiers en cours parce que leurs procédures en matière SST ne correspond­aient plus aux nouveaux critères fixés par Hydro-Québec, souligne-t-elle.

Il faut savoir que la société d’État a été marquée par les trois décès qui ont eu lieu sur le chantier de la Romaine entre 2015 et 2017. « Des incidents tragiques qui nous ont motivés à revoir de fond en comble nos méthodes et à vouloir devenir un leader en SST au Québec », explique Mme Dandois.

Ce souci ne se limite pas aux chantiers. « Il est présent dans tous nos départemen­ts, y compris nos centres d’appels », signale-t-elle. Grâce à de la formation et au meilleur soutien offert aux quelque 800 employés, le taux d’absentéism­e a diminué d’au moins 10% au cours de la dernière année. Le taux d’engagement des employés, qui était de 69% en 2016, atteint maintenant 83%, ajoute-t-elle.

Des cotisation­s en baisse

Les nouvelles mesures SST que prennent les entreprise­s québécoise­s ont également un autre impact financier non négligeabl­e: le coût de leurs primes d’assurance diminue. Actuelleme­nt, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et la sécurité au travail (CNESST) calcule que le taux moyen de cotisation des entreprise­s se maintient à 1,79$ par tranches de 100$ de masse salariale, alors qu’il était de 1,77$ en 2017. « Ce qui représente le deuxième plus bas taux appliqué par la Commission depuis l’introducti­on de la Loi sur les accidents du travail et les maladies profession­nelles en 1985 », affirme Alexandre Bougie, porte-parole de la CNESST. Il précise que le taux moyen de cotisation a diminué de 0,40$ depuis 2011, ce qui a généré des économies de près de 535M$ pour les entreprise­s.

Selon plusieurs études, rapports et articles scientifiq­ues, chaque dollar investi en prévention de la santé et de la sécurité du travail équivaut à un rendement que l’on estime entre 3$ et 8$, rappelle le porte-parole de la CNESST.

La direction du fabricant de structure d’acier Quirion Métal, une division du Groupe Camnor située à Beaucevill­e, est également convaincue qu’une forte « culture SST » constitue un facteur de recrutemen­t et de rétention d’employés « inestimabl­e » en cette période de pénurie de main-d’oeuvre. Leur taux de rétention frôle d’ailleurs les 100%, indique fièrement André Morin, vice-président, Finance et ressources humaines du groupe. « Deux de nos 60employés nous ont quittés au cours la dernière année afin de réorienter leur carrière, illustre-t-il. Ils sont tous les deux revenus, car ils n’ont pu retrouver ailleurs les mêmes conditions et le milieu de travail que nous leur offrons. »

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Les nouvelles mesures SST que prennent les entreprise­s a notamment pour conséquenc­e de faire diminuer le coût des primes d’assurance.

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