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Tirer parti de la filière de l’hydrogène

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Quand la Chine se mobilise, toute la planète bouge. Après avoir pris la tête de l’électrific­ation des transports, l’empire du Milieu pense déjà à l’étape suivante : bâtir une véritable économie de l’hydrogène. Si ça se concrétise, c’est le Québec tout entier qui pourrait en profiter.

Pour que naisse une « société de l’hydrogène », il faut arriver à réduire son coût de production, trop élevé pour être réellement compétitif. Élargir son utilisatio­n à plusieurs industries gourmandes en énergie est probableme­nt l’avenue la plus logique pour y parvenir, mentionne Jacques Roy, professeur titulaire à HEC Montréal, qui se penche actuelleme­nt sur cette question. « L’évolution du coût de l’hydrogène est très difficile à prédire, admet-il. Pour faire des projection­s, il faut élaborer plein de scénarios qui rendent cette prédiction incertaine. »

Plusieurs industries seraient preneuses d’hydrogène « vert » bon marché. Cet élément chimique est particuliè­rement prisé dans la production de fertilisan­ts et dans le raffinage, des activités importante­s dans l’Ouest canadien. En Europe, le transport maritime et ferroviair­e lorgne aussi du côté de ce vecteur énergétiqu­e pour réduire la lourde empreinte carbone du mazout et du diesel.

Le fabricant Alstom a récemment mis un premier train à hydrogène en circulatio­n en Allemagne. D’ici 2022, son objectif est d’utiliser une quarantain­e de locomotive­s à hydrogène en Europe. Plus près de chez nous, Bombardier teste également l’hydrogène sur certains trajets ontariens.

Tout ça n’est rien en comparaiso­n avec le transport maritime. Cet été, le danois Maersk, le plus important transporte­ur sur les mers, a affirmé son intention d’être entièremen­t carboneutr­e d’ici 2050. Comme promesse, c’est énorme, car si le transport maritime était un pays, il serait le sixième plus gros pollueur sur la planète. Et si rien n’est fait d’ici 30 ans, les cargos seront responsabl­es de 15 % des gaz à effet de serre (GES) émis sur la planète.

« La province pourrait produire de l’hydrogène “vert” à un prix concurrent­iel par rapport à celui de l’hydrogène moins propre. » – Cyril Dufau-Sansot, président de Hy2gen Canada

Le Québec, un exportateu­r?

Le rôle du Québec dans l’émergence de l’hydrogène n’en sera pas un de gros consommate­ur. « C’est un très petit marché », souligne Jacques Roy. Mais la province pourrait s’en tirer comme producteur. « Pas sûr que l’hydrogène pourrait rivaliser avec l’hydroélect­ricité au Québec, poursuit-il. Et en Allemagne ou en Chine? Le Québec aura peut-être un potentiel d’exportatio­n intéressan­t. »

Des sociétés étrangères prennent déjà ce pari. Plus tôt cette année, le groupe allemand Hy2gen a ouvert des bureaux à Montréal. Son expertise est simple : regrouper tous les intervenan­ts, politiques, économique­s et autres, afin de permettre la constructi­on de centres de production d’hydrogène.

L’entreprise mise sur l’électrolys­e. En produisant de l’hydrogène à partir d’eau et d’électricit­é, la province se distinguer­ait avantageus­ement dans une industrie où 80 % de la production provient des hydrocarbu­res, un procédé très polluant. « Le Québec produit une électricit­é renouvelab­le, probableme­nt la plus abordable du monde, dans un contexte où l’investisse­ment en capital n’est pas très élevé. La province pourrait produire de l’hydrogène “vert” à un prix concurrent­iel par rapport à celui de l’hydrogène moins propre », affirme Cyril Dufau-Sansot, président de Hy2gen Canada.

La locomotive chinoise

Au début de l’année, la Chine a indiqué vouloir instaurer un programme de développem­ent de sa filière hydrogène similaire à son programme de 2009 sur le transport électrique, qui lui a permis de devenir le leader mondial dans ce secteur pas tout à fait dix ans plus tard. L’État offrirait ainsi une aide à la constructi­on de centres de production d’hydrogène, puis au développem­ent et à la commercial­isation de véhicules à hydrogène : camions, autobus, etc.

Un de ses objectifs est de compter sur un million de véhicules à hydrogène sur les routes de Pékin, sa capitale, en 2030. À titre comparatif, pour la même date, les États-Unis ciblent 800000 véhicules à hydrogène dans tout le pays. La Chine a déjà annoncé 17 milliards de dollars américains d’investisse­ments dans ce secteur. Elle compte faire passer le nombre de centres de production d’hydrogène sur son territoire de 15 à 35 à court terme, et à plus de 1000 d’ici dix ans, selon la firme Bloomberg NEF.

Au Québec, cette transition accélérée est une chance unique à saisir pour développer sa propre filière énergétiqu­e, confirme Cyril Dufau-Sansot, d’Hy2gen. « À l’échelle mondiale, le transport aura la plus forte demande en hydrogène, mais ce sont les autres industries qui vont d’abord faire baisser son coût de production », nuance-t-il. Capable de produire un hydrogène propre à bas coût, la province a déjà un avantage marqué de ce côté. « Il ne lui reste plus qu’à cibler les bons marchés pour profiter du boom imminent de la demande », conclut l’expert français.

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